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Message originellement posté par Thomas :
Juste pour répondre et préciser ma pensée. Je pense que beaucoup d'entre vous se trompent en regardant avec envie les systèmes fédéraux espagnols, allemands, italiens ou anglais. Si dans ces pays on trouve des villes importantes en-dehors de la capitale, c'est pour des raisons démographiques essentiellement, et non pas pour des raisons de performance économique (à part l'Allemagne qui est peut-être un modèle de vrai fédéralisme économique).
En Italie oui Milan et Naples existent en-dehors de Rome, les 3 villes sont à peu près similaires en terme de taille. La réalité: seule Milan performe économiquement et scientifiquement. Grâce à cette superbe autonomie des régions tant souhaitées, le Nord, et en particulier la Lombardie (Milan) est riche, et le Sud est pauvre. Y compris Rome et Naples, qui sont des villes touristiques, mais pauvres (les banlieues de Rome sont à pleurer notamment). Du coup, en pratique, l'Italie n'a qu'une seule vraie métropole européenne: Milan. Qui égoïstement serait bien contente de se débarasser des villes-boulets du Sud. Géniale l'autonomie financière des régions!
En Angleterre ne vous faites pas d'illusion. Oui la BBC va déménager une partie de ses bureaux à Manchester (qui est plus proche de Londres que Marseille ou Lyon ne le sont de Paris entre nous). Pour le reste, les investissements de l'Etat britannique dans les infrastructures des villes de province sont ridicules, pendant que Londres reçoit les projets à plusieurs milliards de livres. En France on ne compte plus les villes de province qui disposent d'un métro (de Lyon à Rennes), et les villes qui possèdent un réseau de tramway sont en train de pulluler. Je vous assure qu'entre Birmingham ou Liverpool et Lyon, Lille ou Marseille, je préfère les métropoles françaises...
En Allemagne la situation est bien meilleure car très équilibrée, chaque ville, même modeste, pouvant s'appuyer sur un tissu très efficace de PME industrielles locales. Cela dit on se retrouve quand même dans une situation très ironique: la capitale, Berlin, est pauvre ("arm aber sexy"), et les riches villes de l'Ouest (Munich et Hambourg) en ont marre de financer les pauvres régions de l'Est, et d'ailleurs ont arrêté de le faire. Ben oui, comme les Länder ont beaucoup d'autonomie, ils ont aussi l'autonomie de décider quand ils en ont assez d'aider leurs pauvres collègues de l'Est.
Le jacobinisme permet une peréquation stable dans la durée entre les régions riches et les plus pauvres. Regardez ce qu'il se passe en Belgique où les régions ont PLEIN d'autonomie: au bout d'un moment la Flandres refuse de soutenir plus longtemps la Wallonie. Paris a été utilisée comme une pompe à fric pour réalimenter la province en "structures d'assistanat" dans un premier temps, maintenant elle est utilisée comme une pompe à fric pour lancer les métropoles de province dans la cour des grands. La contribution de l'IDF au pot commun du budget de l'Etat est énorme, et l'IDF ne bénéficie pas du tout des retombées en proportion de sa contribution, elle est largement (mais largement...) perdante d'un point de vue financier. Ca ne me choque pas, c'est normal que l'IDF aide les autres régions. L'Etat en puisant dans les richesses franciliennes contribue à Euroméditerranée, Euralille, finance les lignes de TGV, certes centrées sur Paris, mais bien utile aussi aux villes de province (Lille-Londres-Bruxelles; Lyon-Milan, Lyon-Strasbourg, etc.), finance les universités et les labos qu'ils soient à Paris, Grenoble, Sophia-Antipolis ou Toulouse...
L'IDF est sûrement gagnante pour ce qui est de l'implantation des grands projets culturels et des grandes infrastructures sportives, mais c'est aussi le cas à Londres figurez-vous... La France ne va pas se tirer une balle dans le pied en flinguant sa ville mondiale alors qu'elle est le seul pays d'Europe avec le Royaume-Uni a disposer de cet atout. Une ville globale, c'est l'assurance d'avoir un aéroport au top avec un large choix de destinations (aéroport qui bénéficie toujours aux régions proches telles que Picardie, Champagne, Normandie, Nord); la possibilité d'attirer des emplois type finance, assurance, publicité, mode, qui exigent des mégapoles bien connectées (essayez de travailler dans la pub ou la finance en Allemagne, il y a moins de choix qu'en France), la capacité d'attirer des sièges sociaux et des centres de décision qui pourront implanter des centres de recherche et développement, des filiales, etc. plus facilement dans d'autres villes françaises par la suite, etc.
Tout ça pour dire que je souhaite comme tout le monde que la France fasse émerger de belles métropoles européennes attractives en-dehors de Paris, mais je ne suis pas sûr que la mise à mort brutale de la centralisation et l'autonomisation forcenée des régions soient le meilleur moyen. Au petit jeu de l'autonomie, les plus forts se renforcent (Flandres, Lombardie, Catalogne, Bavière), les plus faibles se débattent dans la difficulté (Wallonie, Sicile, Berlin) et les autres ne sont pas forcément avantagés... Personnellement, en tant que Francilien, je pense que l'IDF aurait tout (mais vraiment TOUT) à gagner à cette autonomisation puisqu'elle bénéficierait de marges de manoeuvre beaucoup plus importantes pour financer ses transports et ses logements, étant donné qu'elle récupérerait une partie de sa mise au pot, et qu'elle n'a plus vraiment besoin de l'Etat pour de grands projets (la région, le jour où elle aura un bon système de gouvernance, peut très bien s'occuper toute seule de la Défense, des futurs RERs, de Roissy, des musées et des piscines olympiques). Par contre des villes en plein essor comme Marseille ou Lille risquent de pâtir de cette mesure. Les délais du MUCEM agacent, je le comprends, mais c'est vraiment une petite partie de ce que l'Etat investit dans Marseille en comparaison de ce que Marseille contribue pour l'Etat. Idem pour Lille, Toulouse, Rennes, etc. Cracher dans la soupe de l'Etat n'est pas toujours du meilleur goût.
NB : merci de respecter les positions des uns et des autres et surtout d'argumenter sur des faits pour faire avancer ce débat. C'est l'un des sujets les plus polémiques qui soit concernant l'aménagement du territoire, et une guéguerre Paris/Province ne sera en aucun cas tolérée.
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L'on peut toujours dire que l'on se trompe, mais il faut rester objectif .
La CCI de Marseille a lancé un audit sur l'état de la métropole Phocéenne comparatif à celui de Barcelone au moment de la candidature au JO olympique de 1992 .
Autrefois médiocre, l'aéroport de Barcelone, c'est en 2006 ; 30 millions de passagers .
En France cela correspond aux 4 plus grands aéroports de Province : Nice + Lyon + Marseille + Toulouse.
Les rangs européens des grandes métropoles françaises ne sont pas formidables, et ne parlons pas des régions au budget ridicule .
Le système Jacobin a pris conscience à la fin des années 60, du désert de la Province et par l'intermédiaire de la DATAR a oeuvré pour combler le retard d'aménagement du territoire.
Malgré quelques succès, le résultat est mitigé si l'on compare objectivement à nos voisins européens .
Affirmer, mettre fin à la centralisation est un débat conceptuel, les lois Raffarin y ont déjà mis fin juridiquement .
Il ne reste plus qu'a expérimenter de nouveaux outils pour un développement régional plus efficace .
La création d'une nouvelle collectivité territoriale regroupant Super Région + Départements pourrait déjà être un moteur puissant de péréquation territoriale à l'intérieur des nouveaux espaces régionaux .
Pour assurer une péréquation nationale, l'Etat sera toujours l'acteur déterminant, certains préconisent pour cela de reformer le Sénat qui deviendrait une véritable chambre des régions ...
Il ne sert à rien d’idéaliser le passé « la France Jacobine » ou d’envisager le futur comme une revanche du passé « Les Girondins » mais de trouver, d’expérimenter, de nouveaux outils de gestion démocratique du territoire .
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L'aire urbaine de Barcelone a près de 5 millions d'habitants contre 6 pour Madrid. Par conséquent, la comparaison avec Marseille est peu appropriée.
PS: il est toujours intéressant de noter que les régions les plus éloignées de Paris sont très souvent dans des mouvances décentralisatrices alors qu'elles même profitent le plus de la centralisation de l'Etat (voir les médiocres résultats économiques/démographiques/sociaux/... des régions du grand bassin parisien).
Val de Loire, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Tours, Ville d'Art et d'Histoire.
Exact, l'aire urbaine de Barcelone est à peu près aussi grande que celles de Marseille, Lyon, Toulouse, et Nice réunies... Dans ces conditions, un aéroport qui accueille 30 millions de passager n'a rien d'extraordinaire. Si on veut se plaindre de nos villes au niveau européen, il faut au moins le faire avec des villes qui sont comparables; sinon pourquoi s'embeter avec Barcelone, comparons directement avec Londres.
Pff...
Phil a écrit:
Exact, l'aire urbaine de Barcelone est à peu près aussi grande que celles de Marseille, Lyon, Toulouse, et Nice réunies... Dans ces conditions, un aéroport qui accueille 30 millions de passager n'a rien d'extraordinaire. Si on veut se plaindre de nos villes au niveau européen, il faut au moins le faire avec des villes qui sont comparables; sinon pourquoi s'embeter avec Barcelone, comparons directement avec Londres.
Vous raisonnez avec le Barcelone actuel, mais quid de celui de 1980 ?
C'est la vision de la dynamique de Barcelone de 1970 à 2007 qui convient de prendre en compte.
Marseille a bien compris le modèle de développement de la Catalogne et l'analyse avec pertinence !
En 2050, l'on pourrait très bien avoir une Conurbation « Marseille Nice » d'envergure mondiale porté par une LGV Marseille Nice avec des "TER AVG" et un regain de notoriété issu des Jeux Olympiques à Marseille et en PACA ...
La péréquation est du domaine de la volonté politique, la prospective est du domaine du futur qui peut s'envisager sans être bloqué sur les constats d'analyses de données présentes .
Le débat de la LGV PACA est d'ailleurs révélateur des antagonismes de vision d'aménagement du territoire .
L'Etat centralisateur souhaiterait un ligne nouvelle favorisant le temps de parcours le plus court entre Nice et Paris (ligne dans l'arrière pays), la région PACA souhaiterait une ligne côtière pour mettre en réseau les villes de Provence et de Cote d'Azur .
Concernant l'autonomie des régions, même si je ne pense pas que ce soit possible, je serais réellement intéressé d'avoir des chiffres, n'étant pas convaincu du tout que l'IDF contribue tant que ça aux projets en France, mais je peux me tromper. Simplement, j'ai par exemple en tête le stade de France qui, me semble-t-il, a été financé avec l'argent de tous les français, comme bien d'autres projets encore situés à Paris.
J'ai aussi en tête cet article paru il a un mois ou deux, dans Le Monde, montrant que les 3 ou 4 opéras parisiens mobilisaient 90% des subventions allouées par le ministère de la Culture, les 10% restant allant aux 21 autres opéras restant en France...
Pour ma part, je ne souhaite pas que l'on "tue" Paris, mais que l'on reéquilibre les subventions et l'ensemble des aides en les portant à une juste mesure.
Par exemple, je ne reproche pas à Paris de pouvoir à la fois compter sur le Louvre, le Centre Pompidou, le musée du Quai Branly etc., mais bien de concentrer tous ces musées ; c'est-à-dire que malgré la présence de tous ces organismes, on trouve encore le moyen de créer des musées nationaux à Paris, sans se demander si ça pourrait pas être une bonne idée, pour une fois, d'en construire un dans une autre grande ville de France.
Parce que ce qui est valable pour les opéras, je ne doute pas que ce soit valable aussi pour les musées, et pour beaucoup d'autres choses encore...
Mais en même temps, je pars d'un autre postulat que Thomas :
- lui pense que l'IDF, avec 30% des richesses générées, gagnerait à être autonome puisqu'il estime que l'IDF, globalement, donne plus qu'elle ne gagne.
- je pense que l'IDF, avec 30% des richesses, mobilise bien de plus de 30% des subventions et autres aides, projets etc. (elle y perdrait donc à être autonome, quelque part ; imaginez que les opéras parisiens ne reçoivent plus que 20% des subventions au lieu des 90% actuels, les autres opéras en France pourraient bien plus rayonner ; et même sans parler de 20%, si on reéquilibrait à 40% des subventions, ça me paraîtrait plus juste)
D'où mon intérêt, si certains ont des chiffres à l'appui.
PS : j'ai pris l'exemple de la culture, mais j'aurais pu trouver des exemples dans d'autres domaines.
@ Diagonal
Même en 1980, la ville de Barcelone (ville au sens de commune) était plus peuplée que l'aire urbaine de Marseille ...d'aujourd'hui
De plus et comme écrit un peu plus haut Barcelone est un véritable contre-poids démographique face à Madrid même dans les années 80.
Quand à sa réussite durant les années 80/90, un petit merci au super-état centralisateur qu'est l'UE.
Val de Loire, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Tours, Ville d'Art et d'Histoire.
Si la France n'a pas de grande ville de la taille de Barcelone ou Milan en dehors de Paris, ce n'est pas dû à la centralisation du pays, c'est avant tout dû à la taille de la population française qui n'est que de 64 millions d'habitants. Si la natalité française ne s'était pas effondrée au 19è siècle, si nous avions eu une croissance démographique comme l'Angleterre, la France aurait eu 115 millions d'habitants en 1914 (contre Empire allemand 66 millions), et 180 millions aujourd'hui. Vous voyez tout de suite les conséquences : la France n'aurait pas perdu l'Alsace-Lorraine en 1871, il n'y aurait jamais eu de 1ère guerre mondiale et donc de 2ème non plus, et à côté de Paris des villes comme Lyon, Nantes ou Marseille auraient la taille de Milan, Barcelone ou Hambourg. Mais bon, on ne refait pas l'histoire.
Concernant la taille et la hiérarchie des agglomérations il y a une équation dite "loi de la métropolisation" qui veut que pop. métropolitaine = 6,55 * pop. urbaine exp. 0,815. Etant donné la population urbaine de la France, l'équation prédit que la population métropolitaine française est de 9,8 millions d'habitants, ce qui est quasi-exactement la population de l'agglomération parisienne. Dans certains pays la population métropolitaine est diviséee entre plusieurs métropoles de tête (ex. en Espagne : une population métropolitaine de 9 millions divisée entre Madrid et Barcelone). Donc en France, étant donné ce qu'est notre population urbaine on ne peut avoir que Paris et des villes beaucoup plus petites, ou bien deux métropoles de 5 millions d'habitants, ou trois de 3,3 millions, mais on ne peut pas avoir Paris et des métropoles de la taille de Barcelone ou Milan. Si on était 180 millions, et à supposer que 80% de la population soit urbaine, cela donnerait une population métropolitaine de 30 millions, et là on pourrait avoir trois Paris, ou un Paris et 5 Barcelone.
C'est intéressant cette loi de métropolisation Suomipseudo. Elle marche évidemment bien pour le Royaume-Uni. Dans le cas de l'Italie il faut partager 9,8 millions d'habitants entre Milan (4,1), Rome (3,5) et Naples (3,4). Ca marche vraiment pas mal!
@Staja: tout le monde ici est vraiment trop focalisé sur le culture, et même plus précisément sur les institutions culturelles. Le budget du ministère de la culture est minuscule par rapport au budget global (1%). Dans ce budget, une grosse partie des dépenses cest onsacrée à l'audiovisuel, l'éducation, les FRAC, la presse, le cinéma, etc. Les forumeurs se focalisent sur de grosses machines emblématiques (Louvre, Beaubourg, Opéra) qui certes absorbent beaucoup d'argent, mais ne représentent pas grand chose à l'échelle des transferts financiers IDF-province. Par ailleurs il ne me paraît pas anormal que les grands musées nationaux se situent dans la capitale, d'autant plus que leur histoire est fortement liée à celle de Paris: le Louvre en tant que musée à plus de 200 ans, l'impressionisme et l'art moderne sont nés à Paris qui méritent bien deux musées s'y consacrant, Cluny et le conservatoire des arts et métiers font partie intégrante de l'histoire médiévale et XVIIIème de la capitale, etc. Etes-vous choqués par le fait que tous les grands musées espagnols (Prado, Reina Sofia, Thyssen) soient à Madrid? Barcelone récupère des miettes, il faut quand même l'admettre. A Londres la concentration de grands musées aux dépens de la province est encore plus frappante. Par ailleurs le Louvre-Lens et Pompidou-Metz devraient répondre aux attentes des régions, sans compter de nombreux dépôts (les Abattoirs à Toulouse par exemple).
suomipsseudo : ta démonstration qui introduit un autre facteur que la centralisation, montre au contraire que la centralisation n'a pas permis l'émergence de ville provinciale de grande taille européenne justement car dans un monde fini, toute centralisation à succès empêche une configuration multipolaire.
Le facteur métropolisation comme stock fini de population urbaine s'apparente plus ici à une connaissance théorique de manuel de géo citée pour être citée qu'à une argument dans démonstration convaincante.
On ne doute pas que cette loi mathématique existe, mais son utilisation comme un cheveu sur la soupe dans ton raisonnement ne colle pas.
En effet, l'argument qui arrive immédiatement en lisant ta première phrase, c'est
- l'Italie : pas besoin de 180 M d'habitants pour avoir Milan, Rome et Naples, + Turin, Gênes, etc.
- l'Espagne : 40 M d'habitants et... Madrid, Barcelone, Valence, Séville, Bilbao, etc.
- l'Allemagne : Berlin, Rhur, Hambourg, Münich, Stuttgart, Cologne, etc.
Pourquoi faudrait-il que la France atteigne 120 ou 180 M d'habitants pour disposer de grandes villes européennes... alors que les autres pays y arrivent avec 2,5 à 4 fois mois d'habitants ? Le phénomène centripète vers Paris.
La loi mathématique en question souligne au contraire que dans un monde au stock fini, les rapports de force organisationnels sont plus que jamais l'explication d'une distribution statistique : ici démographique.
Ce qui explique que nous ayons justement une ville à 10 M et non 3 villes à 3,3 par exemple. Le scénario distributif est donc expliqué.
Conclusion : la loi de la métropolisation définit et quantifie une masse démographique nationale et donne une palette de possibles statistiques.
Mais en France, c'est l'option la plus déséquilibrée de cette loi qui a été le scénario. C'est le phénomène historique de centralisation qui l'explique.
A mon avis, la statégie suivie actuellement pour tenter de conserver à Paris sa place dans la hiérarchie des grandes métropoles mondiales n'est pas la meilleure. Elle consiste surtout à concentrer l'ensemble des institutions de prestige sur un territoire limité et s'apparente surtout à une politique de façade. Je m'explique : dans les années 80, on disait à propos de l'URSS que le seul secteur en compétitition de son économie était le secteur de la défense car il était évidemment en concurrence frontale avec le complexe militaro-industriel américain. Cette situation avait entraîné ses dirigeants de l'époque à investir des sommes sans cesse croissantes dans ce domaine au détriment de l'économie réelle et cela avait conduit la Russie à un épuisement progressif de son économie.
On est un peu dans une situation comparable avec Paris aujourd'hui. La part de la France dans le PNB mondial a tendance à décliner et on se demande donc comment conserver une ville dans le trio de tête des capitales mondiales, la réponse la plus évidente étant qu'il faut concenter les moyens sur elle. Cela explique sans doute le déséquilibre inégalé des investissements culturels consentis entre Paris et la province depuis les années 70, les projets de Sarkozy sur le Grand Paris, etc. Or, à mon avis, comme l'illustre l'exemple de l'URSS, cela a de grandes chances d'être un échec, tout simplement parce qu'une capitale ne peut être grande que si le pays qui l'abrite l'est aussi. La politique de concentration des lieux de prestige sur un seul territoire (présence des sièges sociaux, des établissements d'enseignement supérieur, des institutions culturelles) conduit à un épuisement relatif du reste du pays (heureusement compensé partiellement par les politiques de décentralisation) et est en plus inefficace.
La loi des rendements décroissants s'applique aussi aux institutions et il est évident que l'ouverture d'un énième musée parisien a une influence infinitésimale sur l'attracivité de l'aire parisienne alors qu'il constituerait un élément très important pour une grande métropole de Province en terme d'attractivité (touristique, économique). C'est également le cas pour la présence d'un siège social de grande entreprise, etc. La présence à Marseille du siège social d'une entreprise comme la CMA CGM par exemple est génératrice de confiance et d'énergie pour toute l'agglomération alors qu'à Paris elle serait passée inaperçue. C'est pour toutes ces raisons qu'à mon avis il est grand temps qu'un certain rééquilibrage des investissements de prestige se fasse au profit de la province car si l'ensemble du territoire français qui devient plus créatif et plus fort, c'est Paris qui en bénéficiera aussi.
The trouble with the world is that the stupid are cocksure and the intelligent are full of doubt.
Bertrand Russell
Je suis assez d'accord avec urbanoids.
@Thomas :
J'avais pris la peine de le préciser dans un PS mais c'est passé inaperçu : j'ai pris l'exemple de la culture, mais il me paraît évident que mes quelques exemples doivent trouver leur équivalent dans beaucoup d'autres domaines.
Et concernant les musées parisiens, il ne s'agit pas de remettre en cause les musées existants depuis 200 ans comme le Louvre, mais de s'interroger lorsqu'il est décidé de construire Beaubourg à Paris, le musée du Quai Branly etc...
Je suis étonné de certaines réponses, concernant la culture, il faut aussi qu'il y ait une volonté des locaux de la développer. Tout rejeter sur le centralisme est à mon avis un peu trop facile.
Un contre-exemple qui n'est certainement pas représentatif mais bon:
Ici à Tours, nous n'avons pas de tram (ou plutot pas encore), pas de grande équipe de foot ou de grand zénith, par contre au niveau culturel c'est assez sympa (ce fut d'ailleurs un critère important lorsque j'ai choisi de m'installer ici), on a entre autres:
- un grand théatre de bonne facture
- un musée des beaux arts (des tonnes de très bonnes peintures allant de Rembrandt à Delacroix,...)
- un centre de création contemporaine des plus novateurs
- un musée du compagnonnage très surprenant
- un musée sur l'archéologie de bonne facture (Hotel Gouin)
- un nouvel olympia
- ...
Bref tout ça pour dire que même si ces musées ne sont pas mondialement connus, ce qui est normal vu la taille de la ville, la volonté ici est de promouvoir la culture et cela à tous les niveaux (ville, agglo, département, région,...), par conséquent au lieu d'aller chercher le méchant responsable qu'est la centralisation, peut-être faudrait-il voir au plus près les responabilités.
Concernant les autres domaines, je pense que cela revient au même, s'il n'y a pas de volonté ou d'une bonne méthodologie menant au développement, les résultats seront méiocres.
Val de Loire, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Tours, Ville d'Art et d'Histoire.
@Staja: mais justement mis à part la culture je ne crois vraiment pas que l'IDF bénéficie d'un traitement de faveur. Si tu prends les dépenses sociales (qui constituent une part énorme des transferts financiers entre région), elles ne sont pas uniquement des dépenses d'assistanat comme l'affirmait Pastis je crois, mais représente un facteur très important pour la cohésion, l'équilibre et la sérénité d'un territoire. Quand on voit l'état de certaines banlieues parisiennes qui n'ont ni transport public digne de ce nom, ni commissariat, ni antennes universitaires, etc, on se dit que l'IDF aurait grandement besoin d'un coup de pouce dans le domaine social. Certains départements de banlieue parisienne sont plus peuplés que beaucoup de grandes villes de province et n'ont aucun transport public en-dehors de radiales RER vers Paris par exemple. Depuis les années RER il n'y a eu aucune politique globale de transport en IDF alors que la population s'est accrue de quelques millions entre temps. Pendant ce temps, les trams et les métros fleurissaient en province.
C'est aussi probablement la faute de l'IDF qui n'a pas su mettre en place un mode de gouvernance efficace pour allouer ses recettes aux territoires qui en ont le plus besoin. C'est clair. Mais l'idée comme quoi Paris pille la province par l'intermédiaire de l'Etat est un mythe.
A lire: http://www.amazon.fr/Paris-histoire-dun … 2020128640
Sur Beaubourg: tu aurais voulu le construire où? Sais-tu que Paris est le berceau de l'art moderne, et a été le point de ralliement de presque tous les artistes entre 1870 et 1939? Une très grande partie des oeuvres de Beaubourg ont été créés à Paris, voire transposées directement des appartements/ateliers parisiens sur les cimaises de Beaubourg (l'atelier de Brancusi, l'appartement de Breton par exemple).
Sur Beaubourg: tu aurais voulu le construire où? Sais-tu que Paris est le berceau de l'art moderne, et a été le point de ralliement de presque tous les artistes entre 1870 et 1939? Une très grande partie des oeuvres de Beaubourg ont été créés à Paris, voire transposées directement des appartements/ateliers parisiens sur les cimaises de Beaubourg (l'atelier de Brancusi, l'appartement de Breton par exemple).
Je ne sais pas si c'est très habile d'invoquer le lieu de création des oeuvres pour justifier de leur présence dans un musée. Dans ce cas, il est clair que le musée du quai Branly et le musée Guimet devraient fermer immédiatement leurs portes. D'autre part, je ne crois pas qu'il existe de musée Cézanne à Aix-en-Provence, ni de musée Gauguin à Pont-Aven ou en Polynésie. Je pense que ce que tu fais est de produire une idéologie, c'est-à-dire déguiser une inégalité manifeste sous un discours apparemment rationnel et moral. Mais bon, je pense que cela est assez symptomatique du fossé qui se creuse entre la province et Paris dont les habitants (ni les dirigeants) n'ont manifestement pas trop conscience.
The trouble with the world is that the stupid are cocksure and the intelligent are full of doubt.
Bertrand Russell
urbanoids a écrit:
A mon avis, la statégie suivie actuellement pour tenter de conserver à Paris sa place dans la hiérarchie des grandes métropoles mondiales n'est pas la meilleure. Elle consiste surtout à concentrer l'ensemble des institutions de prestige sur un territoire limité et s'apparente surtout à une politique de façade /...
C'est pour toutes ces raisons qu'à mon avis il est grand temps qu'un certain rééquilibrage des investissements de prestige se fasse au profit de la province car si l'ensemble du territoire français qui devient plus créatif et plus fort, c'est Paris qui en bénéficiera aussi.
D'accord avec cette analyse et avec celle de Philippe .
La France n'a pas toujours les moyens de ses ambitions et c'est la France d'en bas qui paie les pots cassés .
Imaginons, une politique d'aménagement du territoire qui aurait conduit l'île de France à avoir seulement 8 millions d'habitants, les 3 millions d'habitants supplémentaires ayant été canalisés à la « métropolisation » des grandes agglomérations de l'hexagone .
Sur le plan mondial l'influence de Paris n'aurait pas changé (excepté quelques statistiques non signifiantes), sur le plan européen les métropoles régionales auraient un poids plus significatif indispensable au rayonnement de la France .
Pour Paris, l'avenir est dans une progression qualitative et non quantitative, l'OIN centrée sur le plateau de Saclay et Orsay est plus pertinente que la croissance démographique record des dernières décennies .
Il est normal que les grosses cylindrées muséales soient à Paris au regard de l'histoire et de la centralisation. En revanche, les musées de province ont été dotés grâce à un geste parisien. Nombre de grands musées des beaux-arts sont nés grâce à l'envoi d'oeuvres confisquées et envoyées de manière assez égale aux régions : d'où Tours , Augustins de Toulouse, Fabre à Montpellier, Rouen, etc.
Ensuite, le phénomène se calque sur Paris, avec une partie des collections en fonction des artistes présents dans un coin : Rivalz ou Gamelin à Toulouse, Fabre ou Bazille à Montpellier, les impressionnistes à Rouen... les exemples sont légions, même dans les villages (ex : Courbet à Ornan, Bonnard au Cannet). Ce phénomène de présence géographique est parfaitement illustré dans les Alpes Maritimes, avec la concentration exceptionnelle de Musées, de Villas artistiques et Fondation, ses lieux incontournables (Saint-Paul de Vence, Le Cannet)... mais effectivement rien, n'est systématique.
Concernant Madrid-Barcelone. J'ai aussi longtemps cru qu'avec le Thyssen-Bornemiza, la Reina Sofia et le Prado, Barcelone ne faisait pas le poids. En réalité, après des investigations cet automne, Barcelone se défend pas mal :
Pour 2006 :
MADRID :
Prado : > 2 150 000
Reina Sofia : 1 400 000
Thyssen : 730 000
BARCELONE :
Museu Picasso : 1 225 000
Museu Nacional de Arte de Catalunya : 1 150 000
Fudacion Miro : près de 600 000
MACBA : 460 000
A titre de comparaison, le Guggenheim de Bilbao est à 1 million. Donc deux musées millionnaires à Barcelone, c'est considérable, sans être capitale d'Espagne.
C'était le moment "partage de stats" .
Analyse objective de Philippe. On pourrait rajouter les peintures allemandes de Colmar, que le Louvre jalouse à raison (notamment le Grünewald), les Goyas de Castres (encore jalousés par le Louvre), les impressionistes du Havre, les flamands à Dijon, les Zurbaran de Grenoble, le Vélasquez de Rouen (là le Louvre fait une crise cardiaque puisqu'il n'en a même pas un). A entendre certains on croirait que les musées de province sont vides! Les collections des musées (Beaux-Arts et moderne/contemporain) de Lille, Lyon, Grenoble, Rouen feraient envie à Milan, Barcelone et Hambourg (sans même parler de Manchester), croyez-moi.
D'ailleurs quelqu'un est allé visiter ou peut me citer un musée célèbre, avec de riches collections, dans l'une de ces villes européennes?
Ce qu'il manque peut-être c'est une bonne médiatisation et des projets architecturaux un peu décoiffants pour valoriser ces musées.
suomipsseudo a écrit:
Concernant la taille et la hiérarchie des agglomérations il y a une équation dite "loi de la métropolisation" qui veut que pop. métropolitaine = 6,55 * pop. urbaine exp. 0,815.
Je dois être fâché avec les math, mais je ne comprends rien à cette équation.
Philippe a écrit:
Il est normal que les grosses cylindrée muséales soient à Paris au regard de l'histoire et de la centralisation. En revanche, les musées provinces ont été doté grâce à un geste parisien. Nombre de grands musées des beaux-arts sont nés grâce à l'envoi d'oeuvres confisquées et envoyées de manière assez égale aux régions : d'où Tours
, Augustins de Toulouse, Fabre à Montpellier, Rouen, etc.
Pour les autres villes, je ne me pronocerais pas en méconnaissance de cause. Pour Tours, les oeuvres confisquées pendant la révolution étaient des oeuvres locales (détennues par les seigneurs des environs) et non des oeuvres envoyées de Paris. Par la suite, il y a eu effictevement quelques dons de l'Etat français, mais cela est tout à fait normal, c'est son role de régulateur. Pour le reste, la plupart vient d'acquisition de la ville (peintures primitives italiennes ce qui fait la renommée du musée, oeuvres du VIIIème siècle,...).
Val de Loire, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Tours, Ville d'Art et d'Histoire.
Je pense plutôt qu'il manque aux grandes métropoles provinciales des musées dotés d'une taille critique. Il y a beaucoup de musées en régions mais ils sont moyens. Le musée Fabre à Montpellier par exemple peut faire illusion en raison de la présence de grands artistes (comme Delacroix) et son réaménagement a été de qualité. Malheureusement très peu de tableaux (sans vouloir être déplaisant pour les montpelliérains) valent vraiment le déplacement. En fait, comme souvent en France, il y a un saupoudrage des moyens qui empêche que des projets atteignent une réelle visibilité nationale et internationale. C'est là où à mon avis une politique nationale de création de cinq ou six grands musées répartis sur tout le territoire devrait aujourd'hui prendre le relais de la politique de grands travaux qui a été menée à Paris depuis les années 70. Ces musées, pour un coût somme toute raisonnable (si on compte 150 millions d'euros par musée en cofinancement Etat/collectivités locales) d'un milliard d'euros à répartir sur plusieurs années seraient un élément essentiel de métropolisation des capitales régionales (voir l'effet Bilbao)
The trouble with the world is that the stupid are cocksure and the intelligent are full of doubt.
Bertrand Russell
Philippe a écrit:
Concernant Madrid-Barcelone. J'ai aussi longtemps cru qu'avec le Thyssen-Bornemiza, la Reina Sofia et le Prado, Barcelone ne faisait pas le poids.
Cette phrase est bizarre : on pourrait comprendre que ces musées sont à Barcelone.
D'autre part, que représentent les chiffres des musées : le nombre d'entrées ?
Je suis d'accord sur le saupoudrage. J'aurais préféré par exemple que le Louvre-Lens se situe à Lille et Pompidou-Metz à Strasbourg pour renforcer la dynamique culturelle de ces deux grandes villes (sans vouloir offenser Lensois et Messins). Le "problème" c'est qu'en France on a 7-8 grandes villes de province au lieu d'avoir 2-3 métropoles européennes en complément de Paris. Je ne sais pas si c'est un vrai "problème", ça l'est peut-être pour certains habitants de certaines villes, à mon humble avis c'est simplement une armature et une hiérarchie urbaine différente de l'armature allemande (très fédéralisée), elle-même différente de l'espagnole (duopôle en voie de déséquilibrage vers Madrid), de l'anglaise (forte centralisation en pratique aux dépens de régions à la dérive).
Vaut-il mieux assurer le développement équilibré de 7-8 villes importantes? Mettre le paquet sur 3-4 grandes villes (Lille, Lyon, Marseille, Toulouse en gros) en espérant qu'au moins 2 acquièrent une vraie stature européenne, quitte à sacrifier les villes un rang en-dessous? Donner leur autonomie aux régions et les laisser se drébrouiller toutes seules dans la compétition (libéralisme social appliqué aux collectivités locales)?
Je n'ai pas de réponses toute faites.
Sur Madrid-Barcelone: merci pour les stats, Barcelone se défend pas mal effectivement. Cela dit, les gens vont à Barcelone pour voir le musée Picasso, ou les gens vont à Barcelone de toutes façons (ville très touristique) et finissent par visiter les quelques musées importants qui s'y trouvent, parce qu'il faut bien faire des musées? Très franchement les collections du Prado, de la Reina Sofia et du Thyssen n'ont pas d'égal en-dehors de Madrid. Les musées madrilènes valent le voyage. Pas ceux de Barcelone.
Fred75 a écrit:
Philippe a écrit:
Concernant Madrid-Barcelone. J'ai aussi longtemps cru qu'avec le Thyssen-Bornemiza, la Reina Sofia et le Prado, Barcelone ne faisait pas le poids.
Cette phrase est bizarre : on pourrait comprendre que ces musées sont à Barcelone.
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D'autre part, que représentent les chiffres des musées : le nombre d'entrées ?
Fred, tu ne comprends peut-être "rien au maths", mais au moins tu notes les erreurs de sens les plus élémentaires et je te remercie !
Je voulais écrire : "Concernant Madrid-Barcelone. J'ai aussi longtemps cru qu'avec le Thyssen-Bornemiza, la Reina Sofia et le Prado à Madrid, Barcelone ne faisait pas le poids."
Si je peux me permettre il me semble qu'il y a beaucoup de confusion sur ce qu'on appelle "décentralisation" et sur les moteurs d'une dynamique territoriale et économique.
Premièrement : la population, même s'il existe des "seuils critiques" ne peut servir de "repère premier" pour évaluer la dynamique économique ou le potentiel de développement d'une métropole.
Ainsi lorsque l'on veut comparer le Barcelone de 1980 et le Marseille d'aujourd'hui, comme l'a fait de manière très pertinente la CCI de Marseille, ce n'est pas la population qui doit servir de référentiel primordial. Certes, les 2,5 millions d'habitants de la métropole barcelonaise de 1980 (de mémoire dont 1,7 millions pour la "commune") représentent presque le double des 1,5 de la métropole marseillaise actuelle.
Mais étant donné que l'on se situe dans une fourchette allant de 1,5 à 3 millions d'habitants, ce sont surtout le poids des emplois métropolitains supérieurs, la qualité et la quantité des infrastructures de transport, le nombre de sièges sociaux, le marché immobilier, le taux d'emploi et de chômage, le dynamisme démographique (j'en oubli) qui doivent être pris en compte de manière prioritaire. Or sur ces critères, l'audit commandé par la CCI de Marseille (dont je regrette de ne pas retrouver les références pour que vous puissiez le constater par vous même) montre que Marseille se trouve aujourd'hui dans une situation à peu près équivalente à la situation qui était celle de Barcelone en 1980.
La différence essentielle et peut-être décisive me direz-vous étant que l'on se trouve dans un cas dans le cadre d'un État fortement décentralisé et dans l'autre dans celui d'un État jacobin.
Deuxièmement : la décentralisation justement. Il ne faut pas confondre déconcentration et décentralisation, décentralisation et fédéralisme, décentralisation et autonomie, décentralisation et (non)péréquation.
La décentralisation, si on en reste à sa définition stricte, géographique et économique, est un processus centrifuge par lequel un centre abandonne une part de ses fonctions centrales. Ce qui se traduit de manière spatiale, économique et concrète par un transfert conjoint de pouvoirs et de responsabilités à des instances de gestion territoriale (région, départements, communes etc. pour le cas de la France) ainsi que par le transfert d'activités (usines, bureaux, sièges soiaux etc.) vers la périphérie. L'objectif de ce mouvement est de désencombrer le centre et de renforcer son pouvoir de commandement tout en permettant un développement plus "réactif" des périphéries.
Au regard de cette définition on constate que la décentralisation n'implique pas du tout la fin de la péréquation, au contraire, elle aurait plutôt tendance à la renforcer pour peu que le pouvoir central utilise son pouvoir de commandement renforcé en ce sens. Mais en France du fait d'une tradition jacobine fortement ancrée dans les mentalités et particulièrement celle des élites, qui en sont le produit, on a tendance à penser au contraire que tout processus de décentralisation implique nécessairement un affaiblissement du centre et moins de solidarité entre les collectivités territoriales (notamment les régions). Dans les pays fédéralistes le problème qui se pose est le même, la question essentielle étant là de savoir où l'on met le curseur entre le pouvoir fédéral est celui des États/Régions/Länder.
Le problème français vient du fait que l'État, qui a du mal à se départir d'une conception jacobine, s'est en partie servi de la décentralisation pour effectivement se "désencombrer", mais tout en ayant peur d'affaiblir Paris dans la compétition des métropoles mondiales et sans pour autant mettre en place les réformes de fond qui allaient avec le processus de décentralisation pour permettre le développement plus réactif des périphéries : suppression des départements, mise en avant de l'intercommunalité... On a à chaque étape fait un pas dans cette direction mais en restant au milieu du guet et sans supprimer les doublons créés.
Le résultat est qu'on se retrouve aujourd'hui avec assez peu des avantages du système jacobin (que l'on a en partie commencé à déconstruire) et du système décentralisé (qui est inachevé). En revanche on se retrouve avec les inconvénients persistants du système jacobin (lourdeur de la gestion administrative, vision "parisiano-centrée" de la gestion de l'État et du territoire, trop faible développement des métropoles de province etc.) mais aussi ceux d'un système décentralisé mal construit, inachevé (déperdition des moyens, lourdeur de gestion, écarts qui ont plutôt tendance à se creuser entre les régions...).
En fait le modèle français est encore à choisir. Notre tradition est indéniablement jacobine et pas fédérale. Nous avons donc le choix entre un jacobinisme rénové, adapté aux exigences actuelles, ou alors une décentralisation plus achevée, qui soit plus fidèle à sa définition théorique mais qui ne soit pas un décalque de l'organisation de pays de tradition "fédérale" comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne.
Et comme on ne choisi pas c'est certains qu'on a du mal à se mettre d'accord. Dans la perspective d'un jacobinisme rénové, je trouve que Thomas est très convaincant. Mais dans l'optique d'un État réellement décentralisé, les arguments de Diagonal font mouche.
Mais quoiqu'il en soit il faut choisir car dans le cas contraire c'est de toute manière et Paris et les métropoles de Province qui sont perdants. Paris qui prend du retard sur Londres et les métropoles de Province qui n'arrivent pas à rivaliser avec leurs homologues européennes. Et sur ce constat, je crois malheureusement que l'on est une grande majorité à se retrouver ici.
Qui pense peu se trompe beaucoup
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