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De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme, du post-modernisme à la modernité

Par MyNight (BF), le 06/07/2007 à 12:17

Le concept de modernité en architecture est difficile d’accès, tellement ce terme de « modernité » reste ample et ambigu.

Il faut se rappeler que ce terme de « modernité », dans son sens contemporain, est inventé par Charles Baudelaire : « La modernité, c'est le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. » (Le Peintre de la vie moderne). Il ne date donc que de la moitié du XIXe siècle, et reste récent, alors que les temps modernes naissent eux, pour l’historien, dès la Renaissance au XVIe siècle.

La modernité est donc issue d’un temps qui s’assume comme moderne, ce qui influence directement les formes architecturales. On est alors en pleine révolution industrielle, et l’essor de nouveaux matériaux de construction – comme l’acier et le béton, puis le béton armé – vont conformer un nouveau courant répondant à l’esprit d’un temps.

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L'usine Claude Duval, Saint-Dié (Vosges), Le Corbusier : un véritable manifeste du courant moderne. © Christian Amet, licence Wiki Commons

Car pour la première fois se pose de manière aiguë la question des fonctions d’un objet architectural par rapport à sa forme : est-ce la forme qui régit les fonctions, ou sont-ce les fonctions qui doivent régir les formes ? La modernité exige en tout cas que l’architecte tire partie des nouveaux matériaux, ce qui offre de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités d’ingénierie. On arrive là dans la notion de standards, de prototypes, d’éléments préformés en usine, ce qui rejaillit directement sur les coûts de production, et donc sur les possibilités architecturales. On peut même penser que cela va se répercuter sur la manière dont on va commander des bâtiments, y compris dans le cadre des commandes publiques.

Ainsi, des bâtiments très fonctionnels vont voir le jour, dans une optique industrielle jamais encore aussi prégnante : des gares, des usines, des gratte-ciel, des pavillons d’expositions universelles, des garages… Ces types de bâtiments, aujourd’hui totalement communs, fondus dans le paysage, posent pourtant avec acuité cette problématique résidant entre forme et fonction. Lorsqu’on regarde une gare, on ne se demande pas s’il s’agit d’une cathédrale. Ce genre architectural rejaillira d'ailleurs sur tous les objets architecturaux, jusqu'aux villas.

Le modernisme met cette question au centre du débat. L’idéologie de fond proclame que les fonctions du bâtiment conforment l’édifice. C’est Louis Henry Sullivan qui, fin XIXe siècle, proclame que « la forme découle de la fonction ».

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Immeuble Bauhaus-Dessau, domaine public

Il est évident dès lors qu’une nouvelle esthétique va se faire jour, une esthétique de la rupture qui refuse les théories architecturales précédentes.

Ainsi, de Gropius (le fondateur du Bauhaus) au Corbusier, cette nouvelle manière d’appréhender les formes architecturales va prendre un véritable essor dans les années 20. Le Mouvement Moderne va naître. Si on le considère en rupture avec le passé (modos en Grec signifiant d’ailleurs aujourd’hui), c’est qu’il trouve aussi ses soubassements idéologiques dans une certaine appréhension hégélienne de l’Histoire (voir La Phénoménologie de l’Esprit et Les Principes de la philosophie du Droit). L’architecture moderne prétend en effet cristalliser dans sa forme l’esprit du temps (zeitgeist), à savoir ses traits distinctifs, l’anatomie profonde d’une époque. Or, nous sommes là dans un monde en pleine mutation, où la mécanique, l’industrie posent de lourds problèmes éthiques. Le progrès devient une valeur centrale, la civilisation contemporaine voit le temps s’accélérer, les distances diminuer, on commence à avoir la prescience de la mondialisation. L’architecture, dans les années 20, s’inscrit dans cette voie, se pose comme ayant une mission qu’on pourrait qualifier de sociale car elle influe sur la civilisation, tentant de répondre à ses problèmes en offrant un modus vivendi conforme à l’esprit de ce temps. Il est donc inutile de préciser que le courant moderne est affilié à l’Esprit des Lumières et à ses avatars contemporains comme le positivisme d’un Auguste Comte.

Le Mouvement Moderne appelle donc à une rupture forte. Pour autant, le XXe siècle va connaître des retours à l’ordre classique – à travers différents courants, comme le néoclassicisme, le traditionalisme, voire l’historicisme. La modernité n’est pas le modernisme, et elle englobe ainsi les courants et les contre-courants.

Le courant sans doute le plus en rupture avec le modernisme reste le post-modernisme.
A partir des années 70, une réflexion de fond est entamée sur les traits distinctifs du Mouvement Moderne, aboutissant à une remise en cause certaine du fonctionnalisme.
Le post-modernisme – emprunt de sciences humaines, y compris de sémiologie qui est la science des signes et des significations – montre que l’architecture, en tant qu’art, est un support fort de significations. L’architecture est donc réclamée comme iconique, comme vecteur de sens, et va donc s’imprégner de citations et de références historiques.

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Le complexe Antigone - Hôtel de région Languedoc, Montpellier, par Bofill © Thierry, licence Wiki Commons

L’histoire va donc devenir une sorte de catalogue de formes, de concepts et de genres qui vont être réinjectés dans le contexte contemporain. Cette appréhension de l’architecture, que l’on commence à trouver chez Robert Venturi (De L’Ambiguïté de l’architecture, 1971) ou dans le mouvement Pop art, est formalisé par Charles Jencks dans Le Langage de l’architecture post-moderne (1977). L’architecture est le fruit d’un double codage, combinant les traits de la culture savante et de la culture populaire, dans le but d’être appréciée par le plus grand nombre. Dès lors, l’image devient au centre du débat, au détriment de la fonction du bâtiment qui n’est plus ni un espace à vivre, ni un instrument de transformation sociale. Le post-modernisme est donc un pendant de l’éclectisme architectural, mais n’est pas pour autant un retour en arrière puisqu’il reste témoin de l’esprit d’un temps, et est donc comme tel inscrit dans la modernité.

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Musée Solomon R. Guggenheim(TM), New York, par Frank Lloyd Wright,  GNU Free Documentation License

Le post-modernisme prône le continuum historique comme idéologie centrale sous-jacente. C’est Aldo Rossi qui, dans L’Architecture de la ville (1966), montre que l’architecture contemporaine se doit de respecter une certaine intégration avec le tissu historique et urbain préexistant. On peut donc penser que le post-modernisme se situe en rupture directe non seulement avec le Mouvement Moderne, mais aussi avec les courants utopistes fondés sur l’idée de progrès et d’industrialisation, qui mettaient la fonction en avant par rapport à la forme.

Pourtant, et ceci est un paradoxe très intéressant, le post-modernisme me paraît subir parallèlement au courant moderne une très haute influence de l’esprit du temps, et n’est donc pas en rupture totale avec le Mouvement Moderne : conformé non par une société industrielle mais par une société qui s’est métamorphosée en société de l’information, il rend naturellement prééminent le concept d’image, et met donc la forme en avant par rapport à la fonction. Dès lors, Mouvement Moderne et post-modernisme sont certes opposés dans leur appréhension de l’objet architectural, mais leur imprégnation dans leur temps est en tous points similaire et comparable. Ces deux mouvements situent l’architecture comme fermement ancrée dans la contemporanéité, en tant que miroir de la civilisation.

On se situe donc bel et bien là dans une problématique moderniste liant intimement ces deux mouvements opposés…

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