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Paris
Un grand vide urbain à la Ville
L'équipe Delanoë s'est concentrée sur le social et a montré peu d'audace.
Par Sibylle VINCENDON
lundi 13 décembre 2004 (Liberation - 06:00)
De quoi Paris aura-t-il l'air dans dix ans ? Comment seront les rues, les nouveaux bâtiments, les quartiers aujourd'hui en devenir ? Y aura-t-il davantage d'habitants, travaillera-t-on sur place ? L'image de la capitale aura-t-elle été améliorée ? Les réponses à ces questions dessinent la politique urbaine que mène une ville. Or, à Paris, les mandatures de droite, Chirac puis Tiberi, furent médiocres. Et celle qu'a entamée la gauche semble avoir du mal à faire beaucoup mieux. Les premières décisions de ces trois ans et demi montrent que l'urbanisme n'est pas un des champs sur lesquels l'équipe Delanoë se sent le plus à l'aise.
Jardins. Depuis que la gauche est aux affaires municipales, elle a pourtant eu à lancer plusieurs gros dossiers urbains. Le principal, c'est la révision du plan local d'urbanisme, le PLU, qui remplace l'ancien plan d'occupation des sols de 1977. Les prémices de ce PLU qui doit être débattu au Conseil de Paris en janvier sont impeccables sur le plan social : on y développe l'emploi à l'est, on y crée du logement social à l'ouest par exemple. Mais l'urbanisme qui s'y dessine est plus contestable : prime a été donnée au patrimoine, avec des niveaux de conservation des bâtiments supplémentaires. Et surtout, interdiction est faite de densifier, autrement dit de construire davantage ou plus haut. Un questionnaire envoyé aux Parisiens, et retourné par plus de 120 000 d'entre eux, a confirmé ce parti malthusien défendu par ailleurs par les Verts : les habitants demandent plus de jardins et ne veulent pas qu'on monte en hauteur.
Ainsi s'est retrouvée évacuée une bonne fois pour toutes la seule tentative un peu audacieuse de Bertrand Delanoë en matière de bâtiment : celle de relancer la construction de tours. Evoquée dès 2003, dans une interview à Libération, l'idée visait d'abord à recréer des bureaux donc de l'emploi dans la capitale. Elle aurait pu avoir en corollaire une ambition de création architecturale, même si la hauteur n'est pas le seul moyen d'être créatif. Ainsi, la première mouture du projet de Mangin pour les Halles prévoyait-elle un bâtiment haut comme le Centre Pompidou voisin. Impossible, vue la réglementation interdisant de dépasser les 25 mètres. Même sort pour le projet d'Yves Lion à la porte d'Ivry, qui aurait mieux utilisé des mètres carrés placés entre des bretelles autoroutières.
Jeux. Traumatisés par l'urbanisme des années 60, les Parisiens ne veulent plus rien entendre sur l'architecture. Mais le maire n'a rien tenté pour leur expliquer qu'il pouvait en exister une autre version. Echaudé par le débat avorté sur les tours, Delanoë a mené depuis lors une politique urbaine marquée par la discrétion, voire l'invisibilité. Alors qu'il nous confiait au printemps 2003 envisager «un grand concours international» pour l'éventuel village olympique des Batignolles, c'est une procédure franco-française qui s'est déroulée, dans l'indifférence générale. Pire, la candidature aux JO de 2012 a entraîné ipso facto le secret sur les travaux du lauréat, l'urbaniste François Grether. Même confidentialité sur l'énorme zone Paris Nord- Est, où les architectes Dusapin et Leclercq, ont oeuvré sans que les élus assurent plus que ça la publicité de leurs idées. Eux aussi ont d'ailleurs remballé quelques m2 de bureaux dans leurs cartons, pour faire moins dense.
A l'exception des Halles qui se sont retrouvées sur le devant de la scène de manière inattendue, aucun projet urbain n'a été porté jusqu'à présent comme un grand projet. A l'Hôtel de Ville, rien ne fait office de laboratoire d'idées : Jean-Pierre Caffet, l'adjoint à l'urbanisme, assure un travail de technicien ; l'Atelier parisien d'urbanisme est marginalisé. Aucune personnalité d'envergure de l'action urbaine (architectes, hauts fonctionnaires, spécialistes reconnus) n'entoure le maire. Dans ce contexte, la politique de déplacements, avec ses couloirs de bus, tient lieu de politique urbaine. S'y ajoutent les opérations menées sur les quartiers d'habitat social (porte Pouchet, Saint-Blaise). Et la couverture de certains tronçons du périphérique. L'ensemble est socialement utile, mais ne peut pas constituer toute l'ambition urbaine d'une capitale censée penser aussi à l'échelle planétaire.
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Paris. Saskia Sassen, spécialiste de sociologie urbaine:
«L'occasion de bondir hors de l'inertie du déjà-construit»
Par Elisabeth LEBOVICI
lundi 13 décembre 2004 (Liberation - 06:00)
Saskia Sassen, professeure de sociologie à l'université de Chicago et de sciences économiques à la London School of Economics, et auteure de The Global City (1), nous donne son point de vue sur les projets de l'urbanisme parisien :
«Tout d'abord il me faut mentionner que je ne vis pas à Paris, que je n'en suis qu'une usagère occasionnelle et qu'il serait très présomptueux de ma part de prétendre avoir étudié de près les différents projets en gestation. Je sais, cependant, qu'il s'y présente aujourd'hui l'opportunité d'une intervention significative. L'inertie des environnements construits dans les villes, même s'ils sont, comme souvent à Paris, absolument "adorables", devrait attirer notre attention sur l'enjeu que représente la possibilité d'y intervenir ne serait-ce que pour bondir hors de cette inertie, qui nous accompagne inévitablement. Ce n'est pas que l'inertie soit laide. Parfois, l'environnement construit peut être spectaculairement beau. L'inertie peut être belle ou laide, nécessaire ou contingente, bonne ou mauvaise. De toute façon, il nous faut fondre sur toute occasion que la ville nous offre, pour sauter hors du moment, du présent et du passé capturés par ce qui existe déjà et que j'aime décrire sous le terme d'inertie. Ces occasions sont si rares. Il en existe par exemple, à New York, sur le site de Ground Zero, mais elle se décline sur le mode de l'occasion manquée : est-ce qu'on veut reproduire à Paris, ce qui arrive à New York, ou est-ce qu'on veut faire le saut ? Il faut avoir le courage de le faire, ce saut, qui en même temps reste connecté à l'expérience humaine, mais dont nous avons absolument besoin pour devenir les acteurs de notre imagination.»
(1) La Ville globale. New York, Londres, Tokyo, Descartes, 1996
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Edité le 02/01/2005 à 03:43 par MyNight
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Immobilisme
Par Gérard DUPUY
lundi 13 décembre 2004 (Liberation - 06:00)
Pour avoir l'impression de vivre au XXIe siècle, il vaut mieux éviter d'habiter Paris ou bien voyager à l'étranger. Depuis trois décennies, les normes haussmanniennes ne souffrent pas de contestation dans la capitale et l'équipe Delanoë, dans le droit-fil du chiraco-tibérisme, se livre à une forte consommation de réverbères en fonte pseudo-Napoléon III flanqués de leur immanquable fontaine Wallace. Pour le fun, il y a Paris-plage et la place de l'Hôtel-de-Ville transformée en cour de récréation à perpétuité, avec toujours plus de panneaux Decaux pour la touche moderne. La capitale devient de plus en plus chère le marché chasse les pauvres et de plus en plus confortable les Verts chassent les bagnoles à coups de couloirs de bus. Le conservatisme urbain s'accommode d'une tentation néovillageoise, en version comité des commerçants ou bien associations de quartier. A défaut de pouvoir construire les villes à la campagne, importons Corrèze ou Lubéron à Paris.
Le maire de Paris est apparemment conscient des inconvénients de cet immobilisme immobilier. Sa proposition d'envisager la construction d'immeubles élevés le montre. Mais la rebuffade qu'il a essuyée témoigne des risques d'impopularité qui iraient avec une politique urbaine audacieuse. Avec la rénovation des Halles la principale marque de Chirac sur la ville, succès de foule et échec de société il pourrait s'inspirer de l'exemple de Mitterrand qui montre qu'on peut faire consensuel et raté (l'opéra Bastille) et polémique et populaire (le Louvre de Pei). Si les associations de riverains avaient existé, il y aurait beaucoup d'espaces verts mais jamais Paris n'aurait dépassé les dimensions de Lutèce.
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Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon sociologues, directeurs de recherche au CNRS, tracent un portrait de la capitale française à travers sa population.
Par Natalie LEVISALLES
samedi 01 janvier 2005 (Liberation - 06:00)
vous dites que Paris est une des rares capitales où tout est concentré à ce point. Paris est une toute petite capitale, qui est aujourd'hui totalement close par cette enceinte bruyante et visuelle qu'est le périphérique. Il n'y a pas d'autre exemple au monde d'une capitale de 87 km2 (Madrid fait 607 km2, Moscou 879 km2), toute ronde et complètement fermée. Un autre aspect, directement lié, est sa densité : 20 000 habitants au kilomètre carré (quand Marseille en a 3 300). A ce niveau-là, on ne trouve que les communes de la proche banlieue... et les villes d'Asie. Un effet de cette concentration, c'est que tout ce qui compte, dans la presse, la haute couture, le cinéma, la finance ou la médecine est toujours à proximité, à l'échelle de la marche à pied.
Vous parlez de cette enceinte qu'est le périphérique, construit en 1973. Avant, il y avait les fortifications et, au-delà, «la zone».
«La zone», c'était l'endroit où on était en dehors, en dehors de la ville, de la société, des lois, un endroit marginal et incertain où vivaient apaches et truands. L'habitat y était précaire : c'était une zone militaire, on voulait conserver la possibilité de tout raser en cas de conflit. D'où la présence de chiffonniers à l'époque, du marché aux puces aujourd'hui, aux portes de Vanves ou de Montreuil. En même temps, depuis que cet espace large de 400 mètres a été récupéré, entre 1919 et 1930, aucun pouvoir politique n'a jamais eu de plan d'aménagement cohérent, si bien qu'on a reconstitué sur l'espace des fortifs un no man's land entre ville et banlieue. HLM, stades, cimetières, chemin de fer de la Petite Ceinture, boulevards des Maréchaux et périphérique constituent une barrière difficilement franchissable. C'est comme s'il y avait autour de la ville un fleuve circulaire : on ne peut traverser que par ces ponts que sont les portes de Paris.
Avec trois millions d'habitants, Paris n'a jamais été aussi peuplé qu'entre 1921 et 1954.
En 1921, Paris avait un visage différent : il comptait 28 000 habitants au km2, une densité très élevée qui désigne un Paris populaire. Aujourd'hui, le très chic VIIIe arrondissement en a 10 000, et le populaire XIe 40 000. Il y avait des quartiers très ouvriers, comme l'avenue de Choisy dans le XIIIe. Dans les années 30, le Parti communiste y sonnait du clairon dans la cour des HBM (ancêtres des HLM) pour appeler à la manif. Ça n'existe plus nulle part. Il y avait aussi des poches d'habitat populaire dans tous les arrondissements, y compris le VIIe et, dans toute la ville, beaucoup plus de familles modestes qui habitaient aux derniers étages des immeubles, à l'époque où il n'y avait pas d'ascenseurs. On vivait aussi beaucoup dans la rue, il y avait plus de corps à corps qu'aujourd'hui. Jusqu'aux années 50, de nombreux quartiers étaient comme les Grands Boulevards aujourd'hui, avec beaucoup de monde sur les trottoirs, sur la chaussée aussi, qui a depuis été neutralisée par l'automobile. Sur les vieilles cartes postales, on voit les gens discuter au milieu des places et des boulevards. C'est inimaginable aujourd'hui.
Depuis 1954, Paris intra-muros a perdu 25 % de sa population. Le Paris populaire qui était un Paris très dense est devenu moins dense * mais où est l'oeuf et où la poule ? * en même temps qu'il est devenu moins populaire. Les petits appartements et les ateliers récupérés ont été transformés en appartements plus grands, plus confortables, habités autrement.
Paris a toujours identifié des indésirables : pauvres, provinciaux, étrangers...
Au XIXe siècle déjà, des politiques très respectables parlaient d'«invasion des barbares», de «tourbe de nomades» à propos des Auvergnats qui troublaient l'ordre public quasiment par leur seule présence. Quant aux pauvres, on a souvent eu la tentation de les envoyer au-delà des limites, la banlieue étant vue comme le lieu du bannissement. Cette banlieue n'a pas été peuplée directement par des Gervaise et des Lantier, les personnages de l'Assommoir de Zola, qui seraient montés directement de Marseille à Saint-Denis. Quand ils arrivent de province, ils s'installent dans Paris, à la Goutte-d'Or. Et c'est seulement après une socialisation urbaine que Gervaise et Lantier (ou leurs enfants) partent en banlieue. Depuis longtemps, celle-ci est habitée majoritairement par des gens qui ont été expulsés vers la périphérie. Amorcé avec les travaux d'Haussmann, le processus se poursuit aujourd'hui. En même temps, la ville de Paris ne peut se passer de la banlieue : elle y a 10 % de ses HLM, 80 % de ses morts et 100 % de ses ordures. Peut-être faut-il voir le débat autour de l'aménagement des Halles à la lumière des rapports avec la banlieue. Que veut-on rénover ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Les formes architecturales ? La population ? Les jeunes des banlieues qui se retrouvent là ? Est-ce que le nouveau projet qui accorde plus de place visuelle à l'espace vert va permettre une transformation de la fréquentation ?
Vous remarquez aussi que Paris est une ville très structurée.
C'est, on l'a dit, une ville ronde, une bulle qui a grossi et dépassé cinq enceintes successives (celles de Philippe Auguste, de Charles V, de Louis XIII, des fermiers généraux et de Thiers). Elle est structurée par l'opposition est populaire/ouest chic, rive droite des affaires/rive gauche de la culture (même si c'est en train de changer). Et puis, il y a l'«axe du pouvoir». C'est extraordinaire de voir que, du Louvre à l'Arc de triomphe, tous les beaux quartiers se sont construits de la même manière. Les grandes familles de l'aristocratie et de la bourgeoisie bâtissent des hôtels particuliers, ils créent les «belles adresses», un capital symbolique qui attire commerces de luxe et siège social des entreprises... qui finissent par chasser ces familles. On le voit bien avec les Champs-Elysées : les grandes familles sont expulsées des hôtels particuliers qui sont transformés en sièges sociaux et le processus continue toujours plus à l'ouest. Mais, quand on arrive au pont de Neuilly dans les années 50, ça ne va plus. On tombe sur des petits ateliers et des immeubles sans grâce, très mal placés, en plein sur l'axe. Alors on fait intervenir l'Etat, on détruit tout, jusqu'au cadastre, c'est très rare, et on crée un beau quartier d'affaires : La Défense. Ça permet de poursuivre. On verra dans trente ou quarante ans, mais à notre avis, la municipalité communiste de Nanterre va être mise en difficulté, les tours de logements sociaux vont sauter, et on pourra prolonger l'axe jusqu'à la Croix de Noailles dans la forêt de Saint-Germain, tel qu'il était prévu dans les plans d'urbanisme du début du XXe. Bien sûr, c'est de la sociologie-fiction mais, vu ce qui s'est passé à La Défense, il n'y a aucune raison pour que ça ne se fasse pas d'ici à la fin du XXIe siècle.
A l'est, en revanche, on trouve les bobos. Qu'y a-t-il de spécifique dans la manière dont ils occupent l'espace ?
Pour qualifier le retour des catégories intellectuelles plus ou moins fortunées dans les espaces populaires des centres villes, les Américains parlent de gentrification. En français, c'est difficile de parler d'embourgeoisement : ces habitants ne sont pas des bourgeois au sens traditionnel. Du coup, ce terme de bobo (pour bourgeois bohème) qui arrive aussi des Etats-Unis nous plaît parce qu'il décrit de manière assez juste la spécificité de ces habitants : de jeunes adultes en phase avec le libéralisme économique, mais qui affichent des modes de vie très différents de ceux de la bourgeoisie traditionnelle. On est dans la famille recomposée, les droits de l'homme, l'écologie, la liberté culturelle et le vote socialiste. Et surtout, c'est essentiel, ils se reconnaissent dans les cours pavées de la Bastille, dans les lofts et les ateliers de la rue Oberkampf, et investissent les quartiers populaires de l'Est parisien.
Que comprenez-vous de leurs motivations ?
Ils ont à la fois un désir de cohabiter avec ce qui reste des classes populaires, un désir d'identification avec le Paris rebelle de 1936 et de 1968. Et peut-être aussi une culpabilité d'occuper les logements dont ont été expulsés les «prolos», les gens avec qui ils disent vouloir cohabiter. En travaillant sur les grands bourgeois, nous nous étions rendu compte qu'ils n'habitaient pas du tout dans les quartiers de l'Est, pas même le Marais où l'habitat est relativement chic (à l'exception d'Ernest-Antoine Seillière, peut-être parce qu'il est marié à une artiste). Depuis la fin du XIXe, on l'a vu, les grands bourgeois vont vers l'ouest, mais ils restent toujours groupés, dans l'entre-soi.
Les bobos aussi sont dans l'entre-soi, mais à l'est. Le Marais a été récupéré, puis les ateliers et logements ouvriers du faubourg Saint-Antoine, de Ménilmontant, Belleville, des quartiers où n'ont longtemps vécu que des gens de milieu modeste. Un des traits des bobos, c'est le refus de l'aspect perçu comme guindé des quartiers de l'ouest. Le VIIe, le XVIe, Neuilly... ça ne convient pas à leur mode de vie. Un autre trait, c'est l'affichage d'une volonté de mixité sociale. Mais c'est compliqué. Les bobos créent la mixité sociale en même temps qu'ils la font émerger comme un problème. Il y a chez eux un désir de cohabitation, un «résidentiellement correct» tout à fait spécifique... mais qui a une limite. Comme tout groupe humain, ces bourgeois bohèmes accordent une grande importance à la transmission de la principale forme de richesse qu'ils possèdent. En l'occurrence le capital scolaire. Pour s'assurer de sa transmission qui n'est pas garantie dans les écoles des quartiers populaires où ils résident, ils ont recours à l'enseignement privé, aux fausses adresses, ou aux dérogations. A Paris, le phénomène est tellement important que les statistiques de demandes de dérogation gérées par le rectorat sont secrètes, comme l'ISF. Secrètes, cela veut dire que, malgré une très forte insistance, nous n'y avons pas eu accès. La raison essentielle de ce secret, c'est que la carte scolaire est complètement contournée. Les enfants des milieux culturellement favorisés se retrouvent entre eux, ce qui explique les excellents résultats des lycées Henri-IV ou Louis-le-Grand. Il suffit qu'il y ait des élèves de «bonne famille» pour que ça marche. Bien sûr, on le sait, mais ce n'est ni vraiment chiffré ni vraiment public. Si on donnait les chiffres, on mettrait en évidence ce vice de forme qui fait que parler d'égalité des chances dans l'Education nationale, ce n'est pas sérieux.
L'entre-soi n'est donc pas réservé aux grands bourgeois ?
Avec les grands bourgeois, on a une situation expérimentale : on prend des gens qui n'ont aucune contrainte économique, des gens très fortunés depuis plusieurs générations et on regarde leur choix résidentiel. Que voit-on ? Ils habitent tous dans quelques arrondissements, voire dans certaines parties d'arrondissements : le nord du XVIe, le sud du XVIIe, c'est un entre-soi très marqué. On a très envie d'en conclure que lorsque l'être humain peut choisir, c'est son semblable qu'il choisit. Pourquoi ? A cause de ce que Bourdieu a appelé l'habitus. Chacun est construit par sa famille, son école, son quartier et se constitue ainsi un ensemble de dispositions linguistiques, alimentaires, esthétiques. Les gens se regroupent parce qu'ils parlent de la même façon et des mêmes sujets, ils ont les mêmes comportements et sont au même niveau social, il n'y a pas les problèmes de hiérarchie qu'on vit déjà au travail, merci. La tendance au regroupement de ceux qui se ressemblent est très visible pour les communautés chinoises ou maghrébines, mais c'est la même chose pour les grands bourgeois du XVIe ou les ouvriers qui restent dans le XIe. Et quand, dans un quartier bourgeois, il reste une poche d'habitat populaire (du côté du Ranelagh dans le XVIe par exemple), il y a aussi des bistrots ouvriers. Pour tous, il y a le même plaisir à trouver dans son immeuble des gens qui parlent de la même façon que soi. C'est très profond. Et c'est un facteur de ségrégation important.
C'est une tendance inéluctable ?
La solution passe peut-être par une plus grande perméabilité de la frontière. Paris et certaines communes limitrophes ont engagé une réflexion allant dans ce sens avec, par exemple, le projet de village olympique des Batignolles. Delanoë, comme d'autres, met en avant la mixité sociale à travers une politique ferme de logement social. Mais cette mixité n'est peut-être pas gérable dans la limite des 87 km2. Peut-être doit-elle s'appuyer sur un Paris plus grand.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont mari et femme, sociologues, coauteurs, depuis une quinzaine d'années, de livres passionnants sur la grande bourgeoisie, l'aristocratie, la chasse à courre, mais aussi la ville. Ce sont des sociologues bourdieusiens, et des chercheurs qui font confiance à leur intuition et pratiquent le terrain à la manière des ethnologues. Choix rare en sociologie, ils travaillent essentiellement sur les dominants, que ce soient les riches, les bourgeois, ou la capitale, Paris. Eux-mêmes habitent Bourg-la-Reine, en banlieue. Dans les Beaux Quartiers (Seuil, 1989), Quartiers bourgeois, quartiers d'affaires (Payot, 1992), la Chasse à courre (Payot, 1993, 2003), Sociologie de la bourgeoisie (la Découverte, 2003)
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NB : on peut être sociologue, écrire dans Libé et se tromper sur le sens des choses : Paris fait bien 105 kilomètres carrés de superficie, et non 87 comme il est dit plus haut (car les bois de Boulogne et de Vincennes sont partie intégrante du territoire communal). D'autre part, comparer Paris à Madrid ou Moscou dans cette optique est absurde, puisqu'on ne parle pas des mêmes choses. Les seuls chiffres comparables sont ceux de l'aire urbaine des villes - ou de l'agglo, à la rigueur, si on suit une définition commune comme celle de l'INSEE.
C'était mon petit grain de sel...
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Tours de taille
Une exposition, à New York et en ligne, présente 25 projets d'architectes contemporains dans le monde entier.
Par Frédérique DESCHAMPS (envoyée spéciale à New York) et Annick RIVOIRE
jeudi 02 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
Tall Buildings
MoMa Queens, New York. Jusqu'au 27 septembre et sur www.moma.org
Au centre de la pièce, les maquettes des vingt-cinq bâtiments sélectionnés par le Museum of Modern Art du Queens, à New York, trônent comme des totems déclaratifs. Autour, les murs ont la couleur du ciel, un bleu d'une incroyable douceur. Certains projets ne seront jamais réalisés ; d'autres sont en cours de construction ou déjà achevés. Le plus petit, Edificio Manantiales à Santiago du Chili, mesure 57 mètres. Le plus grand, 7 South Dearborn à Chicago, 610 mètres.
Résistants. Conçus ces dix dernières années, ces tall buildings (grands bâtiments), qui donnent leur nom à l'exposition, ont été choisis par Terence Riley et Guy Nordenson, les deux commissaires, selon trois critères : technologie, urbanisme et programme. Leurs architectes se posent comme des résistants à un monde marqué par la destruction des Twin Towers, où sécurité, accès limité aux édifices et surveillance électronique sont devenus les maîtres mots. Leurs oeuvres, à l'inverse, tentent de penser l'architecture dans un environnement global, celui de la rue, des piétons mais aussi du vent, du réchauffement et des économies d'énergie.
L'exposition du MoMa a elle aussi été pensée en trois dimensions : maquettes et cartels en dur, photos et essais pour le catalogue et interactivité pointue pour le site, chaque médium remplissant parfaitement sa fonction. Les maquettes, certaines prêtées, d'autres réalisées pour l'expo, sont formidables. Bois, inox, Plexiglas, verre... Semblables à des chefs-d'oeuvre des compagnons du tour de France, elles valent à elles seules la visite et permettent d'entrer de plain-pied dans l'univers contemporain du gratte-ciel, de Shanghai à New York, via Londres ou Berlin. Car si le gratte-ciel est né aux Etats-Unis, sa terre de prédilection se situe désormais en Asie (Chine, Japon, Corée, Taiwan).
Ellipses. Au fil du temps, sa forme a considérablement évolué, notamment grâce à la conception assistée par ordinateur. Les courbes et ellipses ont fait leur entrée comme dans le «Cornichon érotique» de Norman Foster à Londres, ou dans le projet, malheureusement non retenu, de Frank O. Gehry pour le siège du New York Times. D'autres tall buildings n'hésitent plus à prendre des allures de ruban de Möbius, tels le projet de Peter Eisenman pour la Max Reinhardt Haus à Berlin, ou le QG de la télévision chinoise de Rem Koolhaas à Pékin. Ou à copier le corps humain, comme l'étonnant Turning Torso de Santiago Calatrava à Malmö, semblable à une pose de yoga. Grâce au système de façades en croisillons, le rêve de Mies Van der Rohe d'un building entièrement en verre s'est désormais réalisé.
Depuis l'Internet, le point de vue sur les 25 gratte-ciel varie. Comme dans un jeu de construction géant, les comparaisons de hauteur et de volume rapprochent des projets distants de dizaines de milliers de kilomètres. Documentées mais accessibles, les modélisations les plus pointues en termes d'aérodynamique ou de physique des flux (vent et lumière) aident à comprendre combien la discipline a évolué ces dix dernières années.
Là où la seule intuition de l'architecte portait un projet, les logiciels interprétant les algorithmes les plus complexes facilitent les prévisualisations. Et façonnent une architecture d'ingénierie qui calquerait son approche sur l'informatique et la notion «essai-erreur» qui lui est propre. Norman Foster a conçu la tour Swiss Reinsurance de Londres en choisissant cette forme ovoïde qui réduit la prise au vent. Des graphiques colorés montrent les courants d'air chaud et froid qui enveloppent la structure. A Hongkong, au sommet de la tour The Summit (220 m), de gigantesques bassins ont été construits pour contrebalancer les effets des typhons les plus violents.
«Nous voulions faire de l'exposition en ligne un complément, afin de créer des rapports entre les immeubles, impossibles à visualiser autrement», explique Tina DiCarlo, commissaire. Loin des expos en ligne qui ne font que reproduire les cimaises, ici, l'effet comparatif est poussé à l'extrême.
Silhouettes. Elégant, sobre et d'une ergonomie futée, le site s'ouvre sur une théorie de silhouettes d'immeubles découpées sur fond bleu nuageux. Le ciel virtuel se teinte de gris ou de rose en fonction des connexions, laissant apparaître des ombres chinoises emblématiques, tour Eiffel ou Sears Tower de Chicago. D'un clic, cette urbanité se recompose par zone géographique ou taille. Instantanément, s'affiche la fonction du building (logements, bureaux...), manière de vérifier que seuls cinq des projets sont essentiellement résidentiels. Des zooms sur l'évolution des revêtements ou les technologies vertes offrent encore d'autres perspectives. Comme pour envisager tous les points de vue sur un sujet hautement sensible.
Terence Riley et Guy Nordenson rappellent que certaines normes environnementales ont été dictées par l'Europe, plus sévère que l'Asie du Sud-Est ou les Etats-Unis. N'empêche, en France, les tours et leur éventuelle inscription dans le ciel parisien suscitent encore la polémique.
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Triste que le débat ait fait long feu. A l'époque, j'avais lu cet article avec plaisir...
L'Express du 26/01/2004
Débat
Faut-il construire des tours à Paris?
par Jean-Sébastien Stehli
Depuis 1977, Paris avait tiré un trait sur les immeubles de grande hauteur. Mais, face aux besoins croissants en locaux, Bertrand Delanoë a rouvert le dossier... et la polémique. Esthétique, symbolique, environnement, sécurité... Comme les élus, architectes et urbanistes sont divisés
En déclarant, au micro d'Europe 1, qu'il souhaitait rouvrir le débat sur la construction de tours dans la capitale, Bertrand Delanoë a réveillé une querelle que l'on croyait éteinte. «Dans 105 kilomètres carrés - Paris est une ville très petite - nous voulons à la fois plus de crèches, plus de logements, plus de locaux pour les activités économiques, a expliqué le maire le 26 octobre 2003. Nous avons le devoir de permettre au talent des architectes du XXIe siècle de se développer à Paris. Ce n'est pas la hauteur qui pose problème, mais l'esthétique et comment on y vit.» En clair: on pourrait construire à nouveau des tours à condition qu'elles soient belles. A peine le micro refermé, la polémique était lancée. Après les échecs de l'urbanisme parisien des années 1970 - les tours des Olympiades, celles du quartier Masséna-Italie, la tour Montparnasse (209 mètres), le Front de Seine - on croyait avoir définitivement tourné la page. En 1977, la construction d'immeubles de grande hauteur avait été arrêtée. Le plan d'occupation des sols (POS) défini à l'époque stipulait qu'on ne pourrait pas, désormais, dépasser 25 mètres de hauteur au centre de la ville, 37 mètres dans les arrondissements périphériques. Il était temps. En vingt ans exactement, 158 tours étaient sorties de terre. On peut parier que pas une d'elles ne trouvera sa place dans les livres d'histoire de l'architecture.
La question de la grande hauteur resurgit au moment où Bertrand Delanoë arrive à mi-mandat. Pendant sa campagne, le candidat du PS s'est engagé à construire 3 000 logements sociaux par an. Les tours auraient permis de faire face aux urgences. Il y a aujourd'hui, grosso modo, 120 000 personnes en attente d'un logement.
La polémique couve depuis un moment. Le 27 janvier 2003, la municipalité a en effet ouvert une vaste consultation auprès de tous les Parisiens. Les 121 conseils de quartier ont organisé des discussions publiques afin de définir les orientations du plan local d'urbanisme (PLU), successeur du POS. Le nouveau règlement issu de ces rencontres sera présenté en juin prochain au Conseil de Paris. Le document est important: il définira le visage de la capitale pour les vingt prochaines années.
La controverse survient alors que les rivales de Paris construisent à nouveau des gratte-ciel: Barcelone (Jean Nouvel), Londres (Norman Foster), Vienne, Taipei, Cologne, Amsterdam ou encore New York, qui remplacera ses tours du World Trade Center. «Avant de parler des tours, il aurait d'abord fallu transformer celles qui existent», affirme l'architecte Roland Castro. Surtout, renchérit Michel Corajoud, Grand Prix d'urbanisme 2003, «il est sidérant que ceux qui font la ville ne se posent pas d'abord la question simple: les tours sont-elles la meilleure façon de vivre et de travailler?». Le débat est ouvert.
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L'ONU se penche sur la gangrène urbaine
Au coeur du Forum mondial de Barcelone, les conclusions inquiétantes d'un rapport sur l'accroissement des villes et de la pauvreté.
Par François MUSSEAU
jeudi 16 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
Barcelone envoyé spécial
La croissance galopante des villes est devenue l'un des problèmes majeurs de la planète. C'est le message alarmiste qu'ont lancé experts, chefs de gouvernement et maires de grandes agglomérations à l'occasion du Forum mondial urbain organisé par l'ONU, qui se tient cette semaine à Barcelone. Environ la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans les villes, proportion qui devrait atteindre les 63 % dans quinze ans. «L'intensification des processus de migration, du commerce et des échanges, loin de générer la dispersion, a consolidé le rôle central des villes, mais aussi accru les maux urbains : criminalité, surpopulation, pauvreté, dégâts environnementaux», lit-on dans un épais rapport publié par ONU-Habitat (1). Lors de l'ouverture du forum, la présidente, Anna Tibaijuka, a même fait un constat d'échec : «Il y a quatre ans déjà, les leaders mondiaux avaient admis l'urgence des problèmes. Mais, dans la pratique, la plupart n'ont pas appliqué nos recommandations.» Et d'ajouter : «Dans les villes des pays en voie de développement, les conséquences socio-économiques de la mondialisation restreignent l'accès aux infrastructures de base, aux logements, et favorisent la création et l'extension de bidonvilles.»
Obstacles. La pauvreté urbaine est la principale préoccupation de l'ONU. Si, aujourd'hui, 1 milliard de personnes vivent dans des bidonvilles, ce chiffre devrait doubler d'ici à 2020. «Ce développement est exponentiel dans les mégalopoles du tiers-monde et on ne sait pas comment l'arrêter. Il faudrait au moins empêcher la création de nouveaux bidonvilles», estime Jeffrey Sachs, un des coordinateurs de ONU-Habitat. En septembre 2000, 137 chefs d'Etat réunis à New York s'étaient engagés à parvenir à des «villes sans taudis». Dans la plupart des cas, il a fallu déchanter. Face aux tentacules de la pauvreté urbaine, le principal objectif onusien consiste désormais à améliorer la vie de 100 millions d'habitants des bidonvilles d'ici à 2015, en fonction de cinq paramètres: eau potable, accès aux services sanitaires, éducation, entassement (deux personnes maximum par pièce) et sécurité du régime foncier.
Les experts reconnaissent que les bons projets d'éradication des bidonvilles ne manquent pas (en Inde, en Thaïlande, en Afrique du Sud, en Argentine...). Mais les Etats constituent souvent un obstacle. «En soi, dit Jeffrey Sachs, on est capable de réunir les fonds suffisants, mais souvent on se heurte à des gouvernements qui nous empêchent de traiter directement avec les municipalités.» Selon Onu-Habitat, 75 pays en voie de développement auraient fourni un rapport national, mais sans tenir compte des statistiques municipales (inscription dans les écoles, accès à la santé, système d'égouts, etc.), «si bien, poursuit Jeffrey Sachs, que les rapports sont imprécis et ne nous permettent pas de lancer des plans d'action».
Taudis. Il est plus facile d'agir, bien sûr, lorsqu'il y a une réelle volonté politique. Le Mexique, qui compte 28 millions de personnes en situation de pauvreté, est cité en exemple par ONU-Habitat. Dans ce pays nord-américain, le gouvernement a identifié 2 000 «zones de marginalité urbaine» réparties dans 364 villes, mais dont une bonne partie se situe dans le district fédéral, Mexico. «La seule solution a consisté à acheter du terrain pour construire des logements sociaux. Nous l'avons fait par-delà les clivages politiques», explique Jose Tamayo, au nom du gouvernement mexicain. Avec le soutien des municipalités et des Etats, ce dernier a dépensé 500 millions de dollars. «Ce n'est pas une somme faramineuse, mais on a constaté un ralentissement de la croissance des zones de taudis dans ce pays. Cet effort montre que nos objectifs sont réalisables», constate Nefise Bazoglu, une responsable d'ONU-Habitat.
La Chine, qui défend une «stratégie préventive», a construit 6 millions de logements nouveaux par an depuis 1998 pour absorber un exode rural effréné, dit Nie Meicheng, présidente de la société étatique du logement. Autre bon élève : la ville d'Alep, deuxième ville et poumon économique de la Syrie, 500 000 habitants en 1950, 2,7 millions aujourd'hui, dont 40 % résident dans des zones pudiquement qualifiées d'«informelles». Pour le maire, Maan Chabli, «nous allions à la catastrophe : nous avons créé un observatoire urbain, identifié des zones marginalisées où nous travaillons sur la propreté, les égouts et les espaces verts, le tout en collaborant avec les conseils municipaux, les associations locales et des étudiants volontaires».
D'après une étude de l'ONU menée entre 1990 et 2001, certains pays auraient réussi à réduire la pauvreté urbaine (Uruguay, Cuba, Thaïlande, Malaisie, Afrique du Sud...). Au Brésil, depuis l'arrivée au pouvoir de Lula, le problème a été pris à bras-le-corps. Pour Raquel Rolnik, ministre de la Ville brésilienne, «cela ne marchera que si tout le monde participe, de la mairie aux ONG locales, mais à la condition impérative de s'appuyer sur un Etat fort et contraignant».
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La région est la seule institution élue capable de dépasser les intérêts collectifs de proximité.
Aménagement: Paris sera francilien ou ne sera pas
Par François ASCHER
Libération, mercredi 05 janvier 2005
Bertrand Delanoë a finalement décidé de ne pas choisir tout de suite un projet urbain pour les Halles, noeud de transport et de commerce stratégique pour la région francilienne. Il semble avoir beaucoup consulté avant de parvenir à un tel résultat. Pourtant, on ne peut manquer de s'interroger sur la discrétion du conseil régional de l'Ile-de-France à cette occasion, alors que les Franciliens sont plus nombreux que les Parisiens à utiliser cette plate-forme logistique, commerciale et de loisirs et que, in fine, la Région sera bien amenée à financer une partie significative des dépenses. De même, la Région semble être bien discrète à propos du plan d'urbanisme local qui va être discuté par le conseil municipal de Paris ce mois-ci. Pourtant ce plan engage de fait l'avenir de toute la Région, même si celle-ci semble préoccuper assez peu les édiles parisiens. Le premier mot d'ordre de ce nouveau plan est en effet «Améliorer le cadre de vie de tous les Parisiens.» La Région aurait pu essayer d'y faire ajouter «et contribuer à améliorer la vie des Franciliens» et ne pas laisser entendre que Paris appartient aux seuls habitants de ses vingt arrondissements.
Mais le débat sur l'avenir de Paris et de la région Ile-de-France n'est pas facile. Bertrand Delanoë vient ainsi de déclarer à propos de débats sur des projets d'équipements sportifs dans le bois de Boulogne que «polémiquer sur ce point ne pourrait qu'affaiblir la candidature de Paris aux jeux Olympiques» (Les Echos du 13 décembre). Cela est probable, et l'on n'ose donc plus s'interroger sur l'impact qu'auraient les jeux Olympiques sur l'évolution de la région Ile-de-France. On suppose donc que les autorités régionales soutiennent en toute connaissance de cause cette candidature dont le succès pourrait créer beaucoup d'emplois, mais qui risquerait aussi de concentrer pendant de nombreuses années l'essentiel des investissements publics dans Paris, le long des boulevards des Maréchaux et un peu à Saint-Denis-Aubervilliers. Pourtant les statistiques récentes montrent que les déplacements banlieue sont ceux qui augmentent le plus vite, et que les 8,5 millions de banlieusards bénéficient de beaucoup moins d'équipements collectifs que les Parisiens. Sur ce dossier des jeux Olympiques aussi, l'avis de la Région est important.
Bertrand Delanoë s'efforce d'augmenter l'offre de logements sociaux à Paris et d'aider les chômeurs à trouver des emplois. On ne peut que le louer pour cette politique, car les couches sociales modestes sont de plus en plus rejetées à la périphérie par la hausse des prix immobiliers et par le départ des emplois (plus de 200 000 emplois perdus in muros en une quinzaine d'années). Peut-être la construction de quelques belles tours proches de lieux bien desservis par les transports collectifs aurait-elle permis de booster cette politique, mais il semble que les Verts du conseil municipal aient mis leur veto. Peut-être aussi la réalisation du tramway des maréchaux imaginé par l'ancienne municipalité et reprise par la nouvelle, n'était-elle pas une priorité régionale, d'autant que l'intermodalité en est médiocre et qu'elle dégrade l'accessibilité des PME des arrondissements du Sud (notamment pour les livraisons), risquant même d'accélérer leur départ et donc de favoriser la résidentialisation de Paris. Cette évolution est-elle inévitable ? La région est-elle condamnée à recueillir les populations modestes et les familles avec enfants, obligées de quitter une ville centre qui concentre les habitants les plus riches et les emplois les plus qualifiés ? Sur ces dossiers de l'habitat, des transports et de l'emploi à Paris, l'avis de la Région est donc aussi très important.
Le conseil municipal de Paris va débattre dans quelques semaines du nouveau plan d'urbanisme. Certes, le nouveau schéma directeur régional, qui devrait encadrer les plans d'urbanisme des communes et qui est maintenant en Ile-de-France sous la responsabilité de la Région et non plus de l'Etat, est encore dans les limbes. Très probablement donc, la Région a été très étroitement associée à l'élaboration du plan de Paris, car les choix qui y seront faits auront des conséquences majeures non seulement sur les communes de la première couronne, mais sur toute la dynamique urbaine francilienne. On imagine d'ailleurs que les contacts entre Paris et la Région sont nombreux et d'autant plus faciles que les majorités politiques sont identiques depuis plusieurs années. Mais on sait aussi que la Région, qui a mis en chantier la révision du schéma directeur, a déjà accumulé de nombreux travaux et réflexions d'élus et de techniciens. Et on imagine aussi qu'elle envisage de les mettre en discussion.
De fait, la préparation de ce schéma directeur doit être l'occasion d'un grand débat, car les problèmes ne manquent pas, les enjeux sont énormes, et les solutions sont loin d'être évidentes et facilement consensuelles : la crise du logement est grave pour beaucoup de catégories de la population ; l'émigration semble s'accélérer, la région perdant semble-t-il surtout des familles avec enfants ; les transports deviennent plus difficiles, notamment pour les habitants de la banlieue ; l'attractivité économique faiblit (Barcelone, qui a trois fois moins d'habitants, a attiré en 2003 plus d'entreprises internationales que l'Ile-de-France) ; le rayonnement scientifique pâlit, comme en témoigne le classement des grandes universités ; le déséquilibre social Paris-banlieue s'approfondit ; la coupure est-ouest ne s'amenuise guère.
Or, aucun de ces problèmes n'est susceptible de trouver des réponses à l'échelle d'une commune, voire d'une intercommunalité ou des départements. Ce qui fait la force de la région, entre autres, c'est la taille, l'imbrication et la relative unité de son bassin d'habitat, d'emplois, de commerces, de services publics et privés. De fait, les Franciliens de tout âge se déplacent de plus en plus et vivent aujourd'hui pour la plupart à une échelle qui n'est plus ni celle du quartier, ni celle de la commune. Ce n'est donc qu'à l'échelle de la région que l'on pourra mettre en oeuvre des stratégies efficaces pour orienter le développement et faire face aux nombreux besoins. Certes, les communes et leurs maires sont précieux pour organiser ce qui relève de la proximité. Mais il est clair que les grandes agglomérations ne sont pas des additions de villages et que les choix métropolitains ne peuvent être la somme des choix de quartiers.
On ne pourra ainsi construire les 120 000 ou 150 000 logements qui sont nécessaires uniquement avec de petites opérations discrètes dans les dents creuses et dans les zones de renouvellement urbain. De grosses opérations urbaines sont donc nécessaires. Mais comment en convaincre les habitants qui a priori ne souhaitent pas voir leur quartier ou leur commune bouleversés ? Et qui financera ces opérations d'intérêt régional ?
On ne pourra non plus réaliser les grandes infrastructures de transports collectif et individuel nécessaires pour maintenir un bon fonctionnement régional en ne faisant que des «zones 30». Mais quel résident voudra d'une grande infrastructure à côté de chez lui ou acceptera de payer des impôts pour des équipements qui, lui semble-t-il, ne le concernent pas directement ?
Faut-il alors relancer une nouvelle politique de villes nouvelles aujourd'hui ? La question mérite d'être posée, vu l'ampleur des questions à résoudre. Quelles grandes centralités régionales pourraient aussi permettre une répartition plus fonctionnelle et plus équitable des équipements publics et privés à l'échelle de l'Ile-de-France, et conjuguent positivement les intérêts nationaux, régionaux et parisiens ? La Région est la seule institution élue qui non seulement peut poser ces questions, mais aussi faire valoir des intérêts collectifs autres que ceux de la seule proximité immédiate.
Les réponses à ces questions seront décisives pour l'avenir. Elles seront autant, sinon plus, politiques que techniques. Il est donc urgent de les poser en toute clarté. Sinon, les élus communaux auront fait tous leurs choix et le schéma directeur francilien ne pourra être qu'une chambre d'enregistrement. Déjà des coups majeurs qui engagent l'avenir de la région, sont partis à Paris et dans un certain nombre de communes périphériques. Le conseil régional en Ile-de-France a aujourd'hui un rôle majeur dans la démocratie et pour un développement durable. L'aménagement et l'urbanisme jouent en effet des fonctions économique, sociale et environnementale croissantes. Ceux qui en décident aujourd'hui représentent d'abord les intérêts des habitants des communes. Or l'espace urbain, en particulier Paris, est aussi un espace de travail, de loisirs, de transport pour des gens qui n'y résident pas. On ne peut donc le concevoir et le gérer en le laissant sous la seule responsabilité électorale de ceux qui y habitent.
Nous avons la chance que la Région Ile-de-France ait une compétence particulière en matière d'aménagement. Profitons-en. On pourrait imaginer, par exemple, un grand débat démocratique où toutes les forces sociales et politiques, et les divers organismes exprimant les préoccupations de la société civile, réfléchiraient sur l'avenir de la région et mettraient en débat des propositions. On pourrait imaginer de leur donner des moyens pour élaborer des réflexions prospectives, pour exposer des projets, pour animer des débats. On pourrait ainsi donner la parole aux citadins en tant que travailleurs, que consommateurs, que promeneurs, qu'usagers des transports collectifs et des voiries. On pourrait... Discutons-en. Vite, car sinon Paris décidera tout seul de son plan d'urbanisme alors qu'il engage l'avenir de toute la région.
Dernier ouvrage paru : les Nouveaux Principes de l'urbanisme (Editions de l'Aube-Poche, 2004).
François Ascher professeur à l'Institut français d'urbanisme (université Paris-VIII).
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Brigitte PROST
Quel périurbain aujourd'hui ?
Periurbanisation today
C'est en 1966 que l'adjectif péri-urbain apparaît dans le dictionnaire, avec une définition étymologique simple, "qui entoure la ville". Peu à peu, et cela est souligné dans les nouvelles éditions, le trait d'union disparaît ou devient facultatif, et l'adjectif se substantive au point que l'INSEE donne une définition statistique à ce terme : en 1999, il comprend "les couronnes périurbaines et les communes multipolarisées de villes et d'agglomérations". Ces deux ensembles sont l'un, constitutif de l'aire urbaine (le pôle urbain et la couronne périurbaine, c'est-à-dire "l'ensemble des communes dont 40 % ou plus des actifs résidants vont travailler dans l'aire urbaine) et l'autre, complémentaire à l'aire urbaine, dans la mesure où l'espace concerné entoure cette aire et se définit comme les communes dont 40 % ou plus des actifs résidants vont travailler dans plusieurs aires urbaines sans atteindre ce seuil avec une seule d'entre elles". Après des années de flou conceptuel et d'enrichissement sémantique, il semble que nous soyons arrivés à une définition satisfaisante, mais qui est loin de régler tous les problèmes que pose l'espace périurbain. Ainsi que le soulignent C. Manzagol, W. Coffey et R. Shearmur, "les mots tardent à nommer les choses. La transformation des espaces urbains est si rapide et explosive qu'elle périme les catégories et le vocabulaire".
La réalité territoriale du fait périurbain s'est imposée avec force dans le discours scientifique comme dans le paysage et la vie des citadins. En 1999, suivant l'INSEE, 73,1 % de la population française vit dans les aires urbaines (dont 12,9 % dans les couronnes périurbaines) et 76,7 % si on y inclut les communes multipolarisées ; cela concerne 44 891 000 des 58 519 000 habitants de la France métropolitaine et 29,5 % de son territoire (tabl. 1). "La valeur de la surface de cinq départements a disparu depuis 50 ans sous l'artificialisation des terrains en raison de la croissance urbaine" (I. Roussel).
L'espace environnant les villes est donc de plus en plus inséré dans le système urbain et plus précisément dans le système socio-spatial des grandes agglomérations. Le phénomène a été, à l'origine, simple production de la ville, résultat d'un trop-plein urbain d'hommes, d'activités, à la recherche d'espaces nouveaux. La ville, en s'étalant, s'est adjugé les environs ruraux, les a phagocytés, les contraignant à la disparition ou à une mutation radicale1. Leur rôle aujourd'hui n'apparaît plus que secondaire, mais non inutile, dans le territoire périurbain. Il est révélateur qu'aucun article proposé ici ne s'interroge sur leur maintien et leur avenir.
La problématique périurbaine a beaucoup évolué. La réalité du phénomène étant bien établie, c'est maintenant au territoire en cours de constitution que la majorité des auteurs s'intéresse, à un territoire encore mouvant, complexe, où se côtoient et s'entremêlent questions d'aména-gement socio-économique et d'environnement. Vers quelle construction territoriale s'achemine-t-on ? Faut-il toujours parler d'interface entre la ville et sa périphérie ou quelque chose de nouveau est-il en train d'apparaître ?
Cette question sert de fil conducteur aux articles présentés dans ce numéro. Suivant la spécialité de leurs auteurs, les approches sont différentes. On peut toutefois regrouper leurs réflexions autour de trois thèmes concernant : le rôle des acteurs, la place nouvelle que prennent les questions d'environnement dans l'espace périurbain et, enfin, à travers le développement des bourgs et de nouvelles polarités, les processus de territorialisation à l'½uvre. Chaque auteur répond ainsi, à sa manière, à la question posée sur la construction d'un territoire périurbain.
Le rôle des acteurs
Jusqu'à la fin des années 1980, la plupart des études étaient axées principalement sur la connaissance des processus de périurbanisation. Elles analysaient volontiers les formes du développement périphérique et le fonctionnement du couple centre-périphérie. De nombreuses publications ont présenté les moteurs de ce processus qui sont maintenant bien connus. Le premier pris en compte était la ville elle-même. Elle cumulait tous les désagréments pour une société trop rapidement urbanisée et de plus en plus mal intégrée à la vie des grandes agglomérations : la concentration horizontale et verticale dans des immeubles de banlieues, le bruit et la pollution de toute sorte, le coût du foncier rendant aléatoire l'accès à la propriété, en particulier au centre-ville. En revanche, la population urbaine voyait dans la campagne environnante la possibilité de disposer d'une maison individuelle, de jouir de ce que l'on n'appelait pas encore qualité de vie et qui était l'espace, la nature, l'air, le calme. L'augmentation importante du niveau de vie (plein emploi, motorisation, emprunts à faible taux d'intérêt...) rendait ce rêve réalisable. Bref, le développement rapide de ce que l'on a appelé le phénomène périurbain apparaissait bien comme une donnée éminemment urbaine.
Pourtant, dès les années 1970 et plus encore dans la décennie suivante, la périurbanisation pouvait être analysée à partir de l'espace ainsi conquis. On ne reviendra pas sur l'influence reconnue du monde agricole, non reprise ici. Des articles insistent en revanche sur le rôle des acteurs locaux élus. J. Daligaux explique comment il est apparu dans les communes de l'arrière-pays provençal au cours des années 1970, de façon encore modeste et circonstancielle (accueillir des habitants apparaît, à la lumière de ce qui se passe dans les communes du littoral, comme une "opportunité de renaissance démographique, économique et sociale"). Il démontre la continuité des logiques politiques et foncières régissant l'extension du cadre bâti en Basse-Provence. Considérant la périurbanisation comme la base du développe-ment communal, les élus l'ont sans cesse encouragée, avant même de mettre en place des POS maximalistes, répondant ainsi à la demande d'acquéreurs extérieurs mais aussi de propriétaires fonciers autochtones soucieux de pouvoir "faire construire". La permissivité en matière d'urbanisme s'est soldée par un développement incohérent des constructions résidentielles et des équipements de loisir, par un urbanisme opérationnel bien éloigné d'un véritable aménagement communal. Ce n'est que depuis une dizaine d'années que la classe politique provençale locale affiche une attitude plus prudente en matière d'extension de l'habitat. Par ailleurs, si la résidence est le résultat le plus visible de l'action des élus sur la périurbanisation de leur commune, elle se double souvent du développe-ment de nouvelles fonctions. P. Boino le montre à propos de bourgs de la région lyonnaise devenus centres de services nouveaux et lieux de construction de zones industrielles.
Cette politique des élus ne fut pas que prédatrice, en effet. Bien vite, ils ont compris qu'il était aussi nécessaire d'endiguer le phénomène, et l'exemple de la Basse-Provence est à nouveau intéressant. Pour J. Daligaux, il y a eu assez vite un jeu de bascule entre production périurbaine et protection de l'espace. Devant les dérives d'une urbanisation, diffuse dans l'arrière-pays et trop concentrée sur le littoral, les édiles communaux, confortés par de nouvelles attentes sociales, ont, à partir des années 1980, largement utilisé l'ensemble réglementaire et législatif permettant de libérer de l'extension périurbaine un certain nombre d'espaces protégés.
Des exemples canadiens font écho à cette volonté hésitante et contrastée des élus locaux français. Ils présentent des principes de planification urbaine et expliquent que les pouvoirs publics centraux ont tenté d'aller à l'encontre d'un étalement urbain déstructurant l'espace périphérique. Cela fut vrai surtout à partir de 1976, à Toronto ou Vancouver, où les pouvoirs publics ont encouragé l'essor de sites périurbains bien desservis. "Ces efforts sont l'illustration d'une bonne appréhension des problèmes métropolitains par les collectivités publiques" (C. Manzagol, W. Coffey et R. Shearmur). Cet effort de planification de la croissance urbaine fut également soutenu à Montréal et tendit, à partir de 1978, à limiter l'extension urbaine et à délimiter un zonage agricole puis, faute de réussir, à définir des espaces protégés. Mais ces tentatives du gouvernement québécois ne furent guère suivies d'effets en périphérie, les acteurs locaux se montrant peu sensibles à cette volonté de protection (G. Sénécal, P. Hamel, L. Guerpillon et J. Boivin). Au Québec comme en France, les pouvoirs locaux ont eu un rôle souvent ambigu marqué surtout par le souci de favoriser l'essor communal par l'ancrage à la vie de la grande agglomération voisine.
Un fait apparaît frappant : la permanence de l'action au niveau communal et la difficulté à se projeter dans une coopération territoriale. Analysant ce rôle des acteurs, un seul article pose le débat sur le plan de l'intercommunalité. E. Marcelpoil s'interroge sur la marge de man½uvre des responsables locaux face à l'agglomération et leur capacité à promouvoir leur projet de développement. Une commune doit savoir gérer son espace mais aussi suivre les implications de ses projets. L'auteur montre comment la mise en ½uvre de services environnementaux de qualité incite à une intercommunalité de gestion (collecte des déchets, adduction d'eau, assainissement...). Conformément à une analyse désormais bien connue, certains techniciens, plus compétents que des élus, se "politisent", certains élus, bien engagés sur les dossiers environnementaux, se "technicisent" et la compétence devient source de légitimité pour diriger une structure inter-communale qui s'affirme face à la ville-centre. L'environnement serait ainsi un terrain plus propice que l'urbanisme pour la création de territoires périurbains intercommunaux. Sans doute ne suffit-il pas toutefois, d'ailleurs les exemples d'intercommunalité pour le développe-ment périurbain sous toutes ses formes sont encore peu fréquents. La logique urbaine de la loi Chevènement et la procédure de pays de la Loi d’orientation, d’aménagement et de développe-ment durable des territoires (LOADDT) trouvent également un difficile terrain d'application dans l'espace périurbain.
Le rôle et l'action des acteurs amènent à un certain nombre de réflexions. L'action politique locale au mieux accompagne, le plus souvent suit le développement périurbain, beaucoup plus rapide. Les élus ont généralement vu dans la croissance démographique une nouvelle source de richesse ; ce n'est que plus tard qu'ils se sont interrogés sur sa réelle vertu. Aujourd'hui, ils doivent gérer, et souvent avec beaucoup de difficultés. La politique nationale a été, même indirectement, un moteur de cette croissance, la stimulant, en particulier par les aides à la construction, la ralentissant aussi, par les mesures protectrices de l'environnement (J. Daligaux). Mais les problèmes de gestion du territoire ainsi construit sont du ressort des élus locaux qui ne leur donnent souvent que des réponses incertaines, conjonc-turelles, liées à la difficulté de se projeter correcte-ment dans un temps long et dans l'espace urbain global, et aux lourdes contraintes qui pèsent sur le milieu politique local (durée des mandats, poids des groupes de pression, pressions foncières, contraintes financières...). Les espaces périurbains restent mal maîtrisés par les acteurs politiques, les risques de dysfonctionnement territorial sont nombreux. La nécessité d'une audacieuse politique d'aménagement, pensée à l'échelle d'une aire urbaine au sens large demeure d'actualité à travers, peut-être, une vision éclairée des schémas de cohérence territoriale à mettre sur pied.
Environnement et territoire périurbain
C'est à partir des problèmes environnementaux que plusieurs articles nous amènent à réfléchir à la nature du territoire issu de la périurbanisation. Les débuts du développement périurbain se firent sans grande considération pour l'environnement. J. Daligaux rapporte comment, à travers la zone NB des premiers Plans d’occupation des sols (POS), ce sont de grandes surfaces vierges du Var intérieur qui ont été dévolues à une construction diffuse, au grand dommage du cadre naturel (occupant heureusement une part importante des surfaces communales) et de l'aménagement périurbain, dégagé ainsi de l'obligation de prévoir réseaux et système viaire. La population partageait d'ailleurs cette absence de considération pour l'environnement, gardant l'illusion que le cadre ainsi investi lui demeurerait "naturel". Il a fallu que la périurbanisation prenne de l'ampleur et menace directement ce cadre pour que la question de l'environnement vienne au premier plan. Pour E. Marcelpoil, la dimension environnementale est liée, aujourd'hui, à une "revendication politique de développement durable et solidaire", à la volonté de "concilier développement et environnement". A ce souci politique s'ajoutent, plus prosaïquement, l'attente nouvelle des populations soucieuses de préserver leur cadre et leur mode de vie, face à de nouvelles atteintes destructrices du "milieu", et aussi le poids des mouvements associatifs environnementalistes (J. Daligaux). Il est reconnu également que l'indifférence environnementale est devenue une source objective de problèmes importants pour la collectivité.
Tout un ensemble de problèmes environne-mentaux est désormais directement relié au phénomène périurbain. On en trouve deux illustrations révélatrices dans les articles proposés ici. La première témoigne des préoccupations paysagères qui se sont imposées à la réflexion des responsables et des populations périurbaines et de l'insuffisance des mesures avancées pour leur trouver des réponses. Au Québec, la volonté "d’aménager la métropole nature", ainsi que l'expriment G. Sénécal, P. Hamel, L. Guerpillon et J. Boivin, est intégrée à la politique de planification urbaine depuis la deuxième moitié du XIXe s., mais elle est toujours restée une représentation au contenu flou et sans cesse renouvelée, au rythme de la volonté politique de placer ou non la nature au c½ur de la vie montréalaise. Pendant plus d'un siècle, sous l'influence de courants divers, on retrouve certes ce souci de conserver, dans l'île de Montréal comme à sa périphérie, des fermes, des bois, des espaces naturels. Il n'empêche qu'en dépit des orientations annoncées, la protection prônée est restée vague et peu efficace et la nature n'a cessé de reculer devant l'urbanisation. Et le résultat n'apparaît pas très différent en France. Certes, un cortège de lois et de règlements existe pour protéger l'environnement mais, si l'on s'en tient au cas varois, toutes ces mesures ne valent que si la pression foncière reste maîtrisable.
Les destructions paysagères du territoire périurbain sont donc bien visibles. La suprématie prise par l'automobile dans la vie des populations l'est tout autant. Ses conséquences apparaissent moins nettes, elles n'en sont pas moins graves.
C'est à ces problèmes que s'intéressent I. Roussel, S. Frère et P. Ménerault. La concentration du trafic automobile dans les villes où convergent de nombreux courants périurbains libère-t-elle l'espace environnant des problèmes inhérents à la circulation ? On a pu constater une augmentation très sensible des distances parcourues et de l'intensité du trafic de la périphérie vers le centre-ville, de la périphérie vers la périphérie et, plus encore, de la périphérie vers la banlieue. Cela entraîne de fortes concentrations de polluants primaires là où la circulation est la plus dense (ville-centre, principaux n½uds routiers) mais aussi de polluants secondaires dont le plus important, l'ozone troposphérique, s'accroît régulièrement dans les basses couches de l'atmosphère, et particulièrement dans les zones périurbaines où, au moment des pointes urbaines de pollution, sa répartition est inversement proportionnelle à la circulation automobile. Les impacts de l'ozone sur la santé sont importants : c'est un irritant puissant des yeux et des voies respiratoires. Or ses risques sanitaires sont très difficiles à gérer. Les procédures d'alerte, les dispositifs de prévention, ne règlent rien sur le fond. C'est bien une stratégie à long terme de réduction de cette pollution liée à la circulation automobile et un aménagement urbain freinant l'étalement périurbain et son corollaire, le trafic automobile, qui s'imposent. "Les habitants périurbains contribuent au développement des pollutions globales et ils en sont également les victimes".
On constate ainsi combien la périurbanisation qui s'est développée à partir de considérations écologiques positives a fait naître des problèmes écologiques majeurs liés à la voiture. L'illusion d'un territoire sans pollution est tombée.
Ces considérations sur la place de l'environnement dans la vie des populations périurbaines nous renvoient au territoire ainsi soumis à un processus complexe de construction-destruction. L'environ-nement, vu comme un milieu "naturel", et, bien plus sûrement, comme un ensemble de cultures, de bois, de reliefs, de paysages..., est un élément constitutif du milieu périurbain. C'est la façon dont on a traité ses particularités qui donne au territoire périurbain une partie de sa spécificité. Quant elles disparaissent, sans doute disparaît aussi ce territoire au profit d'une forme urbaine plus nette dans sa structure comme dans ses problèmes.
Les questions d'environnement, prises cette fois dans la globalité d'un terme devenu polysémique, nous conduisent par ailleurs à reconsidérer le couple centre-périphérie et à le voir dans son dualisme fondamental. Le territoire périurbain est totalement intégré à l'agglomération dont il constitue en quelque sorte le cadre. Lieu de résidences plus que de travail, même si celui-ci se développe (C. Manzagol et al.), il est aussi, pour l'agglomération, une aire de loisirs et de respiration plus qu'un espace de production. Il est devenu en quelque sorte une "image de référence" (G. Sénécal et al.) pour l'ensemble de l'agglomération et de l'aire urbaine. Il participe à la représentation du cadre urbain ; Lyon comme Montréal en sont de bonnes illustrations. Et en même temps, l'espace péri-urbain partage une grande partie des problèmes urbains que sa population a fuis. Une illustration remarquable de ce fait est donnée par la circulation automobile et la pollution que l'on retrouve, apparemment moins graves mais tout aussi contraignantes et menaçantes, dans l'ensemble de l'aire urbaine. Derrière cette question apparaît celle des relations obligées avec la ville en matière d'emplois, de services, celle de l'existence d'un territoire périurbain face au territoire de la ville.
Nouvelles polarités et organisation territoriale
Pour tenter de répondre à cette question, un troisième thème de réflexion portant sur le territoire en cours de constitution est proposé par différents auteurs. La publication de F. Beaucire nous y introduit par le biais de la circulation automobile et de l'organisation socio-spatiale qu'elle induit. Pour l'auteur, le périurbain est le produit territorial de la vitesse croissante de déplacement. En raison du maillage dense de voies rapides aménagées dans l'espace périurbain, la durée du déplacement augmente moins vite que sa longueur géographique et facilite l'extension périurbaine, surtout à proximité de ces voies. On pense généralement que cette vitesse, et la distance qu'elle permet, peut être un discriminant social, la proximité des axes rapides et des n½uds routiers retenant les classes plus modestes tandis que les plus aisées peuvent s'avancer dans les zones interstitielles. Les études menées par l'auteur dans la région parisienne démentent cette idée. La vitesse ne constitue un discriminant ni social ni géographique et contribue à diminuer le rôle que pourrait jouer la distance. C'est de façon assez égale que les différentes classes participent à l'étalement périurbain et à la diversité socio-économique du nouveau territoire.
En revanche, cette diversité est à l'origine d'une croissance différenciée des bourgs aussi bien sur le plan social que sur le plan économique. Pour comprendre le lien entre la mobilité accrue de la population et le nouveau développement des pôles, il ne faut pas oublier le tissu rural préexistant à la périurbanisation.
Le processus de périurbanisation s'est surimposé à un ensemble de bourgs et de petites villes, correspondant toujours à un maillage rural dont ils constituaient des points forts. Assez rapidement, ce maillage a été pénétré par le système urbain métropolitain, surtout quand ces bourgs étaient bien placés sur les grands axes de circulation. Cette pénétration, ses formes, ses conséquences, sont des éléments importants de la structuration du territoire périurbain. On peut aisément distinguer deux temps et deux types opposés d'évolution.
Petites places centrales d'un espace local, dotées de fonctions d'encadrement reposant sur un monopole de fait, de commerces et de services, certaines souffraient déjà de l'attraction de villes plus grandes qui, dès les années 1960, a déstructuré de nombreuses campagnes. La croissance de la mobilité et l'extension des aires urbaines ont renforcé et généralisé ce processus. Les bourgs de la région de Lyon étudiés par P. Boino illustrent bien ce fait : désindustrialisation lente mais constante de Belleville-sur-Saône, déclin de la fonction de marché rural de Mornant, assoupissement de Crémieu, autant de signes de perte de fonctionnalité. Parfois, l'isolement dans un milieu rural atone ou à l'écart d'axes de communication importants, comme sur les plateaux bourguignons étudiés sous la direction de R. Chapuis, se traduit par un profond déclin des petits ensembles urbains. Ce qui est remarquable, dans ce premier temps, est la concomitance entre le déclin de ces bourgs ruraux et la mise en place de la première couronne périurbaine, proche de la banlieue.
Le deuxième temps se rattache directement à l'apparition de nouvelles couronnes. Il est pour l'essentiel celui de l'essor de la périurbanisation. Les termes de la reprise sont partout les mêmes. C'est d'abord la reprise démographique, dont l'aire urbaine dijonnaise donne une bonne illustration, qui intéresse les bourgs eux-mêmes mais aussi leurs communes périphériques, et d'autant plus qu'elle sont bien situées sur des axes les reliant à Dijon. Il y a ensuite la reprise économique, fondée sur de nouvelles fonctions au service d'une nouvelle population : commerces, services, équipements, mais aussi soutenue par de nouvelles activités de production. Les bourgs et leurs environs redeviennent des pôles d'emploi. On connaît bien la situation française. Celle que C. Manzagol, W. Coffey et R. Shearmur décrivent à propos du Canada nous montre comment à Montréal et aussi à Toronto, Vancouver ou Ottawa-Hull, en vingt ans, il y a eu desserrement de l'emploi dans les suburbs, au profit "des sites périurbains bien desservis". Ce modèle poly-centrique, typique du Canada, dans lequel le CBD (Central Business District) demeure robuste et les edge cities s'affirment dynamiques concerne plus les environs immédiats de la métropole que les espaces périurbains au réseau urbain menu. Il nous intéresse cependant car ces edge cities, ces "villes lisière", tendent à devenir autonomes du CBD d'une part, et d'autre part, elles s'opposent aux tendances à la dispersion des emplois aux Etats-Unis que les auteurs analysent comme un fait culturel particulier.
Ce modèle canadien nous conduit à nous interroger sur la solidité des nouveaux pôles périurbains et sur leur rôle dans l'organisation du territoire. En quelque sorte, peut-on poser, pour le réseau de petites villes et de bourgs français, la question que C. Manzagol, W. Coffey et R. Shearmur posent pour les banlieues canadiennes : "n'ont-elles plus besoin des villes ?" La question est peut-être incongrue. Elle mérite pourtant analyse.
Le renouveau et les mutations des petites villes et des bourgs font naître une nouvelle polarisation et une organisation urbaine passablement compliquée. Quelques traits s'imposent. Si on laisse à part les polarités issues des noyaux commerciaux ou des zones de services et non étudiées ici, la hiérarchie urbaine héritée du passé n'est pas fondamentalement modifiée : du bourg à la ville moyenne, chacun est revivifié et garde sa place, se développant dans une plus ou moins grande autonomie suivant les fonctions qui s'imposent (Auxonne, par exemple, et ses industries agro-alimentaires, est assez indépendante par rapport à Dijon). Chacun aussi tend à reconstituer autour de lui une zone sur laquelle il établit son influence directe et, bien sûr, on retrouve les emboîtements liés à la hiérarchie urbaine. Plus nouveau est le caractère déformé que peut prendre cette hiérarchie et qu'illustre Is-sur-Tille : c'est un important pôle d'emploi grâce à un dense réseau de PME, il participe aussi beaucoup au marché de l'emploi dijonnais qui l'attire et, en même temps, il prend appui sur des communes septentrionales isolées et peu actives qui le fragilisent. Il est en quelque sorte une marge urbaine du système périurbain.
La structuration territoriale qui ressort de cette organisation urbaine est marquée par cette hiérarchie ; elle est donc radioconcentrique, dominée par la métropole. Elle est aussi faite de ces espaces organisés par chaque échelon urbain, ce qui la rend aréolaire. Elle est enfin réticulée car les échanges de biens et de travail sont intenses entre toutes ces villes. Les analyses conduites à partir de la télédétection doivent permettre d'affiner ces caractères. C'est bien une solidarité territoriale qui se développe autour des grandes agglomérations.
Ce territoire peut-il devenir autonome ? Deux remarques orientent la réflexion. Les analyses françaises et québécoises présentées ici montrent que le pouvoir de décision et de direction reste dans l'agglomération. C'est d'autant plus vrai que celle-ci est plus importante. La périurbanisation des villes secondaires pose le problème différem-ment car elles n'ont guère, elles-mêmes, de pouvoir de commandement, sinon administratif. Par ailleurs, le paysage "urbain" reste porteur de ses héritages et le système socio-économique qui s'y développe reste, lui aussi, marqué par la hiérarchie et incomplètement diversifié dans les centres périphériques.
Peut-on tenter de voir où s'arrête cette solidarité territoriale tissée à partir des bourgs et villes périurbaines ? Sur cette question également, les éléments d'appréciation manquent. Peut-on dire que le territoire périurbain s'arrête là où cesse le pouvoir d'attraction et de construction de la métropole ? Le rôle de filtre de l'attraction dijonnaise que joue actuellement Is-sur-Tille pourrait le suggérer. Mais au-delà, on trouve une sorte de désert économique et humain, ce qui n'est pas l'environnement urbain le plus fréquent. Les modalités selon lesquelles cesse de fonctionner le pouvoir de périurbanisation d'une agglomération sont très variables et souvent difficiles à cerner. Même la distance et le temps ne semblent pas des données recevables, bien qu'on puisse penser qu'elles ont aussi leurs limites. Est-il possible que nous soyons à la fin d'une étape transitoire, conduisant à une densification de l'occupation de l'espace et à une structuration urbaine nouvelle, ce que pourrait susciter la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) ?
Approches des territoires périurbains
Ces dernières remarques nous permettent d'ouvrir le débat au-delà des réflexions suggérées par les différents articles de ce numéro. Elles posent le problème jamais résolu (et peut-être insoluble) des limites en géographie. Comment y répondre alors que les critères de définition et de fonctionnement d'un éventuel système périurbain ne sont ni toujours définis ni toujours mesurables ? Ne doit-on chercher à les établir que par référence à une ville-mère omniprésente ? Quel rapport existe-t-il entre le système urbain et un système périurbain ? Entre plusieurs systèmes aux modalités de fonctionnement différentes ? Il s'agit peut-être moins d'une question de limites que d'échelle. Mais l'interrogation rebondit : quelle est l'échelle pertinente ? La définition d'un territoire périurbain passe par la compréhension des dynamiques en jeu dans cet espace de plus en plus vaste, qui s'étend entre le foyer urbain dense et des campagnes devenues très complexes, elles-même objet d'analyses renouvelées. S'il peut y avoir densification périphérique et structuration urbaine nouvelle, il continuera à se passer beaucoup de choses au-delà, dans ces marges où se font les innovations territoriales.
Un autre débat mériterait d'être engagé. Il concerne l'organisation et la structuration des territoires périurbains. Nous avons parlé de la difficile ouverture vers l'intercommunalité. Depuis deux ou trois ans pourtant, les évolutions s'accélèrent. Dans la Dombes, le long de la RN 83 qui dirige la périurbanisation au nord-est de l'agglomération lyonnaise, treize communes viennent de se mettre d'accord pour travailler ensemble : située entre Lyon et Bourg-en-Bresse, cette intercommunalité s'organise autour de trois bourgs, points forts économiques et démographiques de l'ensemble et s'étend sur ce territoire d'étangs encore agricole et écologiquement très fragile (éléments à la base du projet de parc naturel régional). C'est une procédure de "pays" qui se greffe ainsi sur un territoire rural conquis par la périurbanisation. Procédure de rupture, ou tout au moins de recul face à la ville ? Rien n'est moins sûr. Deux autres éléments sont en effet à considérer avec attention dans cette structuration des territoires périurbains.
Il s'agit d'une part de l'aménagement des grands ensembles commerciaux, magasins de grande distribution auxquels s'adjoignent des galeries commerçantes et des complexes multimédias qui se réalisent depuis plusieurs années à la périphérie des grandes agglomérations. C'est presque encore un fait de banlieue, car ces réalisations ont besoin d'une densité de population élevée pour fonctionner, mais c'est un aménagement qui étend sa zone de chalandise aussi bien vers l'extérieur que vers l'intérieur de l'ensemble urbain. Un autre élément doit être l'objet d'une plus grande attention : l'organisation de la mobilité et des transports périurbains. Pour longtemps encore, en raison de la dissociation entre lieu de travail et lieu de résidence, les populations périurbaines seront migrantes. Deux articles de ce numéro ont montré l'importance des migrations routières entre la ville et sa périphérie et leurs conséquences. Les contraintes de la route sont lourdes et les centres périurbains traversés sont fortement pénalisés. La demande d'une solution alternative assurée par la voie ferrée est souvent formulée. Pour des raisons géographiques évidentes, cette solution, parfois très positive, ne peut tout résoudre. Quel rôle pourraient jouer des transports en commun permettant aux migrants pendulaires de se "rabattre" sur des n½uds d'intermodalité bien organisés ? Peut-on envisager une politique volontaire et audacieuse susceptible de renverser les habitudes établies ? Il y aurait là une véritable politique d'aménagement, conduisant peut-être à une cohérence maîtrisée de l'étalement périurbain et à un vrai territoire de vie.
Enfin, il y a une réflexion qui ne doit pas disparaître des analyses sur le milieu périurbain : elle concerne l'agriculture. Peut-être est-il plausible de faire l'hypothèse que le phénomène périurbain est arrivé à un stade de maturité ; on constate son ralentissement au cours de la dernière décennie. Dans une telle hypothèse, la place de l'agriculture périurbaine, longtemps laissée en dépendance du mouvement urbain, est à repenser dans sa spécificité. Les nombreuses études qui portent maintenant sur les campagnes et sur la vie agricole montrent comment l'espace rural est devenu à la fois source de production agricole, lieu de résidence et de loisir, "théâtre de la nature", comment en conséquence production et demande sociale s'imbriquent sur le même territoire2. Le milieu périurbain est totalement concerné par cette nouvelle problématique et il s'y pose avec acuité le problème du maintien d'une vie agricole qui ne soit ni résiduelle ni conservatoire. Il est nécessaire d'être ouvert à cette double réalité de l'agriculture et des campagnes périurbaines. Elles sont un élément fondateur du territoire en cours d'élaboration, en sont-elles aussi un élément innovant et durable ?
Le territoire périurbain n'a pas cessé de nous poser des questions et de limiter nos possibilités de réponse. Pour l'heure, et contrairement à la ville qui se renouvelle, de siècle en siècle, sur son propre espace, il se construit par absorption et, de ce fait, il transforme tout et se transforme continuellement, faisant apparaître de nouveaux problèmes. Espace où s'accumulent un grand nombre d'habitants et d'activités, il demeure un objet d'étude de choix pour les géographes.
Brigitte PROST, Confluences, Université Jean-Moulin Lyon 3, CNRS - UMR 5600, 18 rue Chevreul,
69362 LYON cedex 07, tel. 04 78 78 74 31, fax : 04 78 78 77 64
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La récente quête d'une gouvernance à l'échelle de la métropole est d'abord vue comme une vélléité d'étendre la surface du centre de Paris, exigu pour bon nombre d'équipements et de logements. Vélléité souvent résistée par les communes limitrophes.
Je pense qu'il faudrait inverser la problématique qui relève plus du mythe de David et Goliath que d'une réalité effective.
La motivation devrait plutot être de maîtriser la croissance périurbaine en IDF par une extension de la zone dense. Tout se passe depuis 20 ans comme si la croissance périphérique se faisait au détriment de Paris-centre, en terme de pop, d'emplois et de surface de bureaux et commerces livrées.
Il est dangereux de ne pas agir lorsqu'on voit qu'une grande partie de la croissance résidentielle et tertiaire se déroule aux marges de l'agglomération. Même si les villes nouvelles canalisent une partie de cette croissance, la vision polynucléaire trouve désormais ses limites. Et là, je me distingue clairement de la vision esquissée par la DATAR.
La Datar tente de transposer le modèle polynucléaire du bassin londonien. Or, comme je le montre dans un papier que je posterai dès qu'il sera publié, les deux villes de part et d'autres de la Manche ont un destin spatial croisé, souvent décalé et influent l'une pour l'autre. La datar propose une déconcentration organisée, politique menée depuis 1944 dans le bassin londonien et sur laquelle la mairie de Londres est revenue. Face à la mondialisation, à la concurrence urbaine et au respect de l'environnement, la politique londonienne s'est orientée vers une re-concentration organisée dans le centre de la métropole. Une densification massive est en cours depuis 15 ans.
Certes Paris est déja plus dense, mais est elle si saturée que seule une déconcentration est souhaitable ? l'extension du périmètre central si elle était poursuivie pourrait concilier une croissance reconcentrée.
Ce centre doit être étendu à toute la première courronne au plus vite, pour maximiser des tendances spontanées actuelles qui pourraient canaliser la croissance vers le centre (dév annulaire du tertiaire le long du périph', débordement de La Défense, Plaine de France...).
Ne crois-tu pas, UrbaM, que le développement annulaire du tertaire le long du périphérique est dores et déjà programmée, et que les programmes de couvertures partielles et de tramway des maréchaux n'en sont que le corollaire ?
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Ce développement n'est justement pas programmé au sens d'incité ou planifié. Il s'agit plutot d'une tendance spontanée du secteur tertiaire qui a trouvé ici un corridor hautement accessible (en automobile). Une forme de développement qui tend à lier Paris et sa première courronne (ce qui va dans le sens de mes propos au-dessus) et qui gagnerait à être accompagné davantage par les pouvoir publics. La réalisation d'un tramway est un peu maigre surtout face à l'accessibilité automobile.
Il faut aussi surveiller l'hégémonie des occupations économiques au détriment du résidentiel au risque chasser encore plus loin les populations. Une densification résidentielles par la construction de tours (en autre) pour pallier la spécialisation croissance de l'espace en question.
OK... C'est logique effectivement.
Je cherche des éléments sur l'aménagement des abords du périphérique, c'est un peu mon cheval de bataille...
Pour ce qui est du fait d'englober la première couronne dans le noyau central d'un point de vue de l'aménagement, penses-tu à unesolution pratique du type de celle choisie par Montréal (l'île) qui a consisté à faire des villes périphériques de nouveaux quartiers de la ville-centre ? (du type Anjou, par exemple, 30 000 habitants, qui est passée de Ville-Anjou à l'arrondissement d'Anjou :
De 1989 jusqu'au mois de juillet 1997, la municipalité est dirigée par le maire Richard Quirion. M. Luis Miranda lui succède pour devenir le quatrième et dernier maire de la ville d'Anjou. On lui doit notament le développement du tout nouveau parc d'affaires et l'aménagement du Club de golf Métropolitain Anjou qui représente le parcours le plus long du Québec dans la catégorie des golfs publics.
En vertu de la Loi 170, la ville d'Anjou a été transformée en l'un des 27 grands territoires nommés arrondissements dont se compose l'actuelle ville de Montréal.
M. Luis Miranda s'est porté candidat à l'élection du premier conseil de la nouvelle ville de Montréal qui a eu lieu le 4 novembre 2001. Il a fait équipe avec M. Gérald Tremblay, chef de l'union des citoyens et des citoyennes de l'Île de de Montréal. Élu conseiller de la ville, M. Miranda siège donc à la table du conseil de la ville de Montréal. Il est le premier à agir à titre de président de l'arrondissement d'Anjou.
Car finalement, si mes souvenirs sont bons, c'est ce qui s'est déjà passé à Paris. Par exemple, le quartier Glacière à Paris (13ème) n'était autre qu'une partie de Gentilly, le quartier Alésia (14ème) une partie de Montrouge, etc... Préconises-tu cela pour les villes qui s'étendraient, par exemple, jusqu'à l'A86, afin de constituer de nouveaux arrondissements ?
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Disons que je suis pragmatique, voire fataliste à court terme. Je ne pense pas qu'une extension du périmètre communal de Paris soit possible. Je pense plutôt qu'une coordination et un partenariat dans le cadre de l'intercommunalité ou plutot de la région IDF peut être envisagé. ça parait probable dans la mesure où l'échelon régional semble voué à plus de pouvoir dans le futur.
OK. As-tu vu le sujet suivant :
http://ladefense.free.fr/forum/forum_3. … turn=1#top
On dirait bien qu'il sébauche un timide début de coopération intercommunale. Timide car ce n'est pas dans les moeurs, mais d'après tout ce que je lis, Delanoë en a vraiment la volonté. Le partenariat intercommunal a l'air d'être d'ailleurs l'un des grands thèmes de la communication municipale :
http://www.paris.fr/fr/la_mairie/cooper … _banlieue/
Cela signifie au moins que ce dont tu parles - et qui me paraît totalement nécessaire à moi aussi - est bel et bien en train de s'implanter dans les esprits... C'est une bonne chose, mais il faudra voir ce que cela donne concrètement dans les faits, évidemment.
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