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Afrique(s), images faussées d’un continent

Par Tonio del Barrio, le 13/07/2007 à 10:32

Pour beaucoup, l’image que renvoie actuellement l’Afrique est celle d’un espace géographique que l’on se représente bien souvent comme une entité unique et individuelle. Ce continent semblerait donc exister comme une réelle « personnalité géographique », véhiculant nombre de clichés banalisés par l’usage.

Combien de fois entendons-nous le refrain perpétuel d’une « Afrique en ruine, caractérisée par la pauvreté, déchirée par les conflits et ravagée par les épidémies ». Ainsi, sur fond d’ « afro-pessimisme », on en oublie la complexité émanant des diverses situations régionales rencontrées au sein de ce vaste continent.

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Fig 1.1 La diversité africaine au contact des colonisateurs européens
Source : http://images.google.fr/imgres?imgurl=h … %26hl%3Dfr

L’afro-pessimisme

Dans les années 30, l’issue de l’Afrique semblait déjà  plus que problématique pour certains, et le célèbre tropicaliste Pierre Gourou n’hésitait pas à déclarer à l’époque qu’« il n’est pas permis d’espérer que l’aisance matérielle puisse un jour régner (en Afrique) ».

Puis, dans les années 60/70, avec l’apparition de l’expression, désormais démodée, de tiers-monde, un courant idéologique très fort et très médiatisé va mettre en lumière le côté catastrophiste et fataliste de l’Afrique. La représentation négative du continent va malheureusement ancrer un modèle où l’Afrique est à la périphérie d’un monde occidental représenté comme le centre, dépossédant les Africains de toute la diversité de leurs histoires.

L’Afrique sub-saharienne fut même encore présentée par Dubresson en 1994, comme un « continent maudit ».

Les clichés de la malédiction africaine

L’Afrique serait riche du point de vue de la nature en raison de sa position tropicale mais serait aussi en proie à un malheur endémique du point de vue politique, économique et social.

Ainsi, on ne peut que reconnaître qu’en 2005, l’Afrique ne représente que 1,8% du PIB mondial (l’Afrique du sud représenterait la moitié de ce PIB). Plus alarmant encore, la part économique de l’Afrique dans le monde aurait diminué depuis plusieurs décennies. Ainsi, alors que le continent représentait 17% des exportations des produits agricoles des pays en voie de développement dans les années 60, elle n’en serait plus qu’à 8% aujourd’hui, de même pour les échanges mondiaux qui sont passés de 5% à 2,4%, en trente-cinq ans.

Par ailleurs, la dépendance de l’Afrique à l'égard des pays industriels résulte pour beaucoup des cours des matières premières qui fragilisent l’économie des pays africains. 

De plus, le continent connaît une très forte croissance démographique et la qualité de la situation sanitaire se dégrade dans certaines régions sous l’effet dévastateur du  VIH qui vient se greffer aux problèmes déjà posés par des maladies tropicales telles que le paludisme.

La faim, la malnutrition, la sous-alimentation sont banales en Afrique.

On observe aussi des problèmes environnementaux provoqués par les sécheresses, des problèmes de désertification, de déforestation.

Enfin, la corruption et le clientélisme, sur fond de pauvreté et d’insécurité, sont à la base de l’instabilité politique des pays africains, décourageant le développement des IDE (Investissements Directs à l’Etranger).

Ce climat d’ingérence politique et économique est à l’origine des nombreuses aides humanitaires et au développement, et des actions du FMI et de la Banque Mondiale.

Sylvie Brunel parle de continent sous perfusion pour évoquer le cas de certains pays parmi les moins avancés qui dépendent littéralement de l’aide extérieure tel le Mozambique qui fournit les 2/3 de son PIB grâce aux aides apportées dans le pays. Des cas que l’on retrouve en Tanzanie (40%), au Burundi, au Rwanda ou au Tchad (20%). Cependant cette aide serait en baisse.

De nombreux espoirs

Néanmoins, on ne peut que regretter que cette liste catastrophiste, relatée par les médias internationaux et africains eux-mêmes ne se poursuive pas en proposant simultanément l’autre façade de cette vision chiffrée de l’Afrique.

Les diverses sociétés africaines sont en effet loin d’être dans l'état d'immobilisme que semblent suggérer les chiffres émanant du PIB ou du PNB africains. Les sociétés africaines sont en réel mouvement, « en perpétuelle activité », engageant de véritables efforts d’inventivité face aux carences officielles. Cela se traduit par une économie informelle très forte, qui ne peut être considérée comme un réel modèle de développement mais plus comme une réaction de survie face à la pauvreté.

Dans un premier temps, il faut saisir que l’Afrique est plurielle, il n’y a pas une Afrique, mais des Afriques. Comment comparer l’Afrique du Sud à l’Ile Maurice ou à la Côte d’Ivoire ?

Du point de vue climatique, l’Afrique offre toute la gamme des climats tropicaux en passant même par des climats d’altitude, on y retrouve surtout une innombrable diversité de peuples, de langues, de cultures et de croyances.

L’Afrique est surtout forte de nombreuses potentialités encore non explorées, telles ses réserves minérales qui en font un continent riche tandis que ses paysages de montagnes et de littoraux sont réputés pour leur beauté, baignés par un soleil et une chaleur désormais considérée comme une plus-value touristique, il y a dans ce dernier point, un extraordinaire potentiel qui est encore très largement sous-exploité.

Bien que certaines villes aient grandi trop vite, sans équipement et sans infrastructure, celles-ci sont de véritables carrefours, des creusets où se multiplient les cybercafés et où le téléphone portable est devenu roi, permettant d’entretenir des réseaux sociaux forts et soudés.

Par ailleurs, face à la forte croissance chiffrée et envisagée des métropoles africaines (Lagos, Nairobi, Abidjan, Luanda …), on observe un phénomène de retour des populations urbaines, non plus vers les villages mais vers les petites villes, ces individus diffusant les apprentissages acquis en ville à l'intérieur des pays. La vitalité des réseaux familiaux invite au mouvement et aux opportunités.

De plus, à l'inverse d'autre continent, il existe encore beaucoup de terres non habitées en Afrique, offrant de formidables potentialités de développement.

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Fig 1.2 Densité comparée entre l'Afrique et l'Europe
Source: http://www.populationdata.net/

Penser que l’Afrique est en dehors de la mondialisation est donc une erreur, elle ne serait qu’à l’écart de la mondialisation officielle.

Cette mondialisation officieuse paye le prix des trafics illégaux tels que le trafic d’armes.

D’une manière générale, il faut donc comprendre que l’Afrique est plurielle, et qu’elle est un continent qui paraît aujourd’hui plus en crise qu’en faillite.

Les problèmes africains découlent d’une très forte pauvreté et d’une très forte croissance démographique qui induisent la difficulté de soigner, de nourrir, d’éduquer, de loger tous le monde. Cependant, on trouve derrière les chiffres un véritable potentiel qu’il serait coupable d’ignorer…

Sylvie Brunel affirme qu’en proposant du pouvoir d’achat aux paysans, on sauverait l’Afrique, qui doit impérativement arriver à accumuler et non à consommer immédiatement.

Enfin, la jeunesse de ce continent est son dernier atout au moment même où les pays occidentaux vieillissent, la chance de l’Afrique résidant dans ce dynamisme, ce mouvement...

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SOURCES

BRUNEL S, L'AFRIQUE, un continent en réserve de développement, Editions Bréal, 2004

VOLVEY A, DEVERIN Y, HOUSSAY-HOLZSCHUCH M, RODARY E, SURUN I, BENNAFLA K, L'AFRIQUE, Clefs concours, Edtions Atlante, 2005

POURTIER R, AFRIQUES NOIRES, carré géographique, éditions Hachette supérieur, 2001

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La diversité de l'Afrique en image :

http://farm1.static.flickr.com/34/69281516_4afab2ae20_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/amalthya/
Ouganda, terasses agricoles et volcan, par amalthya

http://farm1.static.flickr.com/112/252504654_7f31d71604_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/ferdinandreus/
Djenne, cité vieille de près de mille an, au Mali, par Ferdinand Reus

http://farm1.static.flickr.com/140/317800184_05d1cc0b09_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/marksurman
Marché de Cotonou, par Mark Surman

http://farm2.static.flickr.com/1238/534332679_a12776e19c_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/rob_goodspeed/
Le Cap, par DC ROB

http://farm2.static.flickr.com/1170/533641379_43de776235_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/devinmitchell/
Tunis, par devinmitchell 

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http://www.flickr.com/people/alphadesigner/
Village de Madagascar, par Artwerk

http://farm1.static.flickr.com/191/499548189_03d8cfe6ed_b.jpg
http://www12.flickr.com/photos/14924334@N00/
Lagos, Nigeria, par ryan paetzold

http://farm1.static.flickr.com/195/505070281_b357ff21aa_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/imazir/
Mariage kabyle par ImAzIr

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http://www.flickr.com/photos/postmodernrepublic/
Rues de Kinshasa, par tomas

http://farm1.static.flickr.com/127/386912806_439510af59_b.jpg
http://www.flickr.com/photos/moi_of_ra
Culte vaudou au Bénin par moi of ra

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