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Qu'est-ce que selon vous un campus ?

 
#26
24-03-2008 21:14
Philippe
Tour First
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En fait, la vraie différence entre le campus "à l'américaine" (type 2) et le campus à la française, type 1, ne serait-ce pas la différence entre créer un espace de vie, un espace social total créant une experience formatrice de la totalité de l'individu, s'opposant à une conception de l'université uniquement comme lieu de transmission de savoir ?

L'Université comme lieu officiellement dévolu à la transmission de savoir tient effectivement "lieu" de campus de type 1 selon moi. La restriction de sa vocation à une mission unique et non à un spectre de missions, même connexes les unes autres, démontre la difficulté même de sa mission : comment former "intellectuellement" de manière optimale de futurs "citoyens" quand le lieu même n'est qu'un "site" a minima tant par ses structures physiques que dans ses fonctions de sociabilité (cours, associations, BDE, voyages d'intégration, galas, conférences, local à projet, vrai bureau des stages) ? Cette mission originelle peut éventuellement expliquer la difficulté de transformation de nos "campus" en véritable "campus" de type 2. Le statut de nos universités, très dépendantes de l'Etat et donc sans réelle autonomie, ne les poussent pas au besoin de diversification. Il manque cet élan vital que je sous-entendais en évoquant "cette attitude d’offre de la part de la structure institutionnelle visant a améliorer sensiblement la qualité de vie des étudiants" que l'on pourrait résumer par "volontarisme institutionnel".

Pour quitter le champ français afin de revenir à la question américaine, je ne prendrai que l'exemple de la Californie du Nord (agglomération de San Francisco) qui me semble, à maints égards, constituer un cas d'école. Il m'a semblé que le degré de "campus-ité" y était homologue à la hiérarchie des statuts des institutions universitaires elles-mêmes.
1) la San Francisco State University et autres State Universities, sont des universités publiques d'Etat, gérées comme telles par l'Etat de Californie (et non l'Etat fédéral ?). Leur degré de prestige, donc leur renommée et leur capacité de levée des fonds sont proches de l'epsilon.
2) à l'opposé, l'Université de Standford est celle dont le niveau de campusisation est optimale, son autonomie étant optimale et son degré de liberté total. Son budget est énorme et ses capacités de levée de fond et d'attraction des étudiants sont très importantes, certainements les plus puissantes pour une université, et ce sur toute la moitié ouest des Etats-Unis. La multiplicité de ses cursus est totale.
3) Et Berkeley alors ? n'est-ce pas l'exemple d'un campus d'une université publique qui a réussi ? Oui et non. Berkeley fait partie d'un réseau d'universités publiques que l'on appelle University of California qui possède des antennes dans plusieurs villes de l'Etat de Californie à Irvine, à Davis, à Los Angeles (la fameuse U.C.L.A.), à Berkeley... son campus est aussi le plus renommé des ceux des universités de ce réseau, et l'un des plus - mais peut-être pas LE plus - étoffé (avec U.C.L.A). Ce même réseau dispose d'un statut semi-privé qui l'autorise une grande liberté dans le recrutement et la politique de gestion de ses domaines. Mais à la comparaison, Berkeley, la tête de pont de système semi-public, son symbole le plus réussi, soufre souvent de la comparaison avec Standford. Certes, elle possède ses prix Nobels, ses alumni célèbres, etc, mais sa renommée est déséquilibrée et ne concerne que certains départements, notamment ceux de Science Humaines telles que les études ethniques, la sociologie des nouvelles catégories et dont les études de genres sont un symbole, (Cf. les événements de 68 aux USA) quand Standford parvient à proposer des univers d'excellence dans de nombreux domaines (économie, mathématiques, MBA & finance, Ethnic Studies, sciences). Son budget est plus important et surtout, l'appartenance à cette dernière représente une source de légitimité souvent supérieure à celle de Berkeley, que nous connaissons pourtant très bien en Europe. Pour les Américains eux-mêmes, l'importance de la renommée internationale de cet établissement va au-delà de ce qu'elle peut représenter en Amérique, même si elle demeure une université de référence au niveau national... mais pas à ce point.
Cette différence entre statut se lit jusque dans l'organisation et la vie du campus lui-même. Berkeley ressemble à un belle université, avec de gros bâtiments datant d'époques différentes, restaurés avec goût et charme, avec des étudiants un peu partout, etc. Standford prend, quant à elle, davantage l'apparence d'un gigatesque ranch pour groupement de milliardaires que d'une université. Ses locaux sont partout flambant neufs et les pavillons, souvent de plusieurs milliers de m² par bloc disciplinaires, prennent le nom de prestigieux donateurs (Microsoft, etc). Les étudiants quant à eux ne souffrent pas de cet isolement loin de la ville (il nous a fallu au moins une heure pour rallier Stanford depuis San Francisco en transports en commun...), au contraire, cette mise à l'écart géographique (volontaire ou pas ?) a plutôt permis de reconstituer un véritable campus de Babel où les étudiants américains, russes, indiens ou chinois ont pu se croiser et entrecroiser leur connaissance pour créer les Yahoo ou les Google. Mais se sont les meilleurs. Cette diversité n'a de sens qu'en personnes capables de féconder les esprits des autres. Et on sent très bien qu'au delà de l'étalement de Standford, ce n'est pas un lieu comme un autre. Il existe comme un mythe bien senti et bien partagé que renforce la présence des alumni les plus médiatisés dans la zone de Palo Alto. Campus et entreprises sont unis dans une démarche d'excellence commune, à l'opposée de la réalité française [rappel : Il ne s'agit pas ici de faire l'apologie politique de l'université privée].
Mais cette proportionnalité campusisation-autonomie n'est pas une simple homologie selon moi, mais une véritable corrélation.

Pour en revenir aux propos de Linca, et notamment à son 2nd paragraphe, je ne sais pas si en France, une logique de diversité peut-être synonyme d'excellence lorsqu'elle a pour point de départ une justification fondamentalement sociale [ex : ZEP à Sciences-Po]. Cette question n'est pas HS, mais elle est au coeur même de la réflexion sur la relation entre campus et attraction des talents. L'université sans campus laisse se croiser souvent sans se rencontrer les trajectoires les plus opposées. Est-ce que le campus de type français est à même de créer une émulation ? J'ai difficulté à le croire.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la Cité Descartes que je ne connassais pas sous ce nom. Mais après renseignement, je me suis rendu compte avoir déjà mis les pieds plusieurs fois (!), plus précisément à l'ESIEE pour un congrès en 2000 et à l'Ecole Nationale du Trésor Public et même dormi (au Formule 1 !). Du point de vue du vécu, cela était clairement un campus à la française, à savoir une juxtaposition d'écoles hétéroclites qui n'ont pas donné l'impression d'entrer en raisonnance les unes avec les autres. Je sais qu'un ami camarade à l'ENTP semblait vivre uniquement entre son logement de type HLM pour étudiant à Noisiel (?) et son école. Aucun contact avec les autres élèves... et pourtant, la Cité est bien pourvue. Cette Cité donne l'image d'un train avec des compartiments sans soufflets et sans passerelles. Mon avis est bien évidemment extérieur et souffre d'une fréquentation par définition ponctuelle...
Il me semble malheureusement qu'un campus plus homogène - je précise en France - en terme d'écoles pourrait créer plus de symbiose. L'existence de territoires disciplinaires proches peut amener les étudiants à plus de relations entre eux.
Si le projet d' "accolement" interdiscipliaire veut réussir, ce n'est pas en juxtaposant, mais en créant une "contrainte de cursus" qui appelle à une fréquentation plus pluridiscipliaire. Si ARTEM (Art-Technologie-Management) peut réussir à Nancy, ce sera surtout parce que les 3 écoles en question (ICN commerce, l'école d'ingénieur et l'Ecole des Beaux-Arts) ont eu idée de mettre en commun une partie de leur offre afin de proposer un parcours multidisciplinaire. Mais ce type de formation est difficilement généralisable autant au niveau de l'offre (quelles écoles ? quel degré d'intérêt ? quelles remises en question en interne ?) qu'au niveau des étudiants (tous ne peuvent suivent une formation pluridisciplinaire de qualité, ne serait-ce que pour de capacité et de gestion différente de la charge de travail).

Une fac française, par contre, ne gérera pas directement le logement ou les bourses par exemple : c'est la fonction du CROUS. Sa fonction est de proposer des cours, non d'encadrer des élèves. Peut-on réellement organiser un campus à partir de ça ? Sans doute pas. Seule quelques grandes écoles, les plus élitistes, ont conscience de cette nécéssité de former des hommes et non seulement de transmettre des savoir - en effet, pour faire partie de l'élite, l'habitus au sens de Bourdieu est bien plus important que n'importe quel savoir universitaire, et c'est d'abord ce que transmettent HEC, Science Po ou l'X ; ce que ne veulent et ne savent pas faire la majorité des facs - et beaucoup d'Ecoles - françaises.

Je parlais des bourses (et autres "politiques") du point de vue des demandes des étudiants. Bien sûr, c'est le CROUS qui dispose, dans la majorité des cas, de ces fameuses bourses. Ce qui pose un problème selon moi, car le coût de certaines études et leur exigence ne peut se mesurer de manière identique surtout le territoire national et sur tous les campus de la même manière. Sciences-Po a décidé sa politique de bourse (certes adossée au CROUS). Je partage tout à fait ton scepticisme Linca quant à la capacité d'organisation d'un campus par les universités si une partie des compétences sont d'origine exogènes.

Tu cites 3 écoles, et on en revient à la question de la nature même de leur essence :
- HEC : école dépendant de la chambre de commerce et d'industrie de Paris. Son esprit est donc tout sauf la bureaucratie à la française (blocage, mentalité, nature des emplois, etc). Une école de formation de managers ayant un esprit d'entreprise est somme toute logique...
- Sciences-Po (Paris) : c'est établissement d'enseignement supérieur public (donc deniers de l'Etat), mais dont la gestion (!) est confiée à une Fondation privée et jouissant de ce fait d'une autonomie entière (sélection, politique de développement, gestion des ressources, etc) au risque d'introduire des procdures décriées par la tradition républicaine française que défend l'université (discrimination positive, etc).
- X : des trois écoles citées, c'est la plus "républicaine", celle dont l'histoire est la plus intimement liée aux idéaux de la Révolution française. Or ce qu'elle est devenue est une illustration exemplaire de sociologie des organisations. Son existence n'est jamais aussi justifiée que le système universitaire français est massifié.

En termes de campus :
- HEC ressemble assez à un petit Standford (dans son organisation et son esprit, pas dans l'architecture...), plus qu'à une université française... installations sportives, locaux d'associations, salle d'ordinateurs, lac, parcours de jogging dans le parc, etc.
- Sciences-Po ne dispose pas de campus et a toujours voulu rester à Saint-Germain des pré, pour une question de visibilité et de prestige. Mais avec la volonté de transformation de l'institution, son directeur a entrepris d'édification d'une résidence étudiante à la Cité Internationale, avec ce que cela suppose comme brassage, à l'image de la maison des ingénieurs des Arts et Métiers par exemple. Il était carrément question à une époque de transférer l'institution à l'Hôpital Laennec, en raison de sa situation intra-muros et de l'immensité des locaux. Le coût exorbitant de l'opération aurait tout stoppé.
- l'X : un campus scientifique sur le plateau de Palaiseau, pas très loin d'HEC d'ailleurs, mais semblant coupé du monde. Je ne l'ai jamais visité.

En somme, il me semble que la dichotomie aperçue dans mes précédents post puisse être disposée sur une échelle d'intensité : avec comme modèle le plu abouti celui du campus américain [modèle 1] tandis que les campus français seraient une sorte de copie incomplète quand elle n'est pas râtée [modèle 2]. Le passage de l'un à l'autre est possible, mais il suppose, à la lumière des impressions de Linca (que je partage totalement), une réorganisation de la "manière de faire" des organisations censées se déployer sur le campus : université, école, pool d'écoles, etc. L'exemple de l'intégration plus poussée du campus en France en est surtout donné par les grandes écoles, c'est-à-dire des structures s'arrogeant un ensemble de compétence et se dotant d'une perspective managériale qui n'existe pas pour l'heure à l'université, pour des raisons historiques et affectives.

Organiser un campus sans garder à l'esprit la question du statut du donneur d'ordre comporte un risque selon moi, celui de prendre le problème par le mauvais angle.

Il n'est finalement pas étonnant que les seuls qui sachent créer un début de vrai campus soient des institutions "autonomes" : car se sont les seules à même de créer pour les nationaux un sentiment d'appartenir à un mythe ; la grande école (de groupe 1) étant elle-même étant déjà un mythe à elle seule. A l'image des consoeurs américaines, à sa manière.

Dernière modification par Philippe: 24-03-2008 21:38
#27
24-03-2008 21:39
Philippe
Tour First
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MyNight a écrit:

Oui, n'hésite surtout pas, cela me donne vraiment du grain à moudre...  B6

Si d'autres contributeurs veulent bien participer... Le but de cette discussion reste vraiment noble et servira sans doute dans le réel  A5  A7

Est-ce aussi secret...  A5

#28
24-03-2008 22:15
T
Thomas
Notre-Dame de Paris
T
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@Philippe: tes messages sont très intéressants et très argumentés.
Juste pour préciser un peu tes commentaires sur les campus des grandes écoles en France:
Le campus de l'X a été pensé comme un campus à l'américaine et possède de fait de de nombreuses similarités avec une fac américaine de type Stanford (que je connais un peu pour y avoir passé quelques mois). A l'X on trouve de très belles installations sportives, des salles de musique, des associations très variées, on y organise des voyages promos et des manifestations entre sections sportives, etc. Le campus est volontairement éloigné de Paris, qu'on peut cependant rejoindre par RER (comme Stanford, encore plus éloignée, et reliée à San Francisco par une heure de Caltrain). Le but est vraiment de créer un enclos favorable au regroupement des étudiants et destiné à créer un esprit de promo, puis, de manière plus large, un "esprit de corps". On retrouve cet esprit de collégialité et "d'entre soi" dans les facs de la Ivy League et les grandes écoles françaises.
Les différences, et elles sont cruciales, sont les suivantes:
- la taille: l'X est ridiculement petite par rapport aux grandes facs américaines. L'X brasse 500 étudiants par promo, Stanford ça doit être au moins 5 000. A l'X on tourne vite en rond, à Stanford on passe son temps à rencontrer de nouvelles têtes.
- l'internationalisation: il y a 20% d'étudiants étrangers seulement à l'X. Stanford c'est la tour de Babel à côté.
- la multidisciplinarité: l'X est purement scientifique, et même purement matheuse dans sa pédagogie (même dans les cours de bio et d'éco). Stanford excelle dans toutes les disciplines, du grec ancien à l'informatique.
- le financement: on est très bien loti à l'X, même gâté par rapport à la fac française moyenne. Mais l'X reste pauvre par rapport à Stanford, à cause de modes de financement très différents.
- le lien étudiants-recherche: aux US le contact avec la recherche est systématique et précoce. A l'X il faut presque attendre la dernière année pour accéder aux superbes labos qui sont pourtant à 50m.
- le lien étudiants-entreprises: Stanford=Silicon Valley. L'un ne va pas sans l'autre. A l'X on peut passer toute sa scolarité sans mettre les pieds dans l'une des entreprises high-tech du plateau de Saclay.

Cependant des mesures sont prises pour faire passer le campus de l'X vers un modèle plus américain: augmentation de la taille des promos sur le site (Sup'otique et l'ENSTA déménagent à Saclay), efforts sur l'internationalisation des élèves et des professeurs, liens avec les entreprises renforcés (Thalès et Danone ont installés leur R&D à Saclay également), diversification des modes de financement (création d'une fondation), etc.
Mais soyons honnêtes: tous ces efforts retsent encore modestes par rapport au chemin à parcourir...
Cela dit, le campus type campus de l'X reste celui qui se rapproche le plus de Stanford dans "l'esprit" général du lieu. Sciences Po me ferait plus penser à Columbia (université élitiste dans un cadre urbain et architectural tout aussi élitiste, étroitement associée au prestige de la ville qui l'accueille).

#29
24-03-2008 23:19
S
Staja
Notre-Dame de Paris
S
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Et toutes les installations de l'X qui sont payées par nos impôts...
Quand j'entends un pote qui est à l'X me dire que pour chaque visite d'une base militaire, il a droit à un uniforme tout neuf, gratuit... Et que les bases où il est passé, on lui a demandé s'il se servait de toutes ses paires de rangers qu'on lui avait données car les militaires n'en ont pas toujours assez pour tout le monde et donc lorsqu'ils ont des étudiants de l'X, ils leur demandent s'ils ne peuvent pas leur en laisser une paire ou deux...
Bon, ok, c'est le système qui veut ça, mais c'est tellement criant dans ce cas...

Bref, effectivement, le système de financement n'est sûrement pas le même que Stanford.

#30
25-03-2008 08:33
T
Thomas
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Oui c'est scandaleux, je n'ai jamais dit le contraire... L'X n'a aucunement besoin de sa tutelle militaire et depenses inutiles s'y rattachant. Elle devrait se "normaliser" et devenir une école d'ingénieurs classique type Centrale ou Mines. Et je ne parle même pas du salaire (la "solde") perçu par les élèves qui est tout bonnement indéfendable étant donné que 80% des étudiants rejoignent le privé directement sans rien rembourser.

#31
25-03-2008 09:24
Lupus
Surveillant de baignade
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Thomas a écrit:

- la taille: l'X est ridiculement petite par rapport aux grandes facs américaines. L'X brasse 500 étudiants par promo, Stanford ça doit être au moins 5 000. A l'X on tourne vite en rond, à Stanford on passe son temps à rencontrer de nouvelles têtes.

Je crois que tu as touché un point crucial, Good. Il ne sert à rien de vouloir singer l'isolement des facs américaines quand la population estudiantine est aussi peu nombreuse. J'ai passé les épreuves de sport de l'X, et ce gigantesque campus, tondu comme un terrain de golf et complètement désert m'avait fait assez peur. Déjà que j'ai eu le sentiment de vraiment tourner en rond (l'ambiance fermée est parfois étouffante) Cité Descartes à 20 minutes de RER A de Paris, je n'ose imaginer ce que cela aurait donné à 15 minutes à pied (par un petit escalier en sous-bois) de l'arrêt "Lozère" du RER B...

Bref, tout ça pour dire qu'en l'état actuel, le modèle américain ne me semble absolument pas aproprié au cas français: taille des écoles (quoique cela puisse être traité par le regroupement de plusieurs établissement sur un même campus, voir Cergy, la Cité Descartes ou bientôt le campus de l'X, si les résistances de l'Ensta ne sont pas trop fortes...) et surtout mentalité des élèves français qui n'ont je pense (pour la plupart) pas trop envie de se laisser enfermer au bout du monde...

#32
25-03-2008 10:31
L
Linca
Notre-Dame de Paris
L
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A noter que le modèle américain n'est pas forcément idéal pour ce qui est de la transmission des savoirs : un ancien graduate student de Riverside sur un autre forum m'a fait la remarque que pour en apprendre le plus possible en Californie, il vaut mieux d'abord étudier dans les universités moins prestigieuses - State U, Community college, où l'on  fait moins de rencontre mais où les enseignants sont moins occupés par la recherche, et où il n'y a pas tant de graduate students et donc il est facile en tant qu'undergraduate de participer à la recherche, plutôt que d'aller dans un campus University of California où les cours sont donnés par des graduate students souvent étrangers et pas toujours compréhensibles. Pour un chercheur, qui voit l'université d'abord dans son rôle de transmission des savoirs, le modèle de campus à l'américaine n'est pas forcément meilleur.

Or, les facs Françaises sont d'abord dirigées par les chercheurs. Même si ils disposaient des financements et du contrôle pour créer des campus, le voudraient-ils ? Et en seraient-ils capables ? Dans l'école d'ingénieur où je suis allé, membre de l'INPG, les chercheurs avaient la volonté de dépasser le stade "trasmission des savoirs", cherchaient à nouer des contacts avec les entreprises, à développer des enseignement plus orienté "management" - et y échouaient, sans doute par manque de sensibilisation aux enjeux d'une telle transformation.

On a dit que l'X devrait normaliser son statut, et avoir le même que Centrale ou les Mines... Qui elles aussi on un statut exceptionnel : elles ne sont pas financées par l'Education Nationale mais par l'Industrie, et donc aussi ne sont pas dirigées directement par des chercheurs.

#33
25-03-2008 10:51
G
Good
Arc de Triomphe
G
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J'ai envie de dire qu'il faudrait en France les deux types de campus:
- le campus urbain à la Columbia, ou plutôt à la Jussieu/Sorbonne/Sciences Po/Paris Rive Gauche etc., qui me semble-t-il fonctionne bien pour des étudiants en humanités qui ont besoin des grandes bibliothèques mutualisés (Bibliothèque Nationale, Bibliothèque Sainte-Geneviève, etc.), des musées, des librairies, de l'émulation culturelle générale qu'on trouve en centre-ville, et qui peuvent jouer sur leur environnement urbain prestigieux pour attirer des étudiants et professeurs étrangers. On peut très bien créer un esprit "campus" avec les qualités positives inhérentes (émulation, sociabilité, réseau, associations, rencontres, etc.) en milieu urbain: Sciences Po et l'ESCP y arrive bien! Le problème c'est plus le statut de "l'université/grande école" que la localisation ou l'insertion géographique. La Sorbonne ou Jussieu pourrait très bien y arriver si ces facs se structuraient vraiment autour d'une histoire, d'une exigence, d'une tradition et d'une forme assumée de sélection.
- le campus à l'américaine dans les champs :D : c'est probablement plus adapté aux disciplines scientifiques qui ont besoin de gros labos et d'espace. Pour l'instant les expériences françaises sont plutôt râtées du point de vue des étudiants. Du point de vue des chercheurs c'est différent car par exemple les labos de l'X marchent très bien et les chercheurs ne sont pas mécontents de vivre à côté dans une maison de la vallée de la Chevreuse... Pour les élèves par contre le problème fondamental c'est, comme le dit Lupus, la taille. Pour compenser l'éloignement par rapport aux centres urbains, animés et propices à des échanges variés, il faut augmenter considérablement la taille des promos et la diversité des cursus proposés sur le campus. Vivre en vase clos avec 500 ou 1000 personnes c'est insupportable après un an et demi de campus. Il faut au minimum 20 000 étudiants, dans des filières variées pour recréer l'ambiance de "ville universitaire" à la Stanford ou à la Cambridge. Et pour ça il faut accepter de n'avoir que 2 ou 3 campus, mais très gros: pour l'IDF, l'idéal serait Saclay + Noisy-Champs par exemple. Il faut aussi créer des campus verts mais "pseudo-urbains". Des logements étudiants directement sur le campus pour TOUT LE MONDE, des superettes, des bars, des rues, des librairies, une ou deux salles de concert, et ne pas étaler les installations sur du gazon à l'infini sous prétexte qu'on a de la place. Il faut un minimum de concentration des activités et des bâtiments pour instaurer une atmosphère vivante et animée. Noisy-Champs (que j'ai pratiqué aussi mais en habitant à Paris car je n'en pouvais plus du campus miniscule à la française) est beaucoup trop étalé par rapport au nombre total d'étudiants, et beaucoup trop d'étudiants ne logent pas sur le campus. Entre parenthèse, si à Noisy-Champs il y avait 10 000 ou 15 000 étudiants qui habitaient sur place au lieu de quelques centaines, il y aurait probablement beaucoup moins de problèmes de délinquance... Au bout d'un moment la présence régulière et massive de gens à toute heure de la journée finit par dissuader les voyous.

#34
25-03-2008 16:00
Philippe
Tour First
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Vos témoignages sont très intéressants ! Cela permet aussi d'en savoir plus sur les uns et les autres. Thomas, tu n'es pas encore à la tête d'une entreprise du CAC40 ? Ou peut-être y es-tu déjà, à passer tes journées sur PSS, ce qui nous honore drôlement...

#35
27-03-2008 11:33
B
Boris_F
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Merci à tous pour vos très intéressantes contributions. Vous rejoignez assez mon sentiment, mais hélas, il n'est pas encore l'heure de totalement réformer l'institution universitaire pour que la structure même de sa mission rejaillisse directement sur la conformation même des campus. Quoique... Avec l'émergence des PRES...  E1  A5


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#36
27-03-2008 18:32
A
Alvar Lavague
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Je connais plus particulièrement deux campus en France : Cergy-Pontoise et Strasbourg.
L'exemple de Cergy-Pontoise, deuxième pôle d'enseignement supérieur en Ile-de-France, est intéressant puisqu'il a été crée de toutes pièces depuis les années 70 avec un réflexion sur la place de l'université dans la ville.

En 1968, l'idée première était de créé un campus de 100 Ha, "à l'américaine" comme il était dit à l'époque, pour environ 20 000 étudiants. Le tout à proximité du centre d'affaires ("La défense bis" A5 ), du RER, du centre hospitalier...

En 1973, l'ESSEC s'installe dans ses locaux du quartier de la préfecture, bien loin donc du terrain censé accueillir le campus. D'autres écoles ont d'ailleurs été démarchées à l'époque par l'EPA : l'ENPC, l'INALCO Certaines s'installeront d'ailleurs à Cergy. Il est intéressant de remarquer que les dossiers destinés à ces écoles dans les années 80 ne faisait plus référence à ce fameux campus : d'ailleurs les écoles qui se sont installée à l'époque (l'ENSEA, l'école Nationale d'Arts, l'IUFM, l'IUT...) l'ont fait dans le quartier de la préfecture à proximité de l'ESSEC.

En 1989, avec la création des université des villes nouvelles, le rectorat décide de s'appuyer sur la stratégie de la ville, qui était d'implanter les équipements d'enseignements en fonction des terrains disponibles et au mieux des commodités. De la même façon, les équipements d'accompagnement logements, Resto U, bibliothèques) sont eux aussi répartis. La stratégie de la ville était donc "de ne pas faire faire de campus, autrement dit c'était la ville qui était un campus".
Il en résulte un éclatement des structures universitaires, bien que le quartier de la préfecture en accueille la majorité: on a donc pas de véritable campus à Cergy.

Si certains regrettent aujourd'hui qu'il n'y ait pas plus de concentrations des établissement, le mouvement va plutôt dans le sens d'une plus forte concentration dans le quartier de la préfecture : extension de l'ESSEC, du site Saint-Martin de l'université, démolition-reconstruction de l'ENSEA, futur centre d'enseignement supérieur de la CCI...

A noter que l'un des derniers sites de l'université est situé à Neuville, éloigné de la ville mais à proximité immédiate du RER. Il accueille une partie des filières techniques, le choix était justifié par des projets d'équipements sportifs (toujours pas réalisés) et d'un parc d'activité (il existe aujourd'hui une pépinière d'entreprises)

Dernière modification par Alvar Lavague: 27-03-2008 18:39
 

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