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Cité des Poètes - Ensemble Georges Brassens1

Identifiant PSS #26103
Nom Cité des Poètes - Ensemble Georges Brassens
Quartier ZAC du Barrage
Adresse(s)
  • place Robert Desnos ; place Georges Brassens ; Allée André Breton
Statut

Détruit

Construction 1983
Fonction(s) Logements, Commerces et activités

Données techniques

Niveaux R+7
Hauteur totale estimée

≈28,00 m

À propos de cette fiche

Ajoutée par Chéricutz le 14/04/2010
Architecte(s) / Maître(s) d'œuvre
Maître(s) d'ouvrage
  • Sodédat 93

Commencée dès 1963 par la création de la ZAC du Barrage, les études pour l'urbanisation de ce secteur vont mettre plus de trente années pour être converties en bâtiments (1) - l'ensemble Desnos ayant été livré en 1994.


Dix tours, totalisant au maximum 9 étages, sortent les premières de terre en 1976, avant que dès 1977 le secteur change de maître d'ouvrage et passe des mains de la SCIC (filiales de la Caisse des Dépôts) à celles, départementales, de la Sodédat 93. 10 autres étaient initialement prévues sur la partie Ouest du site et furent abandonnées pour édifier les ensembles Mermoz, Brel, Brassens et Desnos.

Brassens et Desnos marquent une vraie rupture conceptuelle et formelle : de multiples décrochement magnifient cette architecture proliférante, à l'image de ces incroyables logements en terrasses conçus selon un plan libre dans la lignée des recherches de Jean Renaudie et Renée Gailhoustet (2), chef de file de l'école gradins-jardins. Chaque logement, différent de son voisin, bénéficie d'un espace extérieur avec 40 cm de hauteur de pleine-terre où planter de la végétation. Béton banché, angles saillant, pilastres et enchaînement de cours participent d'un certain Brutalisme, effrayant pour certains malgré la poésie puissante qui se dégage de ces bâtiments.


C'est sans doute pour cela qu'il n'aura fallu qu'une petite dizaine d'années (2003) pour qu'une procédure de rénovation urbaine soit engagée par la Mairie de Pierrefitte-sur-Seine et l'ANRU ; elle aboutira en 2010 après moult rebondissements judiciaires à la démolition de 440 des 900 logements construits dans le cadre de cette ZAC rebaptisée entre-temps Cité des Poètes (3). Paradoxalement ce sont les ensembles les plus récents et des plus intéressants du point de vue de l'histoire de l'urbanisme et de l'architecture (Desnos, et Brassens) qui vont disparaître au profit d'un programme qui doit être finalisé en 2013.

Malgré la levée de bouclier (4) qu'a soulevée la décision de raser purement et simplement les bâtiments, les bulldozers font d'ores et déjà leur office - à la plus grande joie de la municipalité qui, après avoir placardé sur les murs de la cité des affiches se demandant «A quoi ils pensaient les architectes ?» (5)  s'enorgueillit aujourd'hui que «L'espoir renaît aux Poètes» (6)...


Que penser de cette attitude si peu respectueuse d'une vrai recherche contemporaine sur les qualités spatiales du vivre ensemble, stigmatisant l'architecture comme source du malaise social et assimilant malfaçons causées par les tergiversations et autres atermoiements interminables de la maîtrise d'ouvrage de l'époque (17 ans se sont écoulés entre l'adjudication des lots et la livraison de Desnos !) à une mauvaise conception de la maître d'oeuvre ? La question mérite néanmoins de rester posée en dépit de l'arrêt rendu le 25 février 2010 par le tribunal administratif de Montreuil (7), scellant définitivement le sort des bâtiments de Desnos et Brassens.

Pour preuve des doutes fondés qui existent sur la pertinence d'un tel choix d'éradication, trois éléments semblent à retenir. D'une part les habitants - bien que la mairie affirme qu'ils appuient la démolition - ont signé à la quasi unanimité en 2004 une pétition pour la réhabilitation de l'existant. En outre, cette dernière a été estimée à 20% du coût d'une démolition-reconstruction. Enfin, le tribunal avait bien, dans une première instance, suspendu la démolition au motif de l'intérêt patrimonial de ce pan de l'architecture contemporaine que d'aucuns piétinent comme des enfants capricieux...

Si la crise sociale latente qui suppure du site est bien réelle et réclame instamment des solutions, est-ce pour autant l'architecture qui la supporte qui en est la cause profonde et doit, comme bouc-émissaire, servir d'exutoire cathartique ? N'est-ce pas Rem Koolhaas, prix Pritzker, qui disait il y a peu que "La modernité est un moment que la France n'a pas digéré" (8) ?



______

(1) A lire la très précise étude menée par le CAUE 93 dans l'Atlas du Patrimoine en Seine-Saint-Denis ainsi que le très complet mémoire publié par Élise Guillerm, La réception de la Z.A.C. des Poètes de Pierrefitte-sur-Seine, Paris, 2006.

(2) Plus de détails sur la vie et la mort de cette cité sur Wikipédia.

(3) Lire à propos du travail de Jean Renaudie et Renée Gailhoustet l'excellent article de Bénédicte Chaljub publié dans AMC.

(4) Voir entre autre le communiqué de l'association DOCOMOMO et la lettre ouverte envoyée par Jean-Pierre Lefèvre, président de l'association à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et publiée par Cyberarchi.

(5) Lire à ce propos le billet d'humeur de DailyCharette.

(6) Consulter le site officiel de la Mairie de Pierrefitte-sur-Seine.

(7)
"Les permis de démolir sont légaux" a estimé le tribunal qui a "rejeté les requêtes demandant l'annulation de l'autorisation de démolir cet ensemble immobilier", selon un communiqué. En outre, la Cité des Poètes "n'a pas atteint les objectifs poursuivis par son concepteur en matière d'écologie et de qualité de vie de ses habitants" et "ne peut être regardée comme un symbole d'une période de l'histoire de l'architecture, qui ferait partie d'un patrimoine à protéger ou à mettre en valeur" (extrait de l'arrêt prononcé par le tribunal de Montreuil ; source : tf1.fr avec AFP).

(8) Cité par Jean-Philippe Hugron dans l'article Un débat sur l'identité nationale... en architecture ?.


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