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Le paysage, ou l'homme et la nature

#1 15-01-2007 21:26:12

Thierry
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Le paysage, ou l'homme et la nature

Je vous propose d'évoquer à l'occasion dans ce thread des questions relatives au paysage. Il faut bien prendre garde que le paysage et la nature sauvage sont deux choses très différentes. Le paysage, dans les pays occidentaux, c'est la nature modifiée par l'homme : pas un coin de France, sinon quelques cimes montagneuses, qui n'ait changé d'aspect de multiples fois au cours des 2000 dernières années. C'est aussi la nature telle qu'elle est vue par l'homme : la notion de paysage ne désigne pas la surface terrestre et la végétation dans leur fonctionnement biochimique, mais la représentation que se fait l'homme de son environnement. D'où l'importance du paysage en peinture.

C'est donc l'évolution de la nature visible, soit spontanément, soit sous l'action de l'homme, ainsi que les tentatives de celui-ci pour préserver celle-ci. Parmi les threads qui traitent de ce sujet en France, on trouvera :

Natura 2000
Erosion du littoral
Parcs nationaux

Et c'est aussi le paysage urbain ainsi que les infrastructures créées par l'homme à travers la nature (routes, voies ferrées, usines). La plupart des threads de ce forum en traitent d'une manière ou d'une autre.

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#2 15-01-2007 21:34:34

Thierry
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

Histoire du paysage français est un livre de Jean-Robert Pitte : 350 pages d'informations et de réflexions, toujours claires et stimulantes.

http://img490.imageshack.us/img490/1558/pittepz0.jpg

Pierre Chaunu remarquait qu'il y a peu de pays, et peut-être aucun, où il y ait autant de morts au kilomètre carré qu'en France, à cause de l'origine très ancienne des établissements humains. Les activités humaines ont donc, plus qu'ailleurs, marqué, transformé de manière multiple chacun des territoires français, palimpseste en constante évolution.

Or l'époque actuelle, dit Jean-Robert Pitte dans la conclusion de ce livre,  « s'accroche au paysage comme à un point d'ancrage, lui refusant de plus en plus l'évolution de peur de ne savoir l'enrichir ».

C'est l'un des intérêts de ce livre qui en a beaucoup : montrer l'ambigüité de la vision du paysage par les Français.

Il présente une vision d'ensemble de l'évolution du paysage français dans toutes ses composantes depuis l'époque préhistorique : forêts, cours d'eau, champs, routes mais aussi villages et villes. Il montre comment les activités humaines, les décisions politiques, les transformations sociales, les évolutions du goût ont effacé, remodelé, enrichi le paysage : agriculture (de l'open field au bocage, du bocage au remembrement), industries, génie civil...

En bon PSSien, je regrette une vision un peu sommaire de l'urbanisme moderne, qui n'est manifestement pas sa spécialité (sur le thème : les tours, c'est moche). Mais l'étude des villes au cours des siècles (tissu urbain, architecture, urbanisme), qui doit faire à peu près la moitié du volume, est tout à fait instructive. Il oppose ainsi plusieurs périodes :

- l'urbanisme romain, basé sur un quadrillage dont la vocation est certes utilitaire, mais aussi spirituelle ; l'axe principal ou decumanus prend la direction du soleil levant le jour où le fondateur trace le fossé qui va enclore la ville. Les cimetières sont mis à l'écart.

- l'urbanisme médiéval, dans lequel le tissu urbain existant, s'il existe, se perd peu à peu dans l'accumulation des maisons et des voies tortueuses. Les cimetières servent de lieux de réunion, la ville n'a rien de sacré.

- l'urbanisme moderne (voire, dès le Moyen Âge, les bastides du Sud-Ouest) qui reprend le quadrillage antique mais sans cette vocation spirituelle qui, selon l'auteur, est fondamentale : sur ce point comme sur beaucoup d'autres (par exemple le goût pour le blanc, alors que les Antiques coloriaient leurs statues et leurs temples), la Renaissance n'a retrouvé que l'apparence de l'Antiquité et a constitué son propre paradigme.

Bref, c'est à la fois un livre passionnant à lire du début à la fin, comme je l'ai fait, et un livre de référence à conserver dans sa bibliothèque !


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#3 17-01-2007 18:12:22

archimonde
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

Merci pour cet analyse, très poétique mais assez réaliste.

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#4 17-01-2007 18:58:30

Boris_F
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

Sujet très intéressant, je prendrai ma plume ces jours-ci pour partager un peu mon point de vue.  A5


Visitez mon blog et mon album photos

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#5 14-01-2018 16:24:14

le renard
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

(gros déterrage de thread... mais avec ajout d'humus et nouvelles plantations)

Britain's Next Megaproject: A Coast-to-Coast Forest
FEARGUS O'SULLIVAN  JAN 10, 2018

The plan is for 50 million new trees to repopulate one of the least wooded parts of the country—and offer a natural escape from several cities in the north.

https://farm5.staticflickr.com/4706/25814279778_c12a708a75_c.jpg
A map showing the full potential range of the new Northern Forest. Woodland Trust

Northern England is set to get a whole lot greener. On Sunday, the U.K. government unveiled plans for a vast new forest spanning the country from coast to coast. Shadowing the path of the east-west M62 Highway, the new forest will create a broad green rib across England from Liverpool to the east coast city of Hull.

...

https://www.citylab.com/environment/201 … om/550025/


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#6 14-01-2018 16:57:29

ziegfried
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

Vous vous souvenez de ça ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_muraille_verte_(Afrique)

http://www.grandemurailleverte.org/

On en parlait déjà il y a 15 ans. Aujourd'hui, la majorité des régions traversées par cette hypothétique muraille sont en conflit plus ou moins ouvert. Pendant ce temps-là, la désertification, elle, ne prend pas de pause pour attendre qu'on en finisse avec les AQMI, Daesh, Boko Haram et compagnie.   B10

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#7 14-01-2018 18:16:15

le renard
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

On est dans le temps long, et ce projet n'est pas spectaculaire contrairement aux événements politiques. Oui il est fragile mais comme il concerne un vaste territoire, il peut s'épanouir dans les régions à l'abri des conflits et constituer un modèle attractif pour ces dernières. Les Sénégalais commencent à en percevoir les effets positifs :

La Grande Muraille Verte au Sénégal : des arbres contre la sécheresse

Par Agnès Rougier Publié le 17-11-2015 Modifié le 17-11-2015 à 16:24

Le Sahel est confronté à un problème de sécheresse et le nord du Sénégal n’en n’est pas exempt. Or la sécheresse, combinée à des facteurs humains comme les feux de brousse ou le surpâturage, a rompu l’équilibre écologique : les ressources naturelles se dégradent et les productions agricoles diminuent. Pour restaurer cette région, le projet panafricain de la Grande Muraille Verte avait été adopté au Sommet de l’Union africaine en 2007. Huit ans plus tard, un premier bilan au Sénégal.

Les objectifs de la Grande Muraille Verte sont de planter une coulée verte de 7 600 km de long sur 15 km de large à travers le continent africain, de la Mauritanie à Djibouti, pour ralentir l’avancée du désert, améliorer la gestion des ressources naturelles et lutter contre la pauvreté.

Aujourd’hui, le résultat est contrasté, l’instabilité politique de certains pays les ayant empêchés de faire leur part du travail. Mais au nord du Sénégal, c’est l’action qui a prévalu et qui montre aujourd’hui ses premiers résultats.

...

Des résultats positifs

Les villageois et les éleveurs rencontrés témoignent d’un progrès depuis que les arbres ont commencé à pousser : les nouvelles plantations conservent l’humidité et l’herbe qui pousse au pied des arbres est plus riche, donnant un meilleur fourrage pour les animaux. Et quand les grillages qui protègent les premières parcelles - celles de 2008 et 2009 - vont être ôtés, ce qui ne devrait pas tarder, le bétail pourra s’en régaler librement. Du côté de la faune, des espèces d’oiseaux qui avaient disparu depuis des années reviennent, et même des renards ont été aperçus dans les bosquets.

Et tout le monde a remarqué que ces nouveaux arbres ont pour vertu d’arrêter le vent qui vient du Sahara en transportant des nuages de sable et de poussière parfois jusqu’à Dakar. Or cette poussière est responsable de maladies pulmonaires et d’allergie. La Grande Muraille a donc également des retombées positives sur la santé.

...

http://www.rfi.fr/afrique/20151117-gran … ment-faune

reportage audio --> http://www.rfi.fr/emission/20151117-afr … tification


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#8 14-01-2018 18:29:35

ziegfried
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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

Tant mieux que ça ne soit pas abandonné.

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#9 14-01-2018 20:09:19

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Re: Le paysage, ou l'homme et la nature

le renard a écrit:

(gros déterrage de thread... mais avec ajout d'humus et nouvelles plantations)

11 ans ! ce n'est plus du déterrage c'est de l'archéologie numérique  D4
Utile cependant !

Thierry a écrit:

Histoire du paysage français est un livre de Jean-Robert Pitte : 350 pages d'informations et de réflexions, toujours claires et stimulantes.

http://img490.imageshack.us/img490/1558/pittepz0.jpg

Pierre Chaunu remarquait qu'il y a peu de pays, et peut-être aucun, où il y ait autant de morts au kilomètre carré qu'en France, à cause de l'origine très ancienne des établissements humains. Les activités humaines ont donc, plus qu'ailleurs, marqué, transformé de manière multiple chacun des territoires français, palimpseste en constante évolution.

Or l'époque actuelle, dit Jean-Robert Pitte dans la conclusion de ce livre,  « s'accroche au paysage comme à un point d'ancrage, lui refusant de plus en plus l'évolution de peur de ne savoir l'enrichir ».

C'est l'un des intérêts de ce livre qui en a beaucoup : montrer l'ambigüité de la vision du paysage par les Français.

Il présente une vision d'ensemble de l'évolution du paysage français dans toutes ses composantes depuis l'époque préhistorique : forêts, cours d'eau, champs, routes mais aussi villages et villes. Il montre comment les activités humaines, les décisions politiques, les transformations sociales, les évolutions du goût ont effacé, remodelé, enrichi le paysage : agriculture (de l'open field au bocage, du bocage au remembrement), industries, génie civil...

En bon PSSien, je regrette une vision un peu sommaire de l'urbanisme moderne, qui n'est manifestement pas sa spécialité (sur le thème : les tours, c'est moche). Mais l'étude des villes au cours des siècles (tissu urbain, architecture, urbanisme), qui doit faire à peu près la moitié du volume, est tout à fait instructive. Il oppose ainsi plusieurs périodes :

- l'urbanisme romain, basé sur un quadrillage dont la vocation est certes utilitaire, mais aussi spirituelle ; l'axe principal ou decumanus prend la direction du soleil levant le jour où le fondateur trace le fossé qui va enclore la ville. Les cimetières sont mis à l'écart.

- l'urbanisme médiéval, dans lequel le tissu urbain existant, s'il existe, se perd peu à peu dans l'accumulation des maisons et des voies tortueuses. Les cimetières servent de lieux de réunion, la ville n'a rien de sacré.

- l'urbanisme moderne (voire, dès le Moyen Âge, les bastides du Sud-Ouest) qui reprend le quadrillage antique mais sans cette vocation spirituelle qui, selon l'auteur, est fondamentale : sur ce point comme sur beaucoup d'autres (par exemple le goût pour le blanc, alors que les Antiques coloriaient leurs statues et leurs temples), la Renaissance n'a retrouvé que l'apparence de l'Antiquité et a constitué son propre paradigme.

Bref, c'est à la fois un livre passionnant à lire du début à la fin, comme je l'ai fait, et un livre de référence à conserver dans sa bibliothèque !

Je plussoie l'avis de Thierry, très bon livre ! si bon nombre de gens savaient s'enrichir de ces lectures, les débats portant sur les aménagements d'infrastructures seraient autrement plus intéressants que la bête opposition de principe telle qu'elle est trop souvent la règle. Les paysages pour leur grande majorité en France sont faits de la main de l'Homme et n'ont jamais été immuables, il n'y a plus rien d'originel, l'Homme est passé partout et est intervenu partout.


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