Le logement aux XXe et XXI siècles : typologies, utopies et réalités

Chéricutz a écrit:

A pleurer  :

Cité des Poètes - Ensemble Robert Desnos

archimonde a écrit:

la Cité des Poètes "n'a pas atteint les objectifs poursuivis par son concepteur en matière d'écologie et de qualité de vie de ses habitants"

En matière d'écologie c'est le cas de tout Paris, quant à la qualité de vie..........si on compte ça comme critère, exiguïté, confort et le reste, beaucoup de petits logements parisiens mal entretenus seraient de bons candidats!

Chéricutz a écrit:

"ne peut être regardée comme un symbole d'une période de l'histoire de l'architecture, qui ferait partie d'un patrimoine à protéger ou à mettre en valeur", c'est pas mal aussi : moi, juge du tribunal administratif, suis le mieux placé pour savoir ce qui est un symbole de l'histoire de l'architecture, et là, désolé, c'est une grosse merde (sic !)...

Après le "A quoi ils pensaient les architectes ?" (rédigé dans un très bon français, au passage) de la municipalité de Braouezec, ça commence à faire beaucoup dans la barque ! Ca et Meaux, c'est pas mal comme exemple de négation urbaine et de brutalisme étatique pour répondre au Brutalisme stylistique, non ?

le renard a écrit:

Chéricutz a écrit:

Après le "A quoi ils pensaient les architectes ?" (rédigé dans un très bon français, au passage) de la municipalité de Braouezec

Pour rendre à César... c'est Michel Fourcade le maire de Pierrefitte et non Braouezec

Sinon je partage ton indignation. En dehors d'un petit cercle d'initiés et d'amateurs éclairés, la valeur patrimoniale d'une construction est d'abord jugée à l'aune de son âge. S'il avait survécu vingt ans de plus, cet ensemble aurait certainement été labellisé "Patrimoine du XXème siècle", voire classé MH au bout de vingt ans supplémentaires...

Chéricutz a écrit:

Pire, c'est Braouezec qui avait besoin de soussous pour engager des travaux en vue de sa réelection (ratée), et l'ANRU qui en avait trop et qui devait trouver des "trucs à démolir" pour dépenser ses crédits comme on brûle du kérozène à l'armée de l'air en fin d'année pour être sûr d'en avoir autant l'année d'après.

C'est pas moi qui le dit, mais Jean-Pierre Lefebvre, président de DOCOMOMO dans une lettre ouverte à Frédéric Mitterrand (lire ici) :

"[...]

C’est alors qu’interviennent les élections municipales. Menacé dans sa circonscription, Monsieur Braouezec, député et président de la communauté urbaine, ne présentait pas moins de sept dossiers à la subvention de l’ANRU. Celle-ci avait absolument besoin d’eux pour consommer ses crédits. Le député exigea que le dossier de Pierrefitte reste joint aux six autres et il gagna : la convention fut signée (anecdote : la maire entre temps perdit son siège !).

[...]"

C'est encore plus pitoyable, non ?

le renard a écrit:

Certes, mais autant être précis. Attribuer cette phrase un rien populiste à l'ancienne municipalité de Saint-Denis c'est aller un peu vite en besogne non ?

Chéricutz a écrit:

Je te l'accorde. C'est pourquoi je rends à César (Lefèvre) ce qu'il dit à Brutus (Mitterrand).

Lupus a écrit:

Je n'ai pas trop le temps de participer à votre petit dialogue en ce moment, mais pour avoir un tout petit peu suivi l'affaire, les arguments des maires ne m'avaient pas semblés totalement dénués de pertinence.

Si effectivement, la Cité des Poêtes avait été conçue avec une volonté très humaniste, cherchant à donner un sentiment d'intimité et d'appropriation de l'espace, l'histoire semble en avoir fait un coupe-gorge notoire. Les coins les plus charmants quand ils sont maîtrisés peuvent vite devenir de vrais cloaques (je pense que le Montmartre du 19e avait le charme moins immédiat qu'aujourd'hui).

Quelle aurait été la solution alternative pour la cité des poêtes?

Régler les problèmes sociaux qui la minent? Certes, c'est sans doute la solution la plus ambitieuse, mais elle ne s'envisage qu'à très long terme. Et avant que les trafics en tout genre disparaissent de ce genre d'endroit, il faudra quand même faire beaucoup d'efforts...

La conserver, vidée de ces habitants? Alors c'est vraiment de la défense patrimoniale dans ce qu'elle a de plus conservatrice.

En fait, je trouve que les maires marquent un point quand ils font remarquer que les membres de l'association de la Cité des Poêtes vivent tous en centre ville, et n'iraient pas le moins du monde venir s'installer à Pierrefitte.

Pour le coup, je trouve qu'il y a de la raison des deux cotés.

Chéricutz a écrit:

Plus sérieusement, la démolition est une solution de facilité, une sorte de "circulez, y a rien à voir" addressé aux problèmes et aux méchants...

archimonde a écrit:

La conserver, vidée de ces habitants? Alors c'est vraiment de la défense patrimoniale dans ce qu'elle a de plus conservatrice.

La réhabiliter, réhabilitation=de nouveaux habitants, changer l'aspect, refaire et remettre en état mais pas démolir. Si on marche dans cette logique, plusieurs quartiers seraient démolis d'ici une dizaine d'années, il faut arrêter de trouver des explications là où il n'y a qu'une seule.

La démolition répond à un besoin spécial, celui de faire neuf, beau, plus haut(modérément  ) plus petit en surface et plus cher. Voilà la bonne recette d'une belle démolition alors qu'une réhabilitation a besoin d'une subtilité, d'une certaine recherche, de temps pour faire accepter l'idée un challenge que tout le monde n'est pas prêt à relever.

(Excellent texte en passant... )

Quelques exemples de typologies intéressantes - notamment dans les années '70 - à découvrir sur la BDD de PSS :

Bernon-Village
(AR3, Jacques Chénieux, C. Trudon, 1971)

Cette réalisation s'inspire de l'opération Siedlung Halen (Atelier 5, 1961) en reprenant les mêmes principes de trame serrée (inférieure à 5 mètres) et d'espaces piétonniers généreux.

Les 122 logements qui la composent sont groupés en une succession de bandes orientées nord-sud ou est-ouest, à l'exception des logements donnant sur le parc (à l'ouest, logements en accession).

Il s'agit d'une remarquable illustration des réflexions menées au cours des années 1960 sur la recherche de typologies à la fois denses et individualisées. Elle se distingue par des choix de rationalisation et de standardisation particulièrement affirmés. On ne peut donc que regretter la dégradation qu'elle a connue au fil des ans*.




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* Des photos sont disponibles à cette adresse.

Cité Rateau
(Jean Renaudie, 1984)

Répartie en trois ensembles totalisant 151 logements, la Cité Rateau se caractérise par ses formes anguleuses en béton brut, ménageant pour chaque logements des terrasses pour partie couverte de 40 cm de pleine-terre. Des ateliers d'artistes sont également intégrés à l'ensemble d'une beauté plastique brutaliste indéniable et plébiscité par ses habitants.

Construite selon un plan libre par Jean Renaudie et Renée Gailhoustet (1), chef de file de l'école gradins-jardins, elle a fait l'objet d'une profonde réhabilitation (2) menée par Plaine Commune Habitat en 2008 et 2009 et portant notamment sur l'étanchéité et l'isolation, devenues obsolètes.



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(1) Lire à propos du travail de Jean Renaudie et Renée Gailhoustet l'excellent article de Bénédicte Chaljub publié dans AMC.


(2) Plus de détails sur le site de la mairie de La Courneuve, Batiactu. Un reportage sur le sujet étonnant est également visible sur Du Côté Des Pros.

Opération expérimentale La Terrasse
(Atelier des Architectes Associés [AAA], Michel Bescos, Fabien Castaing, Pierre Debeaux, Alexandre Labat, Maillard, Pierre Viatgé, 1967)

Cette opération expérimentale communément appelée "La Terrasse" fut édifiée par l'agence AAA (Atelier des Architectes Associés) menée par Fabien Castaing. Il s'agit d'un exemple typique de l'avant-garde toulousaine concernant le logement dans cette période courant de l'immédiate après-guerre jusqu'au milieu des années 70 (1).

La résidence regroupe plusieurs groupes de maisons à patios (70) proches du lotissement auquel ont collaborés les AAA au Mirail (2) ainsi qu'un surprenant immeuble en double gradin traversé longitudinalement par une rue de desserte et surmonté par de grands logements-ponts. Les 70 appartements disposés sur 6 niveaux superposés développent de larges terrasses.

Aujourd'hui encore cette opération fait référence puisque l'on retrouve des influences certaines dans les logements contemporains, notamment à Andromède (3).



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(1) Une exposition, "Architectures 45-75 : le logement moderne à Toulouse" a été présentée à l'été 2009 à l'École des Beaux-Arts de Toulouse : Plus d'infos ici.

(2) Voir la fiche du lotissement La Tourasse sur PSS.

(3) Un gros clin d'oeil est faite à cette opération aux "Terrasses de Babylone" construites par le groupe Sagec.

La Grande Borne
(Emile Aillaud, 1967)

Les premières esquisses de cette vaste cité furent établies par Emile Aillaud à partir de 1965 (1). C'est entre 1967 et 1971 que Bouygues construit les 3685 logements que comptent l'opération. Ceux-ci, regroupant près de 13000 habitants - pour la plupart dans des logements collectifs - s'organisent sur un immense terrain de 90 hectares de forme triangulaire à cheval sur les communes de Grigny et de Viry-Châtillon.

L'origine de cette planification urbaine d'envergure - Grigny, auparavant, n'était qu'un gros village de 300 âmes accroché sur un coteau assez loin de la capitale - réside dans la volonté étatique de résorber les bidonvilles de la région parisienne et en particulier ceux du XIII° arrondissement alors en proie à de vastes travaux (2).



L'ensemble, véritable ville dans la ville, est groupé autour d'une "plaine centrale" et se compose de 7 quartiers divisés en 25 secteurs. L'architecture et l'urbanisme se marient autour d'éléments simples mais forts, en rupture avec la production classique de grands ensembles en cours à cette période.

Les bâtiments sont bas (de 2 à 4 étages), courbes voire cintrés, dessinant moult labyrinthes (une rue d'ailleurs porte ce nom) ménageant surprise, identité et intimité autour de places (3). On y découvre comme par hasard des sculptures, des mosaïques, des fresques (4) réalisées par Fabio Rieti, Eva Lukasiewicz, Laurence Rieti, Gille Aillaud ou François Lalanne. L'ensemble est coloré, ludique, sans voitures.



Mais le déracinement de populations fragiles transplantées à 25 km de Paris, l'enclavement de ce quartier isolé par d'importantes voies de circulation (notamment l'A 45 et l'A 6) et le manque d'équipements publics non prévus dès l'origine transforme vite ce quartier, malgré son urbanisme moderne et sensible et son architecture ludique et identifiable en laboratoire de la dégradation urbaine des années 80-90 (5).

De multiples projets (6) - de la première réhabilitation (1983-1990) au Grand Projet de Ville (2000-2010) (7) - tentent depuis d'améliorer les défauts endogènes ou exogènes de ce quartier majeur dans l'histoire de l'architecture et du logement social en France.






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(1) Article très complet et riche iconographie - en terme de planification urbaine notamment - à consulter sur Wikipédia

(2) L'histoire des quartiers de la Grande Borne et de Grigny II est retracée sur le site de la Mairie de Grigny.

(3) Une visite commentée et illustrée est également proposée par la mairie de Grigny.

(4) A découvrir sur Topic-Topos

(5) Un dossier très complet est disponible sur le site de la Banques des Savoirs de l'Essonne.

(6) Un projet de transformation radicale a par exemple été proposé en 2003 par l'agence T-Design architecte lors du concours Europan 7. Il est visible sur le site architectes-paris.com

(7) Carnets de croques-notes tels des cadavres exquis, oeuvre de la revue Inventaire/Invention autour de Emile Aillaud et de Marc Duval, auteur de l'intervention dans le cadre du GPV.

Les Dents de Scie
(Antoine Grumbach, André Gutton, Henri Gutton, 1931)

Construit dans le cadre de la loi Loucheur sur le logement social de 1928, ces quarantes pavillons étaient destinés à loger des cheminots. Leur nom vient de la disposition particulière en angle à 45° par rapport à l'avenue Marceau qu'ils longent de part et d'autre.

Oeuvres d'Henri et André Gutton, ils sont constitués de briques habillées en 1938 de plaques enduites. Trois d'entre eux, démolis par les bombardements,ont été reconstruits en béton.

Ces pavillons ont été réhabilités par Antoine Grumbach en 1997, soit cinq ans après que façades, toitures et jardins privatifs aient été inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Ils bénéficient en outre du label "Patrimoine du XXe s".

Cité 212
(Germain Dorel, 1933)

Cet ensemble, conçu entre 1933 et 1936, comprend 581 logements. Construite à proximité de la ligne de tramway qui allait jusqu’à Paris-Opéra, est la première réalisation d’H.B.M. du Blanc-Mesnil. Cette réalisation répond au développement accéléré du secteur en raison de l'implantation sur le site du Bourget en 1914 de la première base militaire française. Jusqu'en 1976 la cité du Pont-Yblon a d'ailleurs été peuplé de garde mobiles.

Son architecte Georges Dorel conçoit cet ensemble ainsi que la cité du Pont-Yblon sur la commune voisine de Dugny. A l'origine une cité-jardin devait relier les deux opérations, mais elle ne fut jamais construite. L'architecture s'inspire fortement de la sécession viennoise, et en particulier de l'ensemble du Karl Marx-Hof de Karl Ehn



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* Voir aussi l'Atlas du Patrimoine en Seine-Saint-Denis.

Villa Mallet-Stevens
(Robert Mallet-Stevens, 1927)

Cette rue entière porta le nom de son créateur de son vivant. Mallet-Stevens construisit ici son appartement et celui de quelques uns de ses amis, en faisant le chef d'oeuvre de sa vie.
Cet ensemble de six immeubles (5 hôtels particuliers et une maison de gardien) est conçu comme un morceau de ville totalement homogène, d'une qualité urbaine inégalée.
Cet architecte ne possède aucune influence corbuséenne et reste insensible à l'argument du logement de masse : il ne conçoit que des hôtels particuliers, guidés uniquement par un souci de plastique et d'esthétique architecturale. Autant dire que Mallet-Stevens n'a aucune préoccupation sociale, ce qui faisait de lui un architecte controversé.
Il ne produit que pendant 16 ans, beaucoup d'oeuvres éphémères (décors de cinéma, palais d'expositions, aménagements d'appartements ou de magasins).

La rue Mallet-Stevens est un catalogue d'idées. L'architecte joue avec des cubes blancs et lisse pour unifier l'aspect des façades, jouant avec les décrochés, les gradins, les tours, les ouvertures, les auvents comme si la rue devenait une immense sculpture.

Les finitions sont très poussées, et étudiées dans chaque détail avec des vitraux de Barillet, des grilles et des portes de Jean Prouvé. Les intérieurs sont conçus par les plus grands noms de l'époque, Guévrékian, Charreau ou Mallet-Stevens lui-même.

La rue est vécue comme un espace en creux sculptée par un grand plasticien.

Des surélévations (comme le numéro 12) et modifications ultérieures compromirent malheureusement cette harmonie. Les façades ne furent classées qu'en 1975.

Principaux maîtres d’ouvrage :
- 3 et 5 Mme Hélène Allatini, cinéaste
- 6 Mme Reifenberg, pianiste
- 10 Joël et Jan Martel, sculpteurs
- 12 Robert Mallet-Stevens
- 16 Daniel Dreyfus, architecte.

Les Mûriers
(Georges Candilis, Alexis Josic, Team X, Shadrach Woods, 1963)

Labellisé "Patrimoine du XXe siècle", ce lotissement fut conçu par l'agence Team X (Candilis-Jossic-Woods) en 1961 afin de loger les employés du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) qui s'implantait alors à Cadarache, distant d'une trentaine de kilomètres.

L'opération initiale prévoyait la construction de 34 maisons en bandes et de 5 immeubles d'habitat collectif selon un programme similaire à celui du Petit Nice, commencé dans les mêmes conditions une année auparavant à Aix-en-Provence..

Au final seules 30 maisons seront construites entre 1962 et 1963. Passés du giron d'une SCI à celui de propriétaires uniques, elles font l'objet aujourd'hui d'un plan de réhabilitation.



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* Plus d'info sur le site de la DRAC Provence Alpes Côte d'Azur.

A ajouter à la liste la cité jardin:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9-jardin

Sur ce lien tu peux trouver plusieurs projets intéressants, notamment quelques-uns qui sont depuis un moment sur ma liste et que je n'ai pas encore eu le temps de les explorer. A suivre..........

J'ai habité, avec mes parents, dans la cité Cilof de 91 Viry-Châtillon http://groups.google.fr/groups/search?h … itesearch= , qui était toute neuve. Les premières années, il y avait encore des immeubles en construction.