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De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

#1 06-07-2007 12:20:28

Boris_F
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De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Discutons ici de l'article De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme, du post-modernisme à la modernité publié ici :
https://www.pss-archi.eu/article-15.html


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#2 06-07-2007 17:55:05

nikos
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Très bon article MyNight  B6

De mon coté, je vois le post-modernisme comme les descendants des courants néoclassiques, c'est à dire respectant un certain nombre de règles (éclectisme, recherche du "beau", façades symboliques, ornements,...) tout en utilisant les techniques et matériaux contemporains.
Pour le modernisme, la notion d'utilité, comme tu le dis, est le principal but recherché. Malheureusement l'homme n'étant pas une machine, cette architecture était voué à un échec car niant le coté artistique et culturel de l'homme.
Bref, le modernisme n'a à mes yeux produit que très peu d'oeuvre forte (il est vrai que ce n'était pas son but), contrairement aux mouvements précédents (beaux-arts, néo-classique,...). Pour le post-modernisme, seul le temps nous le dira.


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#3 06-07-2007 18:39:46

Boris_F
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Thanx Nikos  C10

Cet article est une sorte de réponse à la lecture critique de 'Iconic Building' de Charles Jenks par JP ( https://www.pss-archi.eu/article-13.html )

Entre deux outrances - la fonction définit la forme et constitue une esthétique fonctionnaliste / la forme définit la fonction et constitue une iconique de l'objet au sens "plein" - je me demande bien vers quelle direction l'architecture contemporaine va pouvoir s'engager.

Un équilibre des deux mouvements, moderne et post-moderne, me paraît en effet assez fondamental : d'un côté, on ne peut admettre une architecture fonctionalisée au point qu'elle s'affirme en rupture avec le pré-existant par idéologie. On a vu ce que donnent les cités urbaines, ces îlots conçus non seulement en rupture, mais aussi en autarcie avec le tissu urbain. Mais d'un autre côté, comment admettre les outrances d'une iconicité qui font de l'objet architectural une simple affiche, une icone pleine d'un sens coupé du réel, rappelant une sorte d'art pour l'art en dur qui n'existerait que pour l'ego de l'architecte ou de celui qui commande l'objet ?

Le Mouvement Moderne a contribué à l'ère industrielle, comme en proposant des solutions à des problèmes sociétaux centraux : comment intégrer l'industrie et la mécanisation dans le milieu de vie quotidien de la Ville ? Comment offrir à tous, grâce à la standardisation et aux nouveaux matériaux, les bases d'un milieu de vie sain (dans une optique hygiéniste fondamentale dans les années 20 comme héritage des années du IInd Empire) ?

Le post-modernisme a gommé les outrances de la fonction "plate" dirigeant la forme, en réinjectant un sens historique, patrimonial au contexte urbain. Il a déplacé une attitude "collectiviste" vers une attitude plus individualiste, en affirmant non seulement la valeur de l'objet, mais en immergeant cet objet dans le pré-existant, ce qui est de nos jours une préoccupation redevenue centrale : l'intégration d'un objet dans le bâti coule de source, ce qui permet d'affirmer ce que j'appellerai la "culture d'un endroit" et de respecter la stratification urbaine sans la traumatiser, mais en continuant à l'adapter à l'esprit du temps.

Je me demande si, outre quelques projets outranciers, on ne revient pas actuellement à une sorte d'équilibre pragmatique entre les deux. Certes, si on pense à la tour Morphosis, à la fondation Gehry ou à des objets similaires, on se heurte toujours à une substance iconique et post-moderne de l'architecture. D'ailleurs, leur outrance est telle que finalement, leur intégration dans le paysage n'est plus leur principale préoccupation, ces objets conformant un paysage à eux seuls, dans une sorte d'ironie un peu récriminatrice peut-être, et d'autarcie sémiotique sûrement.

Mais dans le quotidien, les projets d'immeubles d'habitation lambda me semblent prendre la pente de cet équilibre : des agencements intérieurs fonctionnels, sur des formes extérieures n'hésitant pas à citer un certain classicisme intégré non seulement dans le paysage, mais même dans les moeurs. Certes, je schématise, mais je trouve que cette direction se ressent même dans des immeubles R+4 à la Kaufman&Broad, qui sont tout de même le standard de l'habitat a minima

http://www.ketb.com/fr/images/doc/16421/PRG_PERS_PHOT_16421.jpg

Se sert-on du post-modernisme pour maquiller du fonctionnel standardisé à outrance ? Ces toits en pente, ces corniches, ces moulures citant la pierre de taille classique, ces ferronneries hellénisantes font pourtant preuve d'un certain équilibre entre modernisme et post-modernisme.

J'aimerais bien savoir si cette forme standardisée, qui se veut en rupture avec les HLM modernes de nos cités, ira vers une certaine évolution, si elle se cherche encore, ou si on est là devant la quintessence du genre, une sorte de moderne se faisant passer pour du post-moderne - une sorte de mensonge donc qui s'inscrit lui totalement dans le post-modernisme A5

Mais tu as raison, Nikos, le mouvement post-moderne n'est encore finalement pas si achevé que ça, et il reste encore à voir ce qui lui subsistera, et quels seront ses jalons forts qui auront réussi à imprimer leur empreinte dans l'histoire des idées / de l'art...  C10


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#4 06-07-2007 19:03:32

nikos
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Merci MyNight,
Il est vrai qu'un grand nombre de batiments contemporains (souvent pour classes moyennes) font référence au classicisme, immitation des pierres de taille (voire même pour certain l'usage de la pierre de taille), ornements, corniches,.. Ce qui me pose souvent problème sur ces constructions, ce sont la qualité des matériaux utilisés (très rapide détérioration mais bon je ne suis un spécialiste en fatigue des matériaux) et l'agencement des immeubles (construction d'îlots isolés de la cité à croire que les erreurs du passé n'ont pas été prises en compte).

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#5 09-07-2007 00:07:04

JP
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

le "néo-classicisme", le "néo-haussmanien", cette architecture "traditionnelle" n'est pas postmoderne. C'est un contre-sens qu'il faut prévenir.

Ou va l'architecture?!

Il y a une surenchère de nom, d'-isme... dont le postmodernisme fait parti... on ajoute le baroquisme, le supermodernisme, l'amodernisme... les tentatives déconstructivistes... bref... nous n'en sortons plus.
Nommer l'avenir de l'architecture semble donc bien difficile.

Parmi l'un des objectifs du modernisme il y avait une volonté contradictoire... celle de ne plus répondre à un "style"... or, quoi de plus reconnaissable qu'une villa moderniste?!
...mais aujourd'hui, existe-t-il un style? des styles?
Il existe une liberté...un libéralisme... où l'architecture vend sa griffe ou répond aux exigences du site, du commanditaire... mais de moins en moins aux exigences extérieures de canon esthétique...

Nous y voilà...parlez d'esthétique à un architecte... beaucoup râlerons, l'architecture n'es pas qu'esthétisme !! bien sur! et donc... peut-on répondre aux exigences d'un style alors qu'on ne fait pas d'esthétisme?

Il n'y a plus de nom à donner...mais pour que les choses existent il faut les nommer, même lorsqu'il s'agit du rien...

Que va devenir l'architecture? Ce qu'elle a toujours été. La production de logements, de lieux d'activité, d'exploit technique, esthétique ou...
Car même le modernisme n'a pas pu se contenter de la standardisation. Il a fallu qu'elle fasse de l'exceptionnel, de l'unique...mais au nom de la technique !
Regardez le CNIT...

Il n'y a jamais eu de réelle rupture jusqu'à aujourd'hui où tout est possible...
Enfin...Dernière question... qu'on ne pose pas ou peu. Le monde occidental-blanc-chrétien-capitaliste (cf Jencks) cherche ces -ismes en les applicant de façon universelle. Mais n'existe-t-il pas des régionalismes... Pourquoi dite-t-on (entre nous) que cela fait hollandais? et cette tour, si russe?...

Dernière modification par JP (09-07-2007 00:09:04)

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#6 09-07-2007 01:24:25

le renard
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Sujet et article intéressants B6

J'ai une lecture différente de la production architecturale courante. Selon moi, elle n'est pas tant le produit du Post-modernisme que de l'architecture Néo-traditionnelle, branche intégriste et dénaturée du Post-modernisme. Les deux courants sont parfois assimilés de part leur égal rejet du Modernisme. Mais la stratégie néo-traditionnelle est pourtant aux antipodes de celle des post-modernes : elle prône l'imitation là où les seconds prônent la greffe. Les constructions de Venturi, Graves ou Rossi sont autant empreintes du vocabulaire moderne que du vocabulaire classique (même si c'est l'usage du second qui a marqué les esprits, dans le contexte de la suprématie moderniste finissante) : on est dans une réponse baroque au Modernisme. Au contraire, avec les Néo-tradi, on est dans le retour à l'ordre passé, il n'y a aucune invention mais la quête d'une architecture neutre, intemporelle et pré-industrielle (du moins dans l'aspect). Ce courant doit plus à Disney, aux théories de Léon Krier et du New Urbanism, et à certains mouvements régionalistes du début du XXème siècle qu'au Post-modernisme à proprement parler : il s'inscrit dans une histoire parallèle de l'architecture au XXème siècle. D'une certaine façon, le Néo-traditionnel serait au Modernisme ce que le Néo-Gothique fut au Classicisme au XIXème siècle : une architecture de la réaction.

Je développerai quand j'aurai un peu de temps... D2

Dernière modification par le renard des volumes (09-07-2007 02:22:50)


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#7 09-07-2007 02:20:28

le renard
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

JP a écrit:

le "néo-classicisme", le "néo-haussmanien", cette architecture "traditionnelle" n'est pas postmoderne. C'est un contre-sens qu'il faut prévenir.

Ou va l'architecture?!

Il y a une surenchère de nom, d'-isme... dont le postmodernisme fait parti... on ajoute le baroquisme, le supermodernisme, l'amodernisme... les tentatives déconstructivistes... bref... nous n'en sortons plus.
Nommer l'avenir de l'architecture semble donc bien difficile.

Parmi l'un des objectifs du modernisme il y avait une volonté contradictoire... celle de ne plus répondre à un "style"... or, quoi de plus reconnaissable qu'une villa moderniste?!
...mais aujourd'hui, existe-t-il un style? des styles?

Il n'existe plus que ça. Du moins, le Modernisme n'est plus qu'un style parmi d'autres, débarrassé de sa dimension utopiste. Le Corbusier disait ne pas vouloir faire école : il redoutait certainement cette évolution, la réduction du courant qu'il avait contribué à créer à un style...

Il existe une liberté...un libéralisme... où l'architecture vend sa griffe ou répond aux exigences du site, du commanditaire... mais de moins en moins aux exigences extérieures de canon esthétique...

Nous y voilà...parlez d'esthétique à un architecte... beaucoup râlerons, l'architecture n'es pas qu'esthétisme !! bien sur! et donc... peut-on répondre aux exigences d'un style alors qu'on ne fait pas d'esthétisme?

Il n'y a plus de nom à donner...mais pour que les choses existent il faut les nommer, même lorsqu'il s'agit du rien...

Que va devenir l'architecture? Ce qu'elle a toujours été. La production de logements, de lieux d'activité, d'exploit technique, esthétique ou...
Car même le modernisme n'a pas pu se contenter de la standardisation. Il a fallu qu'elle fasse de l'exceptionnel, de l'unique...mais au nom de la technique !
Regardez le CNIT...

Totalement d'accord : le Modernisme a aussi ses icônes et pas des moindres : la Villa Savoye, le Seagram Building à NYC, la Glass House de Philip Johnson...

Il n'y a jamais eu de réelle rupture jusqu'à aujourd'hui où tout est possible...
Enfin...Dernière question... qu'on ne pose pas ou peu. Le monde occidental-blanc-chrétien-capitaliste (cf Jencks) cherche ces -ismes en les applicant de façon universelle. Mais n'existe-t-il pas des régionalismes... Pourquoi dite-t-on (entre nous) que cela fait hollandais? et cette tour, si russe?...

Ouai bof... le way of life occidental a colonisé la planète et architectures moderne et post-moderne font parties du package. Où la mondialisation passe, l'architecture traditionnelle pure trépasse. Il y a des variations, des adaptations (cf. Chandigahr par Le Corbu), mais globalement si le Modernisme pur jus est trahi (dans sa philosophie) le Style international se porte très bien !

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#8 09-07-2007 21:51:47

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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

De manière générale, en art, le modernisme peut se définir comme un processus de spécialisation et d'auto-référencement de plus en plus poussé. De la peinture qui ne soit plus que de la peinture, de la sculpture qui ne soit plus que de la sculpture, de la musique qui ne soit plus que de la musique...Pour y parvenir, chaque medium doit prendre conscience de lui-même, de ses spécificités, et renoncer à toutes les pollutions qui ne participeraient pas aux caractéristiques profondes de ce medium: la peinture abandonne la figuration, la perspective, l'imitation des "choses" extérieures, et devient pur jeu de formes et de couleurs pour exalter ce qui la définit profondément: le plan. D'un côté la peinture se détache et s'appauvrit de ce qui n'est pas essentiellement peinture, de l'autre elle s'enrichit de toutes les nouvelles possibilités qui s'offrent à partir du moment où n'importe quelle exaltation du plan est autorisée: Kandinsky, Mondrian, Rothko, etc. L'important pour la peinture est de ne faire référence qu'à elle-même, qu'à son medium, c'est-à-dire la surface à deux dimension: le modernisme se confond avec une quête de la pureté, de l'abstraction, au sens où l'on s'abstrait du superflu.

En architecture, cette interprétation (venant du critique américain Greenberg) est un peu plus compliquée à appliquer. Qu'est-ce-qui définit l'architecture, quelle est sa "pureté"? Le Corbusier donne deux réponses dans "Vers une architecture": d'une part la recherche de la standardisation pour répondre aux exigences de la vie moderne, habiter, travailler, voyager (Le Corbusier admirait voitures et paquebots qui avaient répondu à la fonction "voyager" si admirablement) ; de l'autre "le jeu émouvant et savant des volumes sous la lumière " (citation de tête). Donc d'un côte le fameux fonctionnalisme aride qui mène aux clapiers pouvant loger aussi bien berceaux, ouvriers ou malades (E. Sabato), de l'autre une recherche esthétique assumée qui amène Le Corbusier à louer les modénatures doriques du Panthéon pour les rapports géométriques et les jeux de lumière qu'elles apportent. Une architecture moderne qui ne se préoccupe que du premier aspect donne barres HLM et parkings, une architecture moderne qui tient compte des deux aspects donne Mies van der Rohe, si attentif aux matériaux et aux détails, Le Corbusier magnifiant volumes et points de vue.

Le problème, c'est que même l'architecture moderniste la plus réussie fait sienne le principe général du modernisme: auto-référencement, pureté absolue du médium, indifférence au superflu. Les ornementations, l'ordre corinthien, les mansardes et les jolis volets ne sont pas "de l'architecture", donc sont éliminés. Pourtant ces détails, encore artisanaux au XIXème,marquaient le passage de la main de l'homme, le poids de l'histoire et du territoire, et inscrivaient n'importe quel bâtiment dans le temps et l'espace. Tout cela disparaît avec le modernisme, qui tue le contexte, devenu accessoire.

Le néo-traditionnalisme cherche à réintroduire ce superflu, mais il sonne faux, car ces accessoires sentent la façade plaquée construite de manière toute aussi standardisée que les murs en béton derrière: en voulant signifier le temps et l'espace de l'architecture, ils échouent, ils ne sont plus que signes. Le post-modernisme échoue aussi lorsqu'il réutilise frontons et colonnes, mais il en a conscience et s'en amuse: on est dans le règne de la citation assumée, de la dérision ou du relativisme: c'est l'équivalent du Nouveau Réalisme en France, du Pop Art aux US. Sherry Levine photographiant ou rééditant des oeuvres d'art déjà crées, Pynchon avec ses romans aux récits superposés sapant et parodiant les récits de l'Histoire officielle, sont les frères de Bofill citant Versailles. L'IMA de Nouvel est une forme adroite de post-modernisme également...

Avec les édifices actuels type Gehry, Hadid, Mayne, Nouvel, j'ai l'impression qu'on sort du dilemme modernisme/post-modernisme. L'architecture ne cherche plus à être pure et à s'abstraire de l'ornement ou des autres arts. Les bâtiments font intervenir du verre sérigraphié, se confondent avec de la sculpture en devenant organiques ou déconstruits, s'autorisent des formes gratuites qui ne "servent" à rien. En même temps, pour répondre au problème du contexte spatio-temporel, ils cessent de faire appel au copier-coller gréco-romain: le bâtiment crée son contexte (le Gherkin de Foster), son style (les "nouveaux régionalismes" évoqués par JP) ou sa signature (Gehry). En gros, l'épaisseur historique et territoriale, issues autrefois de l'ornementation artisanale, des traditions locales, des matériaux locaux, est désormais le fruit du travail stylistique et/ou médiatique qui semble avoir accompagné le bâtiment. A bas le banal! semble nous dire l'architecture actuelle. De même que, dans les canons de beauté actuels, il faut exhiber ses abdos bien dessinés pour montrer un corps travaillé et re-travaillé, de même un bâtiment doit trouver un moyen (souvent exhibitionniste) d'exposer la quantité de travail et de créativité qui l'a généré.

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#9 10-07-2007 00:35:15

JP
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

deux mots me reviennent... à méditer...

l'autonomie et l'art-total...

L'architecture moderne devait être autonome puis que standardisée...
Mais que sont ces sculptures architectures sinon autonomes?

L'art total... l'architecture fait de l'architecture, de la sculpture (à vouloir être une forme), de la peinture (à vouloir jouer l'icône), de la litterature (...à vouloir s'exprimer, à disposer d'un sens)...
je vous laisse continuer...

Si les ingénieurs ont envahi le monde des architectes, ceux-ci en esthétes récupèrent les arts...

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#10 12-07-2007 11:56:40

Boris_F
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Si on se dirige vers une synchronicité en art - ce qui signifie que tous les arts passent à des époques données par les même types d'évolution, même s'il existe un certain décalage temporel parfois - je ne suis pas certain que l'on puisse mettre le modernisme seulement sous le joug de l'abstraction et de l'auto-référencement.

Le contre-exemple manifeste, en littérature, c'est le Parnasse. Ce mouvement, initié à la fin du XIXème siècle par Leconte de Lisle, s'inscrit dans une théorie de l'art pour l'art, et prétend au contraire trouver dans les formes classiques de la Renaissance une perfection formelle qui s'inscrit totalement dans l'artifice. Dans le sonnet, il y a une recherche de l'harmonie néoplatonicienne qui réclame un travail extrêmement contraignant afin d'affirmer la prééminence d'un idéal qui est l'équilibre et la perfection. On ne retrouve pas ces valeurs dans la nature. Ces formes classiques renferment toutefois les théories les plus modernes qui soient, le darwinisme en l'occurrence.

En architecture, les mouvements néoclassiques (y compris l'Art déco, désolé pour le raccourci) retranscrivent les formes de la Renaissance, elles-mêmes ancrées dans la culture gréco-latine, mais si cette recherche néoplatonicienne de l'harmonie, à travers notamment le Nombre d'Or, est similaire au Parnasse, le contenu se rapproche davantage d'une lecture et d'une réinterprétation d'une nature idéalisée, mais de la nature tout de même. Les cinq ordres architecturaux (ionique, dorique, corinthien, Toscan et Composite) qui sont sans cesse cités par exemple à partir du IInd Empire ne sont pas seulement des citations, mais ont une fonction récriminatrice de manifeste. Comme dans le Parnasse, on veut se rapprocher de la perfection des formes, et on l'assume par l'utilisation de codes architecturaux qui s'inscrivent également dans l'auto-référencement, et dans une perspective d'art pour l'art. L'embellissement, la gratuité de ces ornements, et le travail qu'ils demandent, sont un peu l'affirmation d'un savoir-faire traditionnel, d'une filiation non seulement avec les Anciens, mais aussi avec une vision du monde s'affirmant comme intemporelle par sa perfection formelle universelle.

On suit en littérature une évolution vers la déstructuration des formes (par Laforgue, Mallarmé, Césaire, Baudelaire traduisant Poe jusqu'à Apollinaire qui 'institutionnalise' (pardonnez-moi pour ce mot) la liberté formelle), ce qui induit dès lors une avancée progressive vers l'abstraction. On suit cette logique de progression en peinture (première oeuvre abstraite, par Gustave Moreau en 1898 je crois, lui qui est le pendant des Parnassiens en Peinture, puis glissement vers les mouvements présurréalistes comme Dada, Fauvisme, Cubisme etc.) En musique, de même, on se dirige de la musique tonale à la musique modale, et le sérialisme est l'un des premiers mouvements allant vers l'abstraction formelle (Webern, Berg, Shonberg, Stravinsky).

En architecture, je trouve que paradoxalement, le mouvement vers l'abstraction du courant moderniste s'accentue par le pragmatisme des structures, et non par l'auto-référencement - qui était me semble-t-il abouti dans les mouvements classiques.

La fonction est au centre du débat. L'archi ne cherche pas à s'instituer comme manifeste esthétique du temps, au contraire elle cherche à modéliser le monde sous une idéologie très 'sociale' et 'utilitariste' inscrite dans le progrès industriel. L'archi, comme la fonction, crée le monde et n'en est plus le témoin. Ce pragmatisme me semble éloigner le courant moderniste de la recherche artistique générale des années 10-20-30 que connaissent littérature, peinture et musique. Je n'ignore pas que l'esthétique issue du modernisme, notamment du Bauhaus, influencera beaucoup la peinture, mais cette recherche du volume n'est pas si en rupture que cela en soi : le néoclassicisme lui aussi s'inscrivait dans la recherche du Nombre d'Or, comme je le disais plus haut, et finalement si on se trouve face à une rupture idéologique - la fonction détermine la forme - on n'est pas là dans la perspective d'une rupture totale d'avec les courants précédents. Autant le surréalisme refuse le classicisme avec force, c'est l'un de ses points centraux et constitutifs, autant le modernisme, avec le Modulor du Corbusier, avec la recherche de volumes épurés selon des schémas très emprunts, malgré eux, de proportions classiques, ne se veut pas en rupture manifeste avec le classicisme. Il ne s'agit à mon sens que d'une relecture, que d'une interprétation de systèmes architecturaux communs.

Le néo-traditionalisme est une relecture du folklore qui cherche à instaurer un ordre perdu. Il s'agit de refabriquer de la tradition - j'allais dire ex nihilo - en usant de codes traditionnels, mais dans l'optique d'une nouvelle tradition mythiquement ancrée dans des apparences de tradition ancestrale. On est là de plain-pied dans l'artifice. Je ne pense pas qu'il s'agisse dès lors d'un réel retour en arrière, mais d'une perspective totalement moderniste, où la fonction première de cette architecture est de codifier un mythique retour à un paradis perdu. Inutile de dire que cette manière d'entrevoir les choses a pu être utilisée par certains états fascistes pour constituer un symbolisme fort de vision du monde (je pense à Mussolini entre autres). Au plus large, ce mouvement néo-traditionaliste tente d’homogénéiser les traditions pour fabriquer une tradition syncrétique et unique tentant de légitimer une politique ou une économie. On n'est pas dans une optique d'art pour l'art, mais tout au contraire, dans une fonctionalisation de l'architecture à des fins idéologiques.

C'est pourquoi je pense que le genre Kaufman&Broad ne ressortit absolument pas de ce courant, et que ces bâtiments citant le passé avec des codes standardisés s'inscrivent plutôt dans le post-modernisme édulcoré, maquillant par là-même une standardisation moderniste devenue 'coupable' par des artifices un peu gros mais résonnant favorablement au regard des acheteurs. Citer l'ordre Dorique, de nos jours, c'est flatter l'égo de l'habitant en induisant une idée et patrimoniale et culturelle qui résonne avec une idée mythique qu'on peut se faire inconsciemment de l'architecture. Habiter un temple/un palais, c'est diviniser l'habitant. On est là dans la sémiologie et la mythocritique, et donc dans le marketing, plutôt que dans la recherche architecturale pure et dure. Je ne sais pas ce que vous en pensez ?...

Pour l'heure, il est vrai qu'on se dirige davantage vers une sorte de standard international très protéiforme et qui s'oblitère parfois beaucoup du terroir tout en usant d'artifices culturels pour faire passer la pilule. Allez, je pense aux Petronas par exemple, qui citent énormément l'architecture sacrée musulmane, mais dont les deux tours sont évidemment inscrites jusqu'au spire dans la fonction économique la plus utilitaire A7 . Ce style à part entière mérite un article à lui tout seul. Si vous êtes intéressé... J'y songerai sinon   C10


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#11 12-07-2007 12:23:23

JP
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Je n'ai pas compris l'autoréférencement... pourrais-tu m'expliquer en deux mots ce que c'est.

L'art pour l'art, je doute qu'aujourd'hui on fasse de l'architecture pour l'architecture, même en privilégiant le formel. C'est notre lecture de l'architecture qui priviligie c'est aspect, car il est immédiat et de l'ordre de l'image.
Ce n'est plus la question à quoi sert l'ar-t/chitecture qui semble primer mais comme utiliser l'architecture.

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#12 12-07-2007 13:09:10

Boris_F
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Oui bien sûr ! C'est lorsqu'un mode d'expression devient une structure disons 'autoportante', et qu'il ne se nourrit que de lui-même. Un bon exemple, en littérature, c'est OULIPO, où le texte - le tissu de signification du texte - signifie ce qu'il signifie, mais aussi tout ce qu'il ne signifie pas. Le texte devient une structure autoréférencée en ce qu'il ne vaut que par et pour lui-même, dans toutes ses potentialités de signification, indépendamment et de l'auteur, et du lecteur.

L'art pour l'art fonctionne sur un système d'autoréférencement, où sa seule fin est lui-même, où ses seuls codes sont issus de lui-même également. Je dirais que l'un des meilleurs manifestes pour ce type de vision de l'art, c'est 'Carré blanc sur fond Blanc' de K. Malevitch (1918).

http://www.productionmyarts.com/Images/malevitch/carre-blanc-sur-fond-blanc-1918.jpg
Musée d'Art moderne (MOMA), New York

En archi, un système d'autoréférencement sous-tend en effet, comme dans une perspective moderniste, que l'objet ne vaut que par et pour lui même, ce qui anéantit toute idée de contextualisation, et spatiale (pas d'intégration), et temporelle (pas de citation). Mais on est là dans un idéalisme forcené, puisqu'à mon sens, la fonction prévalant sur la forme anéanti cette totale décontextualisation. C'est un paradoxe : comment un objet décontextualisé - et donc autoréférencé - pourrait-il prétendre forger un nouveau mode sociétal, et dès lors répondre aux questionnements engendrés par l'ère industrielle émergente ?... Et comme je le disais plus haut, le modernisme se nourrit tout de même de références classiques par la recherche de volumes parfaits, et donc on est là plus dans le désir fantasmatique plaqué à l'objet que dans l'objet pur. Mais bon ça n'engage que moi.


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#13 27-08-2007 01:50:19

rocky
Notre Dame
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Le modernisme a été bien sur la rupture la plus extraordinaire qu'on ai vu en architecture. Selon moi, nous sommes encore dans une période de transition. Je n'ai pas du tout étudié l'architecture mais le modernisme me parait etre la conséquence directe de l'industrialisation. Le monde n'est industrialisé que depuis 150/ 200 ans ce qui à l'échelle de l'histoire de l'architecture est mineur.
Les batiments aux formes épurées qu'a produit le modernisme en sont la conséquence directe. L'homme, grace à sa technologie, s'est soudain retrouvé avec des possibilités quasi infinies en matière technique et cela a bouleversé l'art et le style.
Tout simplement l'art n'a pas pu suivre le rythme efréné du progrès en ingénierie.
L'architecte s'est retrouvé avec des outils modernes et il a été dans un premier temps tentant de faire table rase du passé (le modernisme).
Comme d'habitude lorsqu'une invention ou une mode apparait, d'autant plus si elle est revolutionnaire, elle balaye tout sur son passage et tout le monde y va a fond. C'est ce qui c'est passé avec le modernisme, et on ne peut pas en vouloir aux architectes. Cela devait etre formidablement enthousiasmant de voir tout ceci apparaitre, toutes ces formes nouvelles.

Bien entendu, avec le temps, on c'est rendu compte que le modernisme produisait des batiments très pauvres architecturalement (en meme temps c'est le style architectural). Le modernisme n'est pour ainsi dire meme pas de l'architecture c'est dans le sens ou c'est uniquement guidé par la fonction et par les outils de constructions.

On a alors commencé a évoluer. Deux courants se détachent ( désolé si je les nomme mal)
Le post modernisme c'est à dire l'architecture typiquement des grands noms d'aujourd'hui, le gherkin, jean nouvel, la tour phare, on experimente des formes, chaque architecte cherche a inserer son projet dans l'envirronement, on ajoute du détail, et on recherche l'esthetique.

et le neo traditionnel, une sorte de copie kitch du passé.

Jusque la on est a peu près d'accord.

Sauf que je considere que le post modernisme dans son apparence actuelle, c'est à dire des experimentations sur les formes et des constructions qui se ressemblent au final à travers le monde, comme une étape transitoire.
Je pense que la technologie y est pour beaucoup et que les architectes expérimentent tels des pionners les résultats qu'ils peuvent obtenir avec des essais sur les formes et les volumes. Ca rejoint le modernisme dans le sens ou c'est une époque ou les nouvelles possibilités offertes par la technologies sont si grandes que les architectes sont dépassés par celles ci. Mais il ya une recherche d'esthétique.
Par contre lorsque les architectes psot modernistes disent vouloir s'integrer dans l'envirronement et le prendre en compte, j'ai de très forts doutes la dessus. C'est un non sens de dire que l'on integre l'immeuble dans son envirronement lorsque l'on fait des batiments à 100% différents des batiments voisins. Tout est la subjectif.
Je ne suis pas contre le modernisme mais je pense le mouvement ephémere ou plutot je pense qu'il va se créer des tendances. Comme l'architecture pre industrielle créa ses tendances avec les styles par régions, les styles pour l'instant globaux vont s'affirmer, et on peut esperer que dans 100 ans on puisse reconnaitre le style moderne "berlinois" ou "autrichien".
Le post modernisme anarchique et mondialisé d'aujourd'hui je pense va engendrer des styles architecturaux qui emprunterons également au passé. Je ne crois pas du tout que nous aurons de grandes facades de verres bleu dans le futur. Tout simplement car c'est trop simpliste et la mode fera que nous irons vers plus de complexité pour atteindre le niveau de détail artistique que nous avions sur les batiments traditionnels, mais ceci pour des immeubles modernes.

L'exemple le plus flagrand mais qui fut malhereusement abandonné par la suite est le fameux style art déco.
Completement balayé par le modernisme, ce style su mélanger ancien et nouveau, et ce n'est pas un hasard si les gratte ciels art déco sont parmis les plus admirés du monde. Ils respectent des codes, reprennent des styles du passé, ils ont un niveau de détail important. On peut penser que sans la vague moderniste, le style art déco serait allé vers de plus en plus de complexité/exigence artistique, pour atteindre une vraie noblesse.

Quand au style neo traditionnel, je pense que c'est dommage de le mépriser. La copie du passé en architecture n'est pas nouveau. C'est souvent plus réussi que des experimentations post modernistes qui semblent parfois issues d'une conception aléatoire, et cela s'integre très bien à l'envirronement.
Mais c'est une architecture qui est pas très utile pour la creation architecturale et qui apporte rien de nouveau.

Pour résumer, je comparerais la période actuelle avec la transition démographique.
Au debut on a des architectes aux ressources et possibilités limités qui font des immeubles ayant des styles architecturaux marqués

Ensuite les architectes découvrent la technologie et sont dépassés par ses possibilités. ( Que faire avec un gratte ciel?) Ils font table rase du passé et expérimentent des styles modernes puis post modernes. C'est l'anarchie.

Au final on aura de nouveaux styles qui apparaitrons une fois qu'on aura epuisé les possibilités d'experimentations, ces styles prendront des éléments du passé, et evolueront différement par zone geographique. Les styles évolueront de la meme maniere qu'avant la révolution industrielle, il y aura un peu de technique (mais des progrès plus lents) un peu de contrainte, et un peu de mode. Les formes farfelues auront probablement disparues mis à part certains immeubles exeptionnels, volontairement en rupture.

Je suis convaincu que dans toute forme d'art, on est parti vers une experimentation maximale avec le debut de l'ere moderne, mais que l'on reviendra vers une forme d'harmonie qui puise dans les traditions car tout simplement l'experimentation totale est un extreme, qui n'a pas le succès populaire d'un art reprenant des shémas traditionnels.

bon désolé si j'ai mal utilisé "post modernisme" car je suis pas sur du terme mais je veux dire architecture contemporaire qui expérimente beaucoup sur les formes.. vous me comprenez

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#14 27-08-2007 19:36:06

Boris_F
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Re: De la modernité au modernisme, du modernisme au post-modernisme...

Merci beaucoup pour ton point de vue, Rocky !  B6


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