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L'urbanisation actuelle : une urbanisation dépersonnalisante ?

 
#1
01-11-2007 20:56
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Boris_F
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Nantes :

http://img250.imageshack.us/img250/639/photo453dd7.jpg

Rennes :
http://i221.photobucket.com/albums/dd119/RS-steph35/03-13.jpg

Orléans :

http://img96.imageshack.us/img96/3834/rape01ls9.jpg

Tours :

http://img119.imageshack.us/img119/8033/vue1fk3.jpg

Angers :

http://xs217.xs.to/xs217/07282/stserge6.jpg

Montpellier :
http://img141.imageshack.us/img141/4808/image10el6.png

Paris Rive Gauche :
http://img84.imageshack.us/img84/6014/1002383sp1.jpg

Fontenay sous Bois :
http://www.pagnucco.net/images/PPS/photo9

Bordeaux :
http://img90.imageshack.us/img90/6181/iutbastideen1.jpg

Toulouse :
http://img355.imageshack.us/img355/4509/andromdetramway3wm.jpg

Lyon :
http://img401.imageshack.us/img401/791/gerlandle22fvrier2007lyog2.jpg

Marseille :
http://img119.imageshack.us/img119/1310/est2oa9.jpg

Lille :
http://astrakoop.free.fr/lille/fives1.jpg

Nancy :
http://img394.imageshack.us/img394/5538/maif10gx.jpg

===================

J'arrête là le recensement.

J'ai un gros coup de gueule à vous faire partager.

Ces photos ne montrent-elles pas un gros problème ?

La forme urbaine actuellement préconisée se retrouve dans ces photos ou ces rendus dans toute sa splendeur : urbanisme bas et dense, grandes perspectives sous forme d'allées pour éviter tout effet de muraille (hum...), normes d'économie d'énergie entraînant un choix standard en terme de matériaux et de formes, etc... Allées, végétaux, commerces, proximité, 'échelle humaine' en hauteur - et PAS en surface, je précise - et optimisation des plans pour atteindre couramment entre 6000 et 15000 hab/km² suivant les programmes, avec mixité fonctionnelle tertiaire/habitat.

Ce faisant, on ne voit pas sur ces photos les sutures avec l'existant, qui sont souvent réussies, ni la volonté constante de créer des morceaux de ville et non des quartiers ex nihilo. On ne voit pas sur ces photos les équipements de proximité, qui existent, ni les efforts constants des aménageurs pour planquer les voitures en stationnement qui ont là la possibilité de conduire les usagers jusqu'au coeur des programmes. On ne voit pas les usagers qui s'arrêtent dans les commerces, les crèches, les cabinets médicaux ou de dentistes, ou qui déposent les enfants dans les écoles. La vie fonctionnelle est bonne dans ces ensembles qui sont conçus dans cette fin en réaction contre les programmes des années 60-70.

Mais ce qu'on ne voit pas non plus sur ces photos, ce sont les spécificités territoriales. Ces îlots sont très bien conçus en eux-mêmes, mais ils refusent la moindre particularité. Ils me semblent lisses et sans la moindre spécificité qui dépasse. Dès lors, ils semblent imposer un mode de vie unique, standard aux habitants et usagers.

Cela ne me rassure pas. On a décrié avec raison les analyses urbaines issues de la Charte d'Athènes (sol artificiel séparant les flux selon leurs fonctions, fonctionnalisation des emprises selon la sainte trinité travail/logement/loisirs, etc) sachant que cette fonctionnalisation du monde était inaboutie et naïve, sous-tendue par une lecture socialisante dogmatisée et utopiste. Je souhaiterais savoir si nous ne retournons pas là au coeur d'un autre type de fonctionnalisation du terrain urbain, d'une autre utopie. Certes, la lecture contemporaine de la Ville a beaucoup appris des manques de la Charte d'Athènes, qui ont donné lieu à la déstructuration sociale des cités de banlieue, et on a voulu à tout prix corriger le tir pour ne plus reproduire ces erreurs.

Cependant, l'uniformisation actuelle des programmes urbains me pose question. Elle induit une lecture consensuelle de ce qu'est la ville contemporaine. Cela implique un point de vue sinon dogmatique, du moins doctrinaire, de ceux qui créent les nouveaux quartiers. Or, si cette doctrine s'avère à l'usage fausse, ou assujettie trop fortement à des impératifs réglementaires ou financiers, ne risquons-nous pas, à moyen terme, de regretter ces formes autant que nous regrettons aujourd'hui l'urbanisme sur dalle ?...

Sommes-nous ici (face à cet arasement de toute spécificité) devant une mode ? Ou devant un aboutissement de quelque chose - mais de quoi ? Ou devant des essais qui convergent vers le début de quelque chose - mais de quoi ? Ou face à une standardisation sans intérêt qui permet seulement aux collectivités de récolter le plus possible de taxes foncières et professionnelles dans un cadre réglementaire tentant d'avantager tout le monde en toute utopie ? Ce type de nouveaux quartiers permet-il aux maires d'être réélus ou tente-t-il à de créer une nouvelle forme urbaine ? Laisse-t-il la part belle aux maîtres d'oeuvre au détriment des architectes pour des raisons de coût, où s'agit-il plutôt là d'une manière pour les architectes de récolter des fonds faciles de manière à se réserver pour des projets plus prestigieux ailleurs ? Sont-ce les PLU qui sont responsables de cette forme urbaine ? Répond-on là à une demande, ou induit-on une offre gagnante à coup sûr dans le champ investissement, ce qui dialectiquement entraînera pragmatiquement une 'école' de l'efficience budgétaire ? Ou alors s'agit-il tout bonnement de la nouvelle forme urbaine de la ville spécifiquement française, ce qui signifie en creux qu'il n'existe plus de ville contemporaine spécifiquement française ?

Enfin, l'architecte ne peut-il plus rien créer qui dépasse pour cause de réglements et de coûts, et la France se prépare-t-elle à ne devenir qu'une terra cognita à deux balles parce que sinon tous les architectes et urbanistes sont au chômages et tous les élus définitivement inéligibles parce que tout ce qui est volontaire est une insulte au consensus ?...

Le XXIème siècle ne sera-t-il définitivement qu'un vide des formes, des courants, des cultures et faudra-t-il s'excuser pour donner libre cours à l'unique, au spécifique, à l'intègré et à l'intègre, faudra-t-il n'obéir qu'à des normes minimales qui seront les mêmes partout pour des raisons juridiques, financières et utilitaires ?

Pour l'heure, le paysage urbain me paraît se transformer en une ligne plate et identique dans la moindre ville, et là je ne parle pas de plafond, un peu comme la droite ligne que proposait en son temps la Charte d'Athènes pour des raisons de bonheur, de beauté classique, de raison platonicienne et de coûts. Est-on nouvellement condamné à ne plus voir que des médiocrités urbaines (au sens de 'mediana', moyenne) et contemporaines débitées à l'hectare, qui désarmeront à coup sûr les nimbies, les contrôleurs garants des normes, les sondages électoraux et les agents comptables ?

Mais ou diable est passée la Création ? Ou est passé le Territoire ? La réflexion originale s'appliquant, se pliant à un lieu unique ? La grandeur de l'audace et de l'idée où la ville doit répondre aux besoins primaires, certes, mais aussi à tous les autres, le plus fondamental étant sans doute le besoin d'appartenance et d'identification au monde ? Ou est passé l'habitant, pas celui qui est défini par des paramètres de fonctions et de pouvoir d'achat, mais celui qui a des yeux, une vie, une famille et un coeur et qui pour exister doit assouvir son besoin total et entièrement constitutif de se sentir dans sa ville comme chez lui ? Où diable est passée la ville contemporaine conçue pour ses habitants ?

Tout cela pourrait entériner le fait que la Ville reste toujours conçue non pour l'habitant, mais pour les paramètres qui constituent une lecture modélisée de l'habitant. Lecture héritière de la Charte d'Athènes, finalement, lecture néopositiviste où l'habitant doit subir la Ville plutôt que la vivre. Pour autant, ce n'est pas l'imagination ni l'envie qui manquent aux architectes et urbanistes pour créer de la Ville. L'entre-deux siècles est sans doute difficile à suivre par manque de repère, comme tous les entre-deux siècles. Raison de plus, à mon sens, pour relever le défi consistant à enfin créer de la Ville unique, non transposable où qu'elle soit, qui écoute les spécificités des habitants d'une ville précise, d'un quartier spécifique, d'une rue précieuse parce qu'elle sera la leur.


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#2
01-11-2007 21:52
le renard
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Réflexion intéressante mais ton recensement me paraît bien discutable : tu compares des programmes qui n'ont pas la même destination, pas la même ampleur (programmes isolés / nouveaux quartiers), pas le même style, pas le même standing, ne s'inscrivent pas dans la même forme urbaine, etc... à part l'époque de construction, je ne vois pas de point commun entre eux tous.

Ceci-dit, oui, il existe un "urbanisme de remplissage", un urbanisme sans qualité, qui ne fait pas l'objet d'une réflexion singulière sur le site et son environnement (ce qui n'est pas le cas de tous les exemples que tu nous montres, encore une fois). Mais existe-t-il seulement une période, un âge d'or, depuis près de deux siècles d'industrialisation de la construction, pendant lequel ce type d'urbanisme n'a plus eu cours ?

D'ailleurs, l'urbanisme haussmannien (vénéré par beaucoup) n'est-il pas l'exemple le plus marquant de cet urbanisme de remplissage ? L'œuvre d'Haussmann est souvent avancée comme le meilleur antidote aux dysfonctionnements de l'urbanisme moderne, elle sert de matrice à la plupart des nouveaux quartiers "vitrines" en construction dans les métropoles françaises : s'il y a une filiation à définir elle est peut-être plutôt de ce côté là que du côté de la Charte d'Athènes (on est dans la culture de l'îlot, non dans la structuration de la ville par les axes de transit).


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Dernière modification par le renard des volumes: 01-11-2007 22:06
#3
01-11-2007 22:39
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Boris_F
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Merci pour ta réponse, Renard  C10

ton recensement me paraît bien discutable : tu compares des programmes qui n'ont pas la même destination, pas la même ampleur (programmes isolés / nouveaux quartiers), pas le même style, pas le même standing, ne s'inscrivent pas dans la même forme urbaine, etc... à part l'époque de construction, je ne vois pas de point commun entre eux tous.

Je ne suis pas d'accord avec toi. Tu peux considérer la trame de tous ces quartiers, elle est totalement similaire, et si les standings et les contextes fonctionnels diffèrent, ce qui est exact, les styles beaucoup moins et les produits sont fournis dans une même idée globale qui, je le maintiens, offrent une forme urbaine qui me paraît arasée par une idée de remplissage. Je ne me fonde pas que sur l'image, mais aussi sur des plans et sur mon ressenti au sein de ces programmes. Ces projets ne s'inscrivent pas dans une forme urbaine uniforme, je suis entièrement d'accord, et ce que je déplore, c'est que la solution proposée est pourtant du prêt à porter. C'est l'écart entre ce pré-existant et ces formes qui me pose question. A toute particularité, on offre une réponse globalement unique. Elle ne l'est sans doute pas fonctionnellement. Mais elle est du point de vue de l'environnement urbain, ce qui me paraît difficile à réfuter.

Il est absurde de rechercher un âge d'or, je suis totalement d'accord avec toi également, je ne pense pas à un retour vers un passé qui aurait tout compris à la ville, au contraire, de la même manière je présume que cet âge d'or est mythique et qu'il n'a jamais existé. Mais je souhaite seulement dire que d'après les projets actuels, on peut prévoir que les standards sont pauvres et qu'il en résultera un refus de la part de l'habitant.

De mon côté, ça se traduit par : 'encore ?' ou alors par 'toujours du low-rise' ou par 'ce mobilier urbain est la seule recherche de ce programme, on est ici nulle part et partout'.

Haussmann n'avait pas cette vision restreinte et tissulaire, il se plaçait au niveau des structures macro-urbaines. Je n'ai pas cru déceler cela dans les photos que j'ai choisies pour illustrer ce thread. C'est peut-être bien là que se situe le problème central...

Dès lors, je ne suis pas d'accord du tout avec toi quand tu dis que c'est du côté d'Haussmann qu'on doit trouver une filiation avec les programmes contemporains. Au contraire, je pense que les paramètres de référence sont bien, par contraste, la Charte d'Athènes. On part du plus gros tabou pour offrir l'inverse, ce qui empêche d'avoir une vision globale de la ville où construire un programme.

La culture d'îlot, c'est justement l'un des problèmes. C'est un fondement, sans doute, pour prendre en compte la suture avec l'environnement, et intégrer un lieu ponctuel à un système. Mais il est inconcevable de créer un îlot qui n'existe que par et pour lui-même - de manière similaire à la Charte d'Athènes, justement. La structuration du programme ne devrait-elle pas dépasser cette lecture micro-territoriale, et intégrer justement une part de territoire global ?

Revois les photos d'exemple. Si je les mettais dans le désordre avec des noms de ville à côté, pourrais-tu désigner sans coup férir à quelle ville chaque quartier appartient ?...


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#4
01-11-2007 23:23
MiKL-One
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C'est peut-être de ce constat qu'est parti J. Ferrier pour affirmer que "la capacité d'innovation est bien plus forte sur un bâtiment de 50 000 m² que sur 50 de 1 000 m²". Au regard de ces photos, c'est vrai qu'en y repensant, ça donne à rire ces arguments anti-tours qui consistent à dire on va faire de nos villes des villes uniformisées. En même temps, je suis sûr qu'elles le sont déjà beaucoup, sauf que quand je vois une tour cylindrique avec un cone au dessus, je sais que c'est la tour de CL de Lyon, quand je vois le L je sais que c'est Lille etc. Mais c'est vrai qu'avec ces low rise, on uniformise mais comme ça ne se voit pas tellement, après tout... Tandis qu'une tour qui dépasserait, mais vous n'y pensez pas !  B10

Excellente discussion Mynight et le Renard (même si j'ai du mal à tout comprendre et que je ne joue pas dans la même cour avec ce que je peux dire ! :D )  B6

#5
01-11-2007 23:32
le renard
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Je vais prendre l'exemple que je connais le mieux, à savoir le Pré Gauchet à Nantes, dont l'immeuble figurant sur la première photo fait partie. On n'est pas dans un "urbanisme bas et dense, grandes perspectives sous forme d'allées pour éviter tout effet de muraille" : les constructions sont hautes (par rapport au standards nantais : c'est-à-dire R9/10 au lieu du R5/6 habituel, même pour les programmes récents) et espacées, formant même de petites tourettes, le parti-pris des urbanistes étant de réaliser formellement la suture entre le centre-ville (R+5) et les tours de Malakoff. Le quartier est structuré par deux grands axes qui ont un sens, le premier étant dans le prolongement du pont de Tbilissi, sur le tracé d'une pénétrante projetée auparavant (sa largeur était de facto imposée par celle de la pénétrante, partiellement réalisée), le second axe relie la gare sud (dont l'enclavement est souvent reproché) au nouveau pont, qui doit relier Malakoff à l'île de Nantes. Bref, l'Atelier Ruelle, qui a mené ce projet, a réalisé un projet très contextuel et singulier, quoi qu'on en pense.

Je poste des vues du contexte, sinon c'est trop facile C9

http://www.nantes-amenagement.fr/images/photos/0005/img_1187622452834.jpg
http://img513.imageshack.us/img513/8991/euronantesgaremj4.jpg
http://img211.imageshack.us/img211/5770/vueaer200706yt7.jpg
© Nantes Aménagement

--> une vision restreinte et tissulaire, sans rapport avec les structures macro-urbaines ?

MyNight a écrit:

Revois les photos d'exemple. Si je les mettais dans le désordre avec des noms de ville à côté, pourrais-tu désigner sans coup férir à quelle ville chaque quartier appartient ?...

Je peux te sortir dix vues de percées haussmannisantes dans dix villes françaises différentes, les similitudes seront bien plus frappantes A7

Pour revenir à cette histoire d'identité locale, il est évident que l'horizon culturel de chaque individu s'est élargi en deux siècles (sans nécessairement gagner en profondeur...) : le territoire vécu et connu (ne serait-ce que par le biais de la télé ou du cinéma) est considérablement plus vaste pour un individu lambda au début du XXIème siècle qu'avant l'invention du chemin de fer. Quelle serait la pertinence au début du XXIème siècle à définir une esthétique (ou à customiser un style dans le pire des cas) en fonction d'un espace régional qui ne correspond plus au territoire vécu ?


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Dernière modification par le renard des volumes: 02-11-2007 00:36
#6
01-11-2007 23:37
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bibinou
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MyNight a écrit:

Revois les photos d'exemple. Si je les mettais dans le désordre avec des noms de ville à côté, pourrais-tu désigner sans coup férir à quelle ville chaque quartier appartient ?...

Entièrement d'accord avec ce point. C'est d'ailleurs la première réflexion que je me suis faite en regardant les photos présentées. Il y a une forme de standardisation, une banalisation du paysage architectural et urbain autour de ces formes. On retrouve ses mêmes modèles aux 4 coins de la France, de manière indifférentiée ou presque. Il est difficile d'y retrouver une forme de typicité, rattachée à une région donnée, qui laisserai deviner de la ville où elle se trouvent.

Cette même standardisation que l'on retrouve d'ailleurs au niveau des lotissements de pavillons qui ont banalisé le paysage périurbain depuis les années 70.

Sinon tu dis pleins de choses intéressantes dans ton premier post qui méritent réflexion, sur des problématiques complexes, et que je relierai bien à deux fois mais après une bonne nuit de sommeil  D1  A10

#7
02-11-2007 01:09
nikos
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Merci Mynight pour ton poste, je partage aussi ton coup de gueule.
Ces projets ont d'énormes points communs dans la forme: la banalité, la froideur et la médiocrité
A vrai dire, plus je les regarde et plus cela me fais penser à du Gropius ou du Loos, soit de l'architecture du début du XXème. Le problème est qu'il n'y a que très peu de contre-courant (manque de créativité des architectes français?), ce qui veut dire que l'on risque d'en bouffer encore pendant un bon bout de temps.


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#8
02-11-2007 02:02
le renard
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nikos a écrit:

A vrai dire, plus je les regarde et plus cela me fais penser à du Gropius ou du Loos, soit de l'architecture du début du XXème. Le problème est qu'il n'y a que très peu de contre-courant (manque de créativité des architectes français?), ce qui veut dire que l'on risque d'en bouffer encore pendant un bon bout de temps.

Le style moderne (et ses variantes) est le nouveau classicisme, tout simplement. Ces immeubles en sont des déclinaisons plus ou moins réussies. Ce n'est ni propre à la France, ni propre aux low-rises : le même procès esthétique pourrait être fait à 95% des tours en construction.


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#9
02-11-2007 08:54
nikos
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le renard des volumes a écrit:

Le style moderne (et ses variantes) est le nouveau classicisme, tout simplement. Ces immeubles en sont des déclinaisons plus ou moins réussies. Ce n'est ni propre à la France, ni propre aux low-rises : le même procès esthétique pourrait être fait à 95% des tours en construction.

Je n'aime pas trop comparer ces low-rise avec les tours, car on a ici des différences d'ampleur très conséquentes (ces low-rise touchent l'ensemble du territoire français alors que les tours ne touchent que quelques quartiers), de plus les tours nouvelles (ou en construction) sont certe d'un style héritier au modernisme mais certainement pas du néo-modernisme comme on peut le voir sur un grand nombre des cas cités par MyNight (dont la seule différence avec les projets du début du siècle dernier réside dans le choix des matériaux) et je persiste à dire que cette uniformité (aucun contre-courant) est une preuve flagrante de la pauvreté de l'architecture actuelle.
Bref, je vois ici tous les ingrédients qui ont fait les échecs des ZUP créées dans les années 60 (développement sur l'ensemble de la France, réponse à une crise du logement, quartier à l'architecture inhumaine,...)


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#10
02-11-2007 09:21
Thierry
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nikos a écrit:

Bref, je vois ici tous les ingrédients qui ont fait les échecs des ZUP créées dans les années 60 (développement sur l'ensemble de la France, réponse à une crise du logement, quartier à l'architecture inhumaine,...)

A un détail près : c'est que tous les arguments présentés ici sont théoriques et basés sur de simples suppositions. Qu'en pensent les habitants ? Sont-ils malheureux dans ce type d'habitat ? Dès 1961 la presse grand public (le Figaro) dénonçait la "sarcellite" alors que les ZUP étaient encore récentes. Rien de tel ici.

Je crois que ce qui est important pour les habitants, ce n'est pas tellement que des architectes ou des urbanistes pensent aux Formes et au Territoire. C'est plutôt d'avoir une école pas loin, une ligne de bus à côté et pas trop de délinquance. Ce type d'habitat et de bureaux me paraît remplir la fonction de base de l'architecture, c'est à dire de donner des conditions de vie et de travail correctes aux gens. Concrètement, qu'est-ce vous reprochez à cet urbanisme ?

Si le haussmannisme a réussi, c'est justement parce qu'il a fourni une technique de construction applicable par des architectes même médiocres.

#11
02-11-2007 09:54
nikos
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Thierry a écrit:

Je crois que ce qui est important pour les habitants, ce n'est pas tellement que des architectes ou des urbanistes pensent aux Formes et au Territoire. C'est plutôt d'avoir une école pas loin, une ligne de bus à côté et pas trop de délinquance. Ce type d'habitat et de bureaux me paraît remplir la fonction de base de l'architecture, c'est à dire de donner des conditions de vie et de travail correctes aux gens. Concrètement, qu'est-ce vous reprochez à cet urbanisme ?

Désolé Thierry, je ne suis pas une machine, je m'intéresse aussi l'art ou à la culture, composantes totallement absentes de ce type d'architecture.


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Dernière modification par nikos: 02-11-2007 10:02
#12
02-11-2007 10:06
Thierry
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nikos a écrit:

Thierry a écrit:

Je crois que ce qui est important pour les habitants, ce n'est pas tellement que des architectes ou des urbanistes pensent aux Formes et au Territoire. C'est plutôt d'avoir une école pas loin, une ligne de bus à côté et pas trop de délinquance. Ce type d'habitat et de bureaux me paraît remplir la fonction de base de l'architecture, c'est à dire de donner des conditions de vie et de travail correctes aux gens. Concrètement, qu'est-ce vous reprochez à cet urbanisme ?

Désolé Thierry, je ne suis pas une machine, je m'intéresse aussi l'art ou à la culture, composante totallement absente de ce type d'architecture.

Ai-je parlé d'art ou de culture ? Moi aussi je m'y intéresse, j'ai des abonnements dans les plus grands musées parisiens, je vais me balader aujourd'hui à Chartres. Mais la grande différence avec l'architecture, c'est que celle-ci s'occupe des conditions de vie concrètes des gens et là, il faut faire très attention avant de plaquer ses propres théories esthétiques. Morphosis, j'adore, mais pour son appartement je comprends que Madame Michu pense d'abord à avoir un logement fonctionnel et un environnement agréable.

#13
02-11-2007 10:58
nikos
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Thierry a écrit:

Ai-je parlé d'art ou de culture ? Moi aussi je m'y intéresse, j'ai des abonnements dans les plus grands musées parisiens, je vais me balader aujourd'hui à Chartres. Mais la grande différence avec l'architecture, c'est que celle-ci s'occupe des conditions de vie concrètes des gens et là, il faut faire très attention avant de plaquer ses propres théories esthétiques. Morphosis, j'adore, mais pour son appartement je comprends que Madame Michu pense d'abord à avoir un logement fonctionnel et un environnement agréable.

Je crois qu'il y a malantendu, le reproche que je fais à ce type d'architecture est de ne pas intégrer des composantes culturelles ou artistiques ce qui n'est en rien incompatible avec un logement fonctionnel et à un environnement agréable, et le fait que madame Nunuche veut avant tout de la fonctionnalité ne veut pas dire qu'elle ne souhaite pas de culture.
Par conséquent et comme écrit ci-dessus, l'art et la culture se cloisonne de plus en plus dans les musées et non dans les rues.

PS: bonne balade à Chartres et si tu as le temps, pense à visiter la Maison Picassiette  B6 (si ce n'est pas déja fait).


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Dernière modification par nikos: 02-11-2007 11:00
#14
02-11-2007 11:31
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archimonde
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Bon, j'ai pas vraiment le temps de lire tout en ce moment, mais j'ai lu le nécessaire en diagonal, j'aimerais réagir sur quelques points, d'autres suivront peut être au fil de la semaine...

Nikos, l'architecture comme l'a très bien expliqué Thierry, c'est avant tout pour satisfaire la demande du client, l'architecte a beau imaginer de belles formes artistiques, si ces formes ne répondent pas exactement à la demande fonctionnelle des gens, elles ne sont pas acceptées pour autant. Le premier souci (si on peut l'appeler ainsi) c'est un projet fonctionnel, n'oublions pas la fameuse affaire de Jean Nouvel à Mulhouse en Alsace, les appartements étaient loin d'être anodins, le problème c'est qu'elles consommaient beaucoup au niveau chauffage ...

L'architecture c'est un mélange d'art et de science, à l'architecte c'est d'en tirer le meilleur parti mais à condition qu'il soit accepté. Je suis assez d'accord avec Thierry sur ce sujet, regardons un peu du côté des villes nouvelles aux alentours de Paris, je trouve là une architecture très bien étudiée et par sa forme et par ses fonctions, la preuve qu'on peut faire une architecture un peu spéciale tout en respectant les fonctions qui vont bien, Mais, il y a un point très important concernant cette architecture c'est qu'il y avait une pensée générale en 1960-1970 pour ces villes entières ce n'était pas un ajout d'un quartier ou d'un immeuble donc les architectes ont pu mêler l'art et le fonctionnel. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas, il faut penser autrement mais toujours et toujours au profit de la demande génerale, n'oublions pas les écoles, les hôpitaux, la proximité des besoins, c'est ça qui détermine l'architecture et pas l'inverse.

MyNight, je ne comprend pas ton coup de gueule, je trouve tout à fait normal qu’il existe des architectes qui travaillent pour accomplir et satisfaire les besoins d’autrui, même si c’est du low rise, personnellement, je ne me vois pas habiter dans une maison mais c’est absolument pas pour ça que je vais pas concevoir une pour mes clients (c’est un exemple qui est un peu vrai), si les architectes faisaient tout ce qui passe par leur tête juste pour faire de l’artistique et des choses originales, beaucoup ne trouveraient pas du boulot
(Et puis on peut aimer quelque chose mais accepter que dans la nature il y a aussi d’autres goût poussés par telles ou telles raisons)
Ceci-dit je suis la première à prêcher pour une architecture originale, sortie des moules banales (pour certains) mais j’accepte la demande générale et les soucis des gens qui pour l’instant prédomine d’autres priorités…
A suivre…

(((Thierry,
Tu fera des envieux aujourd’hui, pour moi cette ville c’est un passage plus qu’agréable que je fais tous les ans, sauf cette année, j’ai pas eu vraiment l’occasion ni le temps…)))

#15
02-11-2007 11:41
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Je vais affiner mon approche (un peu polémique il est vrai  A5 ) ce week-end  C10  A7


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#16
02-11-2007 11:47
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archimonde
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MyNight, tout ce que j'ai écrit ça ne veut pas dire que je ne suis pas d'accord avec ton point de vue concernant certains ensembles mais pour régler ça, à mon avis il faut avant tout changer certains préjugées pour faire accepter certaines formes d'architecture à tout le monde, A suivre ...

#17
02-11-2007 12:37
nikos
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archimonde a écrit:

Nikos, l'architecture comme l'a très bien expliqué Thierry, c'est avant tout pour satisfaire la demande du client, l'architecte a beau imaginer de belles formes artistiques, si ces formes ne répondent pas exactement à la demande fonctionnelle des gens, elles ne sont pas acceptées pour autant. Le premier souci (si on peut l'appeler ainsi) c'est un projet fonctionnel, n'oublions pas la fameuse affaire de Jean Nouvel à Mulhouse en Alsace, les appartements étaient loin d'être anodins, le problème c'est qu'elles consommaient beaucoup au niveau chauffage ...

Merci archimonde pour la réponse, mais j'ai l'impression de me répeter... je ne dois pas avoir une écriture facilitant une bonne compréhension.
Je n'ai ici jamais nier le but fonctionnel d'un immeuble. Je ne demande pas non plus que celui-ci ait de belles formes (le beau n'étant plus un but artistique), je demande juste que ces immeubles ne se cloisonnent pas à leur seul but fonctionnel et qu'on y apporte un minimum de plus-values (culurels, artistiques ou que sais-je encore).
De plus ce qui me gène, c'est le quasi-monopole de cette architecture, celle-ci devient donc la pensée unique, non soumise à la concurrence ou à la comparaison.
Par contre, il y a de très fortes chances que cette architecture soit décriée dans quelques dixaines d'années tout comme l'était le modernisme après la seconde guerre mondiale.

PS: Je parlais plus haut de quasi-monopole car il existe beaucoup de contre exemples:
Ci-dessous une photo du siège de Groupama à Niort, vous remarquerez à droite un travail de façade assez sympa mais pas trop visible sur cette photo:

http://img464.imageshack.us/img464/7003/dscn1768fx9.jpg


Val de Loire, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Tours, Ville d'Art et d'Histoire.

#18
02-11-2007 18:17
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archimonde
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Nikos, j'ai très bien compris ce que tu voulais dire d'un peu plus de projet "culturels" où effectivement on trouve une petite touche d'originalité qui fait que tel ou tel projet sortent du lot, c'est tout à fait faisable d'où mon exemple des "villes nouvelles" autour de Paris et de leur architecture et fonctionnelle et originale, mais c'est pas le grand souci ni des entrepreneurs aujourd'hui ni des acheteurs qui veulent la fonctionnalité avant tout d'où des centaines de projets qui se ressemblent un peu partout en France ou ailleurs. Aujourd'hui, le fait de faire au moindre coût ça enlève beaucoup d'éléments originaux et des façades et de la conception même de n'importe quel projet, si on présente un même projet avec une petite touche originale et la même façade sans cette touche, c'est le coût qui détermine le penchant vers des projets très standardisés. Sauf quelques exceptions mais qui restent du domeine de la rareté.
Par contre là où je n'étais pas du tout d'accord avec le coup de gueule de MyNight, c'est quand on met sur la même balance le low rise et cette standardisation. Aujourd'hui, si on devait construire des quartiers entiers de tours, encore une fois la fonctionnalité et le coût prenant le dessus, on se trouverait en plein standardisation, donc, c'est pas ça le problème, il est ailleurs, c'est dans l'acceptation des gens d'une certaine originalité qui fait sortir leur immeuble ou quartier ou ville de l'ordinaire, ça c'est un travail à longue haleine où l'architecte, l'entrepreneur, l'emprenteur, etc... en gros un peu toute la société coopére, donc, un peu de patience, ça viendra pas d'un jour au lendemain surtout que pour le moment c'est pas un besoin pour la majorité des gens qui ont d'autres critères pour leur confort comme disait plus haut Thierry...
A suivre... D6

#19
02-11-2007 20:59
Fred75
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Thierry a écrit:

Si le haussmannisme a réussi, c'est justement parce qu'il a fourni une technique de construction applicable par des architectes même médiocres.

Finalement tu rejoins l'analyse de MyNight, mais pour te satisfaire d'un état de fait qu'il déplore : l'urbanisme actuel, purement utilitariste, tend à se réduire à de la programmation fonctionnelle définie par les pouvoirs publics, conçue comme une grille dont les promoteurs et les architectes n'ont plus qu'à remplir docilement les cases. Or ce n'est pas tant son caractère programmatique et fonctionnaliste qui me dérange, que le fait qu'il ne se réduise qu'à cela : une programmation rationnelle du nombre d'habitants et de travailleurs prévus ou souhaités, des mètres carrés de bureaux, de logements, de commerces, de loisirs et de services publics correspondant et des kilomètres d'autoroutes, de tramways et autres équipements nécessaires, selon des normes idéales issues de calculs savants que d'ailleurs je me garderais bien de contester.

En ce sens, on n'a effectivement pas encore vraiment abandonné les principes, énoncés par la Charte d'Athènes, qui prévalaient à l'époque où furent construits les « grands ensembles » ; on les a simplement adaptés à une forme urbaine d'apparence plus traditionnelle, faite d'immeubles sur rue avec commerces en pied. Ce n'est d'ailleurs pas forcément un mal : sur le plan formel, je suis moi-même attaché à ce type d'organisation urbaine aux fonctions intégrées, plus diversifiée et conviviale, mais aussi plus évolutive et adaptable que les grands ensembles sur dalle aux fonctions strictement séparées ; tandis que la programmation rationnelle des bâtiments et des équipements me semble une nécessité évidente, si on veut éviter les erreurs et les gaspillages.

Un autre écueil semble toutefois se profiler : une réglementation trop contraignante, allant jusqu'à définir la hauteur et le COS de chaque parcelle comme à Marseille Euroméditerranée, la fonction de chaque commerce comme dans le PLU parisien, présente l'avantage de réduire le risque de désastre, en encadrant strictement les promoteurs et les commerçants ; mais puisqu'elle bride également les architectes, elle restreint aussi fortement le champ de leur créativité. En outre, elle obère les possibilités d'évolution économique : en exagérant à peine, si les nouvelles règles du PLU parisien avaient existé depuis trente ans, elles auraient sans doute évité la prolifération des restaurants fast-food, des sandwicheries kebab et des magasins de fringues sur le boulevard Saint-Michel à Paris, mais nous auraient aussi privés de Webcafés et de boutiques de téléphonie mobile. Du reste, rien ne dit que les boucheries chevalines et les poissonneries auraient survécu : plus probablement, les locaux seraient simplement restés vacants.

D'autre part, sur l'architecture proprement dite, je ne partage pas certaines critiques exprimées dans cette discussion. La présente vogue d'un courant architectural d'inspiration néomoderniste (et d'influence hollandaise ?) doit sans doute moins aux règles d'urbanisme qu'à un effet de mode, tout simplement. Du reste elle aurait plutôt tendance à me réjouir, tant je suis gavé d'avoir bouffé du pseudo-postmodernisme à toutes les sauces pseudo-historicistes ou pseudo-régionalistes depuis vingt-cinq ans. Le postmodernisme, ça peut être superbe lorsque c'est signé Portzamparc ; le pastiche historicisant lourd et outrancier d'un Bofill passe déjà plus difficilement, mais ça reste encore de l'architecture ; en revanche, le kitsch aseptisé de Kaufmann & Broad m'indispose au plus haut point, avec leurs immeubles copiés-collés dont ne varient que la couleur des façades et le revêtement des toitures (blanc et ardoises à Nantes, rose et tuiles à Toulouse, beige et zinc en région parisienne). Et encore, je choisis à dessein l'exemple de K&B parce qu'ils représentent ce qui se fait de moins pire dans le genre. La comparaison permet de relativiser le caractère impersonnel et interchangeable d'un style néomoderniste que dans l'ensemble je ne trouve pas désagréable et même plutôt rafraîchissant.

Le problème selon moi ne provient donc ni de l'architecture en général, même si on peut bien entendu critiquer un bâtiment particulier en se fondant sur des critères pratiques ou esthétiques, ni de l'urbanisme au plan strictement technique. Pourtant, je ne suis apparemment pas le seul à éprouver un certain malaise face à ses nouveaux quartiers. La cause en est peut-être alors à rechercher dans l'absence de ce qui fait aussi une ville, dans l'esprit des ses résidents comme de ses visiteurs : son patrimoine et ses références. S'agissant de quartiers récents et inachevés, on peut espérer qu'il suffira de laisser le temps recouvrir de sa patine non seulement les immeubles, mais aussi les habitudes et la mémoire de leurs habitants, qui finiront ainsi par s'approprier ces lieux encore trop neufs.

Mais encore faudrait-il que cet enracinement soit rendu possible, ou du moins facilité, par la présence de signes, de repères visuels qui contribuent à l'identité d'une ville ou d'un quartier. Or du fait de la disparition de formes d'architecture régionales immédiatement identifiables et assimilables, qu'il serait ridicule de persister à pasticher et sans doute illusoire de chercher à réinventer, je crois important de réfléchir à ce qui pourrait constituer un substitut à de tels référents. L'idée qui me vient immédiatement à l'esprit n'est sans doute pas très originale, mais elle présente l'avantage d'une solution éprouvée : doter ces nouveaux quartiers, ces villes nouvelles, de monuments emblématiques, pas forcément « pharaoniques », mais suffisament remarquables pour rythmer et organiser l'espace, et assez originaux pour permettre l'identification et susciter l'appropriation. Je rejoins ici l'idée développée par MyNight dans un article précédent, imaginant l'implantation d'IGH au coeur de ces nouveaux quartiers, non comme un simple « geste architectural » gratuit, mais dans un contexte de densification urbaine, comme un pôle d'attraction non seulement économique mais aussi identitaire.

Dans un autre sujet, je regrettais qu'une récente proposition de tours à Paris ne s'inscrive pas dans un tel processus, déplorant précisément l'abolition de la rue et des perspectives et l'impression d'isolement et d'enfermement du quartier qui en résultait. Je devrais donc me réjouir de projets qui témoignent au contraire, de la part de leurs concepteurs, d'une volonté de « créer de la ville » sous une forme classique, avec des immeubles en îlot intégrés à la rue et des façades alignées en enfilade, à la manière haussmannienne, comme le font remarquer certains intervenants. Ce serait oublier que dans l'urbanisme de type haussmannien (et même bien avant, depuis la plus lointaine antiquité), la hauteur des immeubles était déterminée, outre les contraintes techniques, par un rapport harmonieux et pratique avec la largeur des rues, tandis que les perspectives avaient pour but de mettre en valeur les monuments, voire de monumentaliser les avenues et les immeubles eux-mêmes, composant ainsi un paysage architectural dont l'esthétique n'était certes pas l'unique finalité, mais bien souvent le prétexte à une représentation métaphorique des rapports de domination sociale, l'instrument d'une mise en scène des pouvoirs économiques et politiques (ou autrefois religieux).

Un tel urbanisme faisait sens, aussi discutable, contestable et même détestable qu'il soit. Rien de tel ici, où allées et avenues, trop larges par rapport à la hauteur uniforme des immeubles, composent des perspectives absurdes car ne débouchant sur rien (comme dans les grands ensembles sur dalle), ainsi que l'illustrent ci-dessous une de mes photos de la ZAC Rive Gauche à Paris et deux rendus, postés par Nikos, d'un nouveau quartier à Tours. Il semble malheureusement que ce soit le lot commun de ces nouveaux quartiers, pastiches urbains vides de sens qu'il serait plus juste de qualifier de pseudohaussmanniens que de néohaussmanniens. Le plus étonnant dans la première image est que les urbanistes n'ont même pas su profiter de la présence d'un monument, la bibliothèque François Mitterrand, pour créer de la monumentalité à peu de frais. L'avenue de France semble passer à côté comme un train de marchandises longerait un entrepôt désaffecté, sans intention particulière, juste parce qu'il faut bien passer quelque part, là où il y a de la place...

http://img206.imageshack.us/img206/2961/img0926rey1.jpg

http://img516.imageshack.us/img516/3853/lionsdazursz7.jpg

http://img119.imageshack.us/img119/8033/vue1fk3.jpg

Dernière modification par Fred75: 02-11-2007 22:41
#20
02-11-2007 23:13
Thierry
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Tes arguments sur le PLU sont très intéressants, Fred, parce qu'ils touchent à un aspect assez concret.

Mais dans l'ensemble, j'ai toujours du mal à voir concrètement ce qu'on reproche à ces quartiers. Tu montres une photo de Paris Rive Gauche : il s'agit d'un morceau d'avenue situé entre la Grande Bibliothèque et la voie ferrée, donc il ne peut évidemment pas y avoir une grande animation ! D'ailleurs, si un quartier est doté de "signaux" architecturaux, c'est bien celui-là : les Frigos, la Halle aux Farines, la SUDAC, la TGB elle-même...

L'art et la culture, le contexte et le territoire sont des notions aussi peu opératoires que les principes moraux de Kant : elles peuvent servir à habiller n'importe quelle conception architecturale. On peut les retourner comme on le veut. C'est au nom du contexte que Le Corbusier voulait construire des barres et des tours. C'est au nom du contexte qu'on veut les supprimer. Les avenues doivent être plus larges afin d'améliorer l'ensoleillement, de diminuer les nuisances et donc d'améliorer la qualité de vie (arguments constant depuis le règlement de 1783 jusqu'aux Verts, en passant par Haussmann et Le Corbusier). Les avenues doivent être moins larges afin de favoriser la vie du quartier et donc la qualité de vie (argument du Moyen-Âge et de certains au début du XXIe siècle). Je ne cacherai pas mon affection pour Paris Rive Gauche : le spectacle du coucher de soleil sur la TGB est l'un des plus beaux qu'on puisse voir à Paris. Et le pub "Frog's Library" était tellement animé les soirs de rugby qu'il fallait payer l'entrée 15 euros...

Si Paris Rive Gauche fonctionne, ça sera par exemple parce que l'Université aura attiré des étudiants et que le cinéma ou les bars les auront fixés. Ou ça ne fonctionnera pas parce que les équipements n'auront pas suivi. Si le centre Pompidou fonctionne, ce n'est pas parce que des architectes géniaux ont fait de l'art en mettant le système de ventilation à l'extérieur. C'est parce qu'il a (simplement, objectivement) offert un nouvel espace culturel d'exception, et parce qu'à l'extérieur il a donné aux touristes une place en pente sur laquelle ils peuvent s'asseoir, regarder les bateleurs (ce que les architectes n'avaient probablement guère imaginé) et faire du Wifi.

#21
03-11-2007 03:28
J
JP
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Pardonnez-moi si je répète des arguements ou des questions d'ores-et-déjà soulevés ici.

deux questions de départ...s'agit-il d'un problème d'urbanisme ou d'architecture?
et la critique est-elle vraiment fondée?

C'est amusant. Mon anecdote. Avant de voir ce sujet, j'ai vu celui de l'île de Nantes. Je me suis dit "bah c'est comme partout, à force ça n'a plus d'intérêt". Je n'ai pas osé l'écrire. Il y a pourtant un trop plein, c'est évident. Une crise de l'architecture est à prévoir d'ici dix ans... nous n'y sommes pas.


La critique me semble pourtant mal contextualisée.
Elle fait face à une attente. Nous attendons tous quelque chose de l'architecture. Quand elle est ordinaire nous ne la supportons pas, quand elle est extra-ordinaire nous ne la supporterons bientôt plus (je n'arrive plus à m'extasier sur Gehry ou Hadid... ah? encore! flouide vous avez flouide! Ma! c'est flouide!)

Le problème est alors un problème d'architecture.
Le contexte actuel fausse nos repères. Il y a effectivement une insuffisance "régionaliste". L'extra-ordinaire est devenu banal et souvent "inadaptée" à la "géographie". On ne peut en aucune façon nier ce constat. A terme le particularisme formel qui est actuellement la solution de l'architecte se transformera probablement en un particularisme régional, il y a fort à parier.

Mais...que critique-t-on vraiment? le bâti? sa forme? son contenu? non tout simplement...le banal. On reproche au banal de l'être. Ca tombe sous le sens. Le banal peut-il être extra-ordinaire? C'est ce que nos années s'efforcent de faire avec des façades vertes, à fleurs, biscornues,... mais la multiplicité des projets extra-ordinaires font leur banalité. Peut-on un jour regarder le banal sans le lui reprocher de l'être?

Nous bâtissons actuellement des morceaux entiers de ville, souvent en périphérie. En plus d'être banale, cette architecture se retrouve en périphérie...la pauvre! Le centre, riche de sa vie et aussi de sa diversité fait contraste. On aimerai recréer le centre-ville en périphérie, aussi compact, aussi diversifié. Les villes pastiches pululent. La sauce ne prend pas, parce que c'est la périphérie et parce que l'historicité ne s'invente pas.

Au XIXe siècle on faisait aussi des morceaux de ville sans intérêt alors que l'architecture s'exprimait magistralement en centre-ville.

Regarder des photos de Tokyo apprend qu'un urbanisme anarchique et qu'une médiocrité architecturale certaine n'empechent pas l'urbanité (au sens le plus large, c'est à dire la vie dans la ville). Finallement il n'y a pas à reprocher à l'architecture d'être banale ou médiocre, il n'y a pas à reprocher à l'urbanisme d'être consensuel.
Non, le problème n'est pas là. C'est l'urbanité qui est en cause. Au delà de l'architecture et de l'urbanisme, c'est la culture d'une société qui est a revoir.

#22
03-11-2007 12:06
Indy G
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Personnellement, je ne pense pas que l'urbanisme actuel est une urbanisation dépersonnalisante, du moins pas plus que dans le passé.
En effet, chaque époque a mis en avant une forme d'urbanisme qui s'est vue reproduite un peu partout (rues étroites du Moyen Age, Hausmanisme dans certaines grandes villes, habitat ouvrier du XIXe, grands ensembles plus récemment).
Pour moi, ce qui fait la ville c'est justement cette juxtaposition des "restes" de ces différentes époques. Je ne crois pas que nous avons trouvé aujourd'hui le modèle de ville "idéal" mais il en restera forcément des traces dans l'avenir (quand nous serons passé à autre chose).
Avec la mode du HQE, du bio, on finira bien par revenir encore un peu plus au terroir donc pourquoi pas à un certain régionalisme ou au contraire on ira encore plus loin dans le fonctionnel ou le conceptuel, j'en sais rien mais rien n'est jamais figé dans une ville et c'est ce qui la rend vivante.
En reprenant l'exemple parisien : je me suis balladé hier à Paris rive gauche et franchement, j'ai été agréablement surpris, non pas par la qualité ou l'originalité architecturale (encore que de nombreux "signaux" existent : BNF, passerelle Simone de Beauvoir, Université Paris VII) mais par la cohérence de l'ensemble.
Je ne pensais pas qu'un tel quartier pouvait naître à Paris. Je trouve que ça enrichit certainement plus la ville que ça ne l'appauvrit.
Mais bon, je comprends qu'on puisse ne pas aimer non plus, ce quartier n'est pas non plus la panacée.

Enfin, je joins quelques photos de ma virée d'hier, histoire de montrer ce "nouveau Paris" que je ne trouve pas dénué d'un certain charme.

http://img236.imageshack.us/img236/1968/dsc0025hg8.jpg

http://img236.imageshack.us/img236/662/dsc0029ee7.jpg

http://img236.imageshack.us/img236/7120/dsc0072ao5.jpg

http://img149.imageshack.us/img149/655/dsc0082zf5.jpg

http://img149.imageshack.us/img149/3071/dsc0117dz0.jpg

http://img149.imageshack.us/img149/9021/dsc0125xm1.jpg

http://img149.imageshack.us/img149/657/dsc0155qs9.jpg

http://img149.imageshack.us/img149/1736/dsc0163kr2.jpg


Your rules really begin to allow me.

#23
03-11-2007 13:24
le renard
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JP a écrit:

C'est amusant. Mon anecdote. Avant de voir ce sujet, j'ai vu celui de l'île de Nantes. Je me suis dit "bah c'est comme partout, à force ça n'a plus d'intérêt". Je n'ai pas osé l'écrire.

C'est dommage, tu devrais : moi qui trouve le projet plutôt contextualisé et spécifique, j'aimerais connaître une lecture différente D2

Le problème est alors un problème d'architecture.
Le contexte actuel fausse nos repères. Il y a effectivement une insuffisance "régionaliste". L'extra-ordinaire est devenu banal et souvent "inadaptée" à la "géographie".

Qu'est-ce qu'une architecture "adaptée" à la "géographie" et "régionaliste" sinon une architecture néo-vernaculaire ? A8
Il en va de l'architecture comme de la culture mondialisée : notre bagage se constitue désormais outre les frontières physiques et instituées. Une culture d'insatiables voyageurs physiques ou virtuels qui ont parfois perdu leur capacité d'étonnement et se lamentent de ne plus rien voir d'exotique...

Enfin (surtout) l'identité ne se décrète pas ni ne se fige.

Mais...que critique-t-on vraiment? le bâti? sa forme? son contenu? non tout simplement...le banal. On reproche au banal de l'être. Ca tombe sous le sens. Le banal peut-il être extra-ordinaire? C'est ce que nos années s'efforcent de faire avec des façades vertes, à fleurs, biscornues,... mais la multiplicité des projets extra-ordinaires font leur banalité. Peut-on un jour regarder le banal sans le lui reprocher de l'être?

Arfff... je ne sais pas ce qu'il vous faut : on sort de deux décennies d'une architecture "du quotidien" particulièrement médiocre, entre post-modernisme et néo-tradi, il y a du mieux, non ? Vu de Bussy-Saint-Georges, cette "banalité de l'extra-ordinaire" n'est-elle pas une banalité d'enfants gâtés ?

Il y a une surenchère de signes, ok. Mais elle ne doit pas masquer la spécificité de projets plus subtiles et moins tape-à-l'oeil, leur insertion dans le contexte urbain (plus ou moins bien traitée), l'attention portée aux matériaux, aux finitions, à l'agencement des espaces intérieurs et extérieurs (désolé de parler vulgairement d'architecture E1 ). La banalité est-elle dans l'architecture ou dans le regard que l'on porte sur elle ? Bref, ce rouleau compresseur discursif qui s'attarde sur les tics esthétiques de l'époque et ne voit plus que ça, écrase toute singularité réelle, cette Grosse Bertha a tendance à m'exaspérer.

Nous sommes abreuvés d'images, dans une culture du zapping (pardon pour le truisme) on en vient à juger de la qualité architecturale d'un projet en 10 secondes sur ses seules images (de façades la plupart du temps) sur son 20". Le Corbusier -qui n'a pas dit que des conneries- avait ce précepte : "l'architecture se découvre en marchant". Peut-être devrions-nous l'appliquer plus souvent plutôt que de plaquer des jugements péremptoires, sans nuances, sur l'Aaarchitecture d'aujourd'hui ?

(au passage, comment s'étonner de la surabondance de signes employée par l'architecture-vitrine des Grands Projets Urbains lorsque le jugement s'arrête à la façade ?)

Finallement il n'y a pas à reprocher à l'architecture d'être banale ou médiocre, il n'y a pas à reprocher à l'urbanisme d'être consensuel.
Non, le problème n'est pas là. C'est l'urbanité qui est en cause.

D'accord là-dessus C10

Mais en ajoutant : le défaut d'urbanité que l'on trouve à ces nouveaux quartiers n'est-il pas surtout le fruit de leur trop grande propreté, ces cours et ces boulevards encore trop lisses, trop vides, sans vécu (et pour cause) bref cette absence de la patine du temps qui fera(it) en fin de compte leur historicité ?


*** Skyscraper Spirit Wonder Llama ***

#24
06-11-2007 00:42
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Boris_F
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Je suis content de voir tout de même que la question méritait d'être posée, parce que la discussion qui en découle m'apparaît très riche  B6

Il ne s'agissait en rien de critiquer gratuitement l'architecture low rise en la décontextualisant. C'eut été malhonnête. Je me réservais au périmètre des 'nouveaux quartiers', où je persiste à croire que la fonctionnalité prime sur tout autre enjeu. Fred me semble aller dans mon sens, pour montrer qu'il ne s'agit pas de critiquer le principe, mais les outrances uniformisantes de ce type d'urbanisation, ce en quoi j'ajouterai le jeu des contraintes qui me semblent trop réductrices pour un enjeu aussi fondamental que l'habitant.

Je vais tenter d'étayer mes dire à travers un exemple concret que je connais et d'en étendre les réflexion à des endroits que je connais également, mais moins bien pour n'y avoir pas vécu.

J'entends très bien la contre argumentation consistant à montrer que 'l'architecture se découvre en marchant', au rythme donc de celui qui y est immergé, et même au rythme de l'habitant. Je me place dans cette optique.

J'ai vécu dans un quartier préfigurant le type d'architecture/urbanisme actuels pendant 8 ans, au Lac de Maine à Angers. Je m'y suis approprié la trame, d'autant que l'approche globale du Lac de Maine était de se fondre dans une morphologie rurale préexistante, ce qui était inédit pour de l'ex nihilo en ces années de conception (1961 selon Philippe Mornet pour une étude solide de principe en 1971) en jouant sur plusieurs leviers :

--> le respect des trames viaires rurales préexistantes : les anciens chemins sont devenus des rues pour les plus larges, des chemins piétonniers pour les plus étroites ;
--> l'aspect morphologique en cuvette de l'ensemble, d'un lac artificiel à environ 18 m NGF à un plateau à 54 m NGF   à travers un plissement schisteux lardé de quartz datant de l'ère hercynienne déterminant un paysage totalement particulier et exigeant une grande intégration urbaine, d'autant que le contraste était fort avec la ZUP Belle-Beille datant de 1947 - 1972 attenante ; 300 hectares ont été urbanisés dans le premier programme, contre un lac de 90 hectares ;
--> la volonté d'offrir un équilibre fondamental entre les emprises. Sur 300 hectares, on tombe à une densité de 2097 hab/km² (contre presque 5000 dans le centre historique). Cet espace, encore à proximité de zones agricoles devait à terme s'autonomiser en Ville nouvelle. C'est du moins l'idée de l'atelier Levy, architecte et urbaniste, consulté sur la question. Cette zone d'habitation concentrée (ZAC) comporte ainsi des éléments préfabriqués conçus par FEROLBOSC-Rolland architecte en 1981-1982. Il s'agissait d'un nouveau type d'immeubles, appelés ILT (car en forme de I, de L ou de T), constitués d'éléments préfabriqués transportables à l'aide de grues. Ils furent montés en 6 mois. La construction de l'ensemble a eu lieu en plusieurs étapes : première tranche 1970 – 1980: 2 300 logements dont 40% pavillonnaire ; deuxième tranche Bois de Mollière: 500 logements individuels. En tout, 100 hectares ont été construits sur un espace de 300, soit une emprise de 1/3 hors réseau viaire.
--> les fonctions macrostructurelles - à des fins d'équilibre de toute l'agglo - on été mêlées aux fonctions de proximité. On a construit un centre commercial d'intérêt régional (le troisième du département lors de son ouverture à la fin des années 80), mais aussi une mairie de quartier, une galerie commerciale relayée par une zone commerciale, des cabinets médicaux, et deux écoles et un collège, ainsi qu'un centre cultuel (église). Il y a peu, on a considéré la nécessité de créer une maison des services publics lorsque le quartier s'est étendu sur le versant ouest de l'épine morphologique, le quartier passant de 6900 habitants à presque 10 000. On y a greffé un centre commercial secondaire, ainsi qu'une zone de transition avec la ZI de Beaucouzé et différentes zones artisanales, de manière à souder ce morceau de ville avec le préexistant. Un camping, un centre de loisirs (plage, canoë, planche à voile) sont noyés dans un parc de 150 hectares, qui a structuré l'ensemble.
--> Afin d'assumer et de conforter le rôle urbain du quartier où la population reste jeune (35% des habitants y ont moins de 20 ans contre 24% pour la ville en 1999), on a structuré le système urbain entre le lac, le plateau et le centre commercial relié au reste de la ville par une voie 2x3 voies qui est la pénétrante ouest (RN23, 'boulevard de l'Atlantique). Le taux de chômage y est de 9 %, sensiblement comme la moyenne de la ville.
--> Afin de particulariser encore l'ensemble qui est très paysager, une expérience a été menée dans ce quartier du lac de Maine: un habitat bioclimatique, conçu par Mazeau-Parant-Énard architectes en 1983, et 27 pavillons individuels ont été construits.

Le quartier sera le prétexte à la mise en place à l'Agence d'Urbanisme de la Région Angevine (AURA) en 1968. On fonctionnait en effet à l'époque avec des structures issues de la Reconstruction (financements bizarres, pas de réglementation peu ou prou). En 1968, la pluridisciplinarité devient à la mode, ce qui permet aux urbanistes, architectes, maîtres d'oeuvre  et partenaires territoriaux de se mettre enfin autour d'une table pour favoriser une concertation d'aménagement.

Aujourd'hui, naturellement, tout cela est acquis. Cependant, ce quartier a demandé environ 40 ans pour être achevé, et pour intégrer les berges de Maine depuis la frange sud-ouest du centre historique, jusqu'aux franges ouest qui deviennent progressivement rurales. Pour 10 000 habitants.

On remarquera que dans ce système, les architectes sont les mêmes acteurs que les urbanistes, et que la maîtrise globale de l'oeuvre est également suivie par les mêmes acteurs, afin d'affirmer une cohérence maximale à tout le projet.

J'ai donc eu la chance d'habiter ce quartier construit lors de sa phase I, ce qui donne ceci :

http://ladefense.nuxit.net/photos/mynight/aaaa1.jpg

http://ladefense.nuxit.net/photos/mynight/aaaa2.jpg

http://ladefense.nuxit.net/photos/mynight/aaaa3.jpg

http://ladefense.nuxit.net/photos/mynight/aaaa4.jpg

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Preuves à l'appui, ce quartier était un véritable reniement de la Charte d'Athènes :
--> Mixité fonctionnelle urbaine complète et de proximité avec sol naturel (sauf centre commercial sur dalle) ;
--> Tentative de variété dans les paysages urbains, mêlant petit collectif low rise de 5 étages maximum, avec système pavillonnaire ;
--> Respect des contraintes de construction 'traditionnelles' avec toits en ardoise, textures de murs claires ou rappelant le tuffeau ;
--> Invention d'une trame piétonnière structurante sans agora (quoi que, agora très très décentrée au nord ne faisant pas office de centre de quartier, mais de liant sur un îlot de petits collectifs) ;
--> Espaces verts structurants et non remplissant des emprises vides ;
--> Tertiaire et services mêlés à l'habitat ;
--> pas de colonne vertébrale viaire allant à l'encontre de la déclivité du terrain, et système de transports en commun suivant la trame rurale ayant structuré la trame contemporaine.

Ce quartier est pour moi un exemple et un exemple vécu. Il est justement conçu pour se découvrir en marchant. Mais cette découverte est coextensive d'une réflexion d'ensemble, et l'une est loin d'empêcher l'autre, ne me permettant pas de me situer dans le pure conceptuel, ce qui serait une erreur de vanité, mais aussi concernant le sujet de la Ville qui nous préoccupe ( E1 ).

L'erreur la plus décriée de ce quartier est son étalement, car sa densité est trop amoindrie du fait qu'il répond à un besoin (par contraste avec les ZUP) d'accession à la propriété individuelle. Dès lors, cela a nécessité des TC peu efficaces, l'obligation de prendre sa voiture pour sortir du quartier (sauf depuis ligne de bus express qui n'a existé qu'à la fin des années 1990).

Voici la morphologie du quartier :

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La phase II du quartier du Lac de Maine correspond à cette seconde partie de quartier qui a été adossée à la première entre les années 1992 et 2007. Elle a fait venir environ 3000 nouveaux habitants.

On a gardé les principes ayant présidé au Lac de Maine Phase I, en densifiant le système urbain, et en ne respectant pas la trame morphologique sauf à des fins de bassin versant. On remarquera deux grandes allées artificielles structurant les îlots, allant du nord-nord-ouest au sud-sud-ouest, et suivant la pente du terrain pour permettre à la gravité de faire son office afin de juguler les eaux de ravinement par réseau souterrain ou versant.

En corollaire, on remarquera les emprises en alignement désormais rationnel, permettant un urbanisme non plus 1/3 - 2/3 mais 2/3 1/3 réseau viaire compris. On remarquera également que les low rises de petit collectif sont structurés par les allées artificielles, tout du long, offrant de très longues et mornes perspectives - mêmes lorsque les arbres d'alignement auront poussé, je précise - et que les espaces entre ces deux allées sont comblés par du pavillonnaire normalisé (parcelles de 400 m², de 800m² sur les extrêmités pour favoriser la mixité sociale). On remarquera également les îlots tertiaires au nord-ouest, totalement délimités et non plus disséminés, ainsi qu'un pôle très concentré de services au centre nord de la photographie comprenant école et commerces, mais dont l'emprise reste la plus restreinte possible.

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Les matériaux choisis ne particularisent plus l'habitat, à des fins de réduction des coûts - et des durées de construction - sauf pour les pavillons qui gardent obligatoirement, par réglementation, des toitures d'ardoise. Les petits collectifs d'habitation sont standards, à toits-terrasses non accessibles, au fur et à mesure qu'on avance vers l'ouest, au fur et à mesure qu'ils s'éloignent de la Phase I et qu'ils sont récents.

Contre le contournement de l'agglo, la D102, la notion paysagère n'existe plus du tout pour deux raisons : on considère que le paysage rural de la frange suffit aux regards, et des talus - que l'on repère aux alignements d'arbres - sont aménagés pour limiter le bruit.

On part donc, l'est en ouest, d'un quartier qui a demandé 30 ans à être construit pour contrer la Charte d'Athènes dans une optique de fonctions mixtes et de transversalité disciplinaire de conception, à du standard qui a demandé 10 ans pour être conçu et construit.

J'ai très souvent parcouru ces lieux à pied, en voiture, en flânant ou pour les traverser. Ils me semblent totalement représentatifs de ce que je crains et 'dénonce' lors de mon premier post. Y compris quant à leur appropriation par l'habitant. 8 ans de pratique, encore une fois.

Les quartiers présentés plus haut, dans mon post #1, représentent à mon sens l'étape suivante de l'urbanisme : trame standard orientée seulement par bassins versants, densité forte - ce que je suis loin de renier, tout au contraire, mais tout dépend comment on fait  - standardisation des formes pour limiter coûts et durée de construction, mixité fonctionnelle et sociale sur îlots spécifiques et mêlés face à une trame souvent orthogonale et structurée par des allées - perspectives artificielles, matériaux standards et parfois minimaux, paysage sans transition avec le préexistant, etc.

Je n'ai rien contre le low rise, encore une fois, quand il est conçu avec réflexion. Mais le quartier du Lac de Maine m'apparaît comme étant très représentatif des dérives actuelles. Il n'est pas question d'un retour à l'âge d'or mythique qui serait représenté par un autre mythe, genre d'haussmannisme ou une quelconque autre forme urbaine. Il est question d'adaptation au terrain et à l'endroit, d'un point de vue morphologique, structurel, social et économique, et même 'culturel' si on entend que l'ardoise, le grès flammé ou que la brique fumée sont structurants.  Ceci dépasse le K&B dont nous avions parlé par ailleurs en évoquant les meringues néo-classiques ou néo-traditionnelles. Je m'inscrivais ici dans le paysage et l'intégration non pas nécessairement seulement du bâti, mais surtout de l'habitant ou de l'usager.

L'offre détermine-t-elle la demande, ou est-ce la demande qui détermine l'offre ?

Je n'irai pas jusqu'à penser, comme Nikos, que ces quartiers se dirigeront vers les mêmes travers que les ZUP d'ici 20 ans. Ceci est difficile à prévoir. Mais j'oserais quand même penser que ces quartiers, même patinés par le temps, resteront impersonnels car fonctionnalisés à l'extrême sous des notions de rentabilité et de réglementation. Le fait qu'un quartier satisfasse les besoins primaires de l'habitant ne m'apparaît pas une condition sine qua non de l'intégration de l'habitant au sein du quartier. Sinon, les modèles autarciques corbuséens auraient sans doute suffi (du type des immeubles radieux aux 'rues' structurantes et pourvues de tous les services possibles). La rue reste dans doute justement à définir dans ces nouveaux quartiers. J'ai du mal à la voir dans les allées structurantes.

Au quartier du Lac de Maine, aller boire un verre autre part que dans une galerie commerciale est impossible. Tout comme acheter des vêtements, faire des rencontres, bref, être dans une aire sociétale hors fonctions sociales. Les collèges et écoles y sont des îlots rèches, sans la moindre attache avec le monde. Oui, le tout est propre, présentable. Mais le modèle de vie sous-jacent est éreintant, acheter-dormir-travailler. Satiété des besoins et rien de plus.

On peut arguer que les quartiers contemporains de tours peuvent offrir les mêmes attraits et les mêmes travers. Oui, tout à fait, lorsque l'on reste dans les mêmes grilles de lecture de la Ville et dans les mêmes impératifs financiers et budgétaires. Et je décrierais ce type d'urbanisme, qu'il soit haut ou bas, de la même manière.

Je rejoins donc fortement les idées de Fred75 sur la question pour contester non un type de quartier, mais un type de vision du monde, ce qui ne dépasse qu'à moitié le périmètre de ce forum. On sait tous, ici, qu'urbanisme et architecture sont sous-tendus par une vision de la société, et que la forme d'un objet (en micro-lecture) ou d'un quartier (en macro-lecture) n'a pas pour fonction primaire et structurante de provoquer des sentiments esthétiques ou des joies métaphysiques ineffables. Ceci est une question uniquement formelle, qui n'a rien à voir avec mon questionnement présent.

Je m'interroge sur l'intérêt d'une forme urbaine dont les préoccupations ne sont plus ou pas l'habitant, mais où - tout comme sous la Charte d'Athènes, même si différemment - l'on crée des morceaux de ville à travers des grilles de lecture, des modèles, des paramètres qui induisent une certaine conception de l'homme fonctionnalisée et non anthropologique. Une conception néopositiviste, quoi qu'on puisse en dire, que ça plaise ou non. Répondre à des besoins, c'est signifier que la Ville se restreint à n'être qu'une machine à produire, et que l'Habitant / l'Usager sont des consommateurs, des flux, des masses statistiques. Mais je suis désolé, pas des Habitants.

Je ne nie pas que l'urbanisme n'a peut-être jamais créé la Ville par une grille de lecture différente de celle-ci, et que la modélisation de la société a toujours coordonné les formes urbaines. Il ne s'agit pas là d'un vain appel à la 'tradition', ou encore une fois à un âge d'or mythique de la Ville. Il s'agit davantage de se demander si, après toutes les aspirations environnementalistes, sociologiques ('sociologistes' comme dirait Michel Foucaut ?), utopistes suscitées par l'institution face à l'habitant - aspirations qui sont autant de litanies rhétoriques et électoraliste dans un contexte d'institutions de proximité, écoutez bien les discours actuels des maires - on ne va pas au devant d'une immense déception. On nous a promis une forme urbaine globalisée, solution ultime aux déprises socio-économiques et respectant notre santé/ notre malheur/notre quotidienneté/notre pluriculturalisme soumis à la satiété de tous nos besoins, on nous a insufflé une musique urbaine accomplie d'une Ville optimisée, technique, complexe, vivable, épanouissante, pour tous, et on nous crée une Ville standard dont on crée une sorte d'éden de communication en direction des investisseurs. On quitte là pourtant le champ de la simple communication, puisque ces nouveaux quartiers existent.

Désolé si ça vous dérange qu'on puisse remettre en cause les standards actuels d'aménagement, mais l'écart entre discours et bâti ne laisse de me poser question. Et je ne reviens pas sur mon choix des photos du post #1, qui ne mélangent pas tout mais qui constituent, à mon sens, un corpus qui pose question. Ce que j'aimerais, c'est surtout comprendre les raisons de cet état de fait - de ressenti asséchant et un peu navré à Angers, Nantes ( A5 ), Le Mans, Blois, Montpellier, Lyon et Paris au cours des 12 derniers mois, au simple rythme de la marche, et mis en concurrence avec mon propre vécu.

Ce débat méritait sans doute en effet d'être ouvert  A7  C10


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#25
06-11-2007 02:16
J
JP
Tour Montparnasse
J
Date d'inscription: 28-09-2005
Hors ligne

Il est tard, pardonne moi alors si je suis à coté de la plaque... c'est livré en vrac brut de decofr' :)

Je rejoins donc fortement les idées de Fred75 sur la question pour contester non un type de quartier, mais un type de vision du monde, ce qui ne dépasse qu'à moitié le périmètre de ce forum. On sait tous, ici, qu'urbanisme et architecture sont sous-tendus par une vision de la société, et que la forme d'un objet (en micro-lecture) ou d'un quartier (en macro-lecture) n'a pas pour fonction primaire et structurante de provoquer des sentiments esthétiques ou des joies métaphysiques ineffables. Ceci est une question uniquement formelle, qui n'a rien à voir avec mon questionnement présent.

Je m'interroge sur l'intérêt d'une forme urbaine dont les préoccupations ne sont plus ou pas l'habitant, mais où - tout comme sous la Charte d'Athènes, même si différemment - l'on crée des morceaux de ville à travers des grilles de lecture, des modèles, des paramètres qui induisent une certaine conception de l'homme fonctionnalisée et non anthropologique. Une conception néopositiviste, quoi qu'on puisse en dire, que ça plaise ou non. Répondre à des besoins, c'est signifier que la Ville se restreint à n'être qu'une machine à produire, et que l'Habitant / l'Usager sont des consommateurs, des flux, des masses statistiques. Mais je suis désolé, pas des Habitants.

Je reste un peu sur ces deux paragraphes. Je pense qu'on ne peut pas oublier la "forme". Elle est notre premier contact direct avec "l'objet" et parfois se fait le motif de notre jugement. Le regrettable aujourd'hui est la prédominance de la forme dans le discours et dans la réalisation.

Par ailleurs, je suis un peu surpris. Si la Charte d'Athènes prévoyait un modèle d'homme en vu de standardiser la production architecturale, tu sous entends que le principe perdure autrement. Quelque part je le pense aussi. Je te renvois au mot récent, qui me plait de par ses possibles, de "supermodernisme" (qui n'est pas supermodernité). Néanmoins il y a une place accrue, indéniable, à la concertation. Il y a une attention particulière apportée aux attentes locales...on arrive parfois à des abérations programmatiques...
L'usager est-il alors à même de dire ce qu'il faut?
...et cet usager de part ses expériences, peut-être mauvaise, ne s'est-il pas créé une représentation falacieuse de ses besoins comme de ce que doit être la ville...
C'est ainsi que la forme urbaine se trouve prisonnière de différentes tensions, entre acteurs, entre représentations, entre modes, entre époques...et reste alors le genius loci, ce génie du lieu, nié par les modern(ist)es, peut-être par les supermodernistes... et existe-t-il au fait... ?!
Enfin "l'ordre du monde"... où l'architecture, l'urbanisme et le politique ancrent leur pensée respective... les autres leurs jugements...


on ne va pas au devant d'une immense déception. On nous a promis une forme urbaine globalisée

...une immense déception? pourquoi...non, enfin oui, comme toujours...
l'éternel recommencement... rien ne nous satisfera puisque rien ne nous as réellement satisfait... et quoi qu'il en soit nous avons toujours été, un temps, "modernes"...
Il faut rompre avec son père pour s'émanciper, prendre position par rapport à la génération précedente pour se former...
Nous sommes probablement en train de quitter le postmodernisme pour aller vers un quelque chose que nous ne connaissons finalement pas encore... mais comme toujours c'est aveuglement que nous y allons sans présager des probables erreurs...

 

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