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Collectivités - La ville : des représentations à la réalité urbaine

 
#1
17-01-2016 21:27
B
Boris_F
Tour Eiffel
B
Lieu: Boulogne-Billancourt
Date d'inscription: 28-12-2004
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Je reprends ici une discussion issue d'un fil général sur la région angevine, déclenchée par l'apparition des chiffres INSEE 2013.

Voici ce dont il s'agit : ça part certes d'Angers, dont le cas n'intéresse personne (moins aujourd'hui grâce au SCO, béni soit-il  D6 ), mais finalement la question peut s'appliquer à tous les territoires.

On a commencé par une analyse de la deuxième couronne d'Angers depuis 2008 pour en établir les lignes de force objectives, d'après les chiffres démographiques INSEE, et j'ai été surpris par l'écart existant entre les pôles relais programmés (dans le SDAU puis le SCOT, puis par rapport aux documents de l'agence d'urbanisme d'Angers, l'AURA) et la réalité. Des zones de forte attractivité se dégagent qui n'étaient pas prévues.

Voici le cheminement :

Boris a écrit:

Démographie INSEE 2013 pour Angers (contour aire urbaine 2010):

Angers :
2012 : 149 017
2013 : 150 125 (154 463 avec les doubles comptes) : +0.73% 

UU Angers (découpage 2013 avec adjonction Ecouflant + Saint-Sylvain d'Anjou) :
2012 : 218 657 (découpage 2010) - 226 890 (découpage 2013)
2013 : 220 445 (découpage 2010) - 228 716 (découpage 2013, 235 742 avec les doubles comptes) : + 0.80 %

Angers Loire Métropole :
2012 : 270 033
2013 : 272 124 (280 169 avec les doubles comptes) : + 0.77%

Angers 1ère et 2ème couronnes (contours non institutionnels réalisés par mes soins)
2012 : 331 044
2013 : 333 627 (343 402 avec les doubles comptes) : + 0.78%

AU :
2012 : 403 765
2013 : 407 295 (418 643 avec les doubles comptes) : +0.87%

Nine a écrit:

Pour préciser les chiffres de Boris ;)
Unité urbaine Angers :             
                                          2012                   2013                   évolution
           
Angers                                   149017          150125                0,74%
Avrillé                                     12953            12972                 0,15%
Beaucouzé                                4889            4935                   0,93%
Bouchemaine                            6459              6589                 1,97%
Juigné-sur-Loire                        2580              2621                  1,56%
Murs-Erigné                               5370             5368                 -0,04%
Les Ponts-de-Cé                        11975          12112                    1,13%
Saint-Barthélémy-d'Anjou           8837             9077                  2,64%
Sainte-Gemmes-sur-Loire          3648               3521                   -3,61%
Trélazé                                    12929             13125                  1,49%
Total                                         218657          220445                0,81%

Boris a écrit:

Trélazé, qui était nettement distancée dans les années 90 et qui ne cessait de perdre des habitants, est désormais la deuxième commune de l'UU d'Angers devant Avrillé et les Ponts-de-Cé !  B6 Et du côté de Saint-Barth, je vois que c'est reparti avec une hausse tout de même énorme de +2.64 % : décidément, l'est a le vent en poupe ! 

Mais sans revenir sur des vieilles lunes, dans l'UU, ici, il manque Ecouflant (continuité du bâti évidente avec Eventard), Saint-Sylvain (continuité avec la zone du parc Expo et les Portes d'Angers) et Montreuil-Juigné (continuité avec Avrillé entre la ZI de la Croix-Cadeau et la rue Victor Hugo). Ce qui nous ferait une UU de 235 929 hab (  A5  ). On pourra bientôt y ajouter Pellouailles avec un nouveau quartier en construction au nord de Saint-Sylvain dont j'ignore le nom, vers le Brossay (https://goo.gl/maps/VrUoMQgB1422).

Dans le même ordre d'idées, Saint-Melaine devrait être intégré avec sa continuité de bâti avec Mûrs avec le quartier de Haute-Perche.

Entre 2012 et 2013, Montreuil-Juigné est à +0.54 % pour 7213 hab, Ecouflant à +0.61 % pour 3798 hab et Saint-Sylvain à +0.34 % pour 4473 hab. Par curiosité, Pellouailles est à +0.04 % pour 2500 hab et Saint-Melaine-sur-Aubance à -0.78% avec 2044 hab.

Pour mémoire, les communes qui ont, dans l'AU 2013 d'Angers, connu les plus grandes progression avec 2012 sont :
- Bauveau : + 7.89 % pour 266 hab
- Chavagnes : + 5.21 % pour 1247 hab
- Noyant-la-Plaine : + 4.83 % pour 352 hab
- Le Lion d'Angers : + 4.64 % pour 4077 hab.

Dans les villes de première et de deuxième couronne, il s'agit, dans l'ordre, de Saint-Clément-la-Place (+ 3.26 %, 2118 hab), de Soulaines/Aubance (+ 3.08 % pour 1232 hab) et de Brissac (+ 2.91 % avec 3059 hab), suivies de La Meignanne  (+ 2.68 % avec 2235 hab).

A l'autre bout du classement, dans l'AU 2013 d'Angers, les villes qui régressent le plus sont :
- Béhuard : - 4.20 % pour 119 hab
- Sainte-Gemmes-sur-Loire (ce qui est inquiétant car là on est dans l'UU) : - 3.61 % pour 3 521 hab
- Le Plessis-Macé : - 2.11 % pour 1230 hab.

Suivent Blaison-Gohier, Brain-sur-Longuenée, Coutures et Savennières entre - 1.63 % et - 1.24 %...

Dommage, je n'ai pas de logiciel de cartographie pour représenter tout cela, ce serait très intéressant de voir où ça pousse, et où ça décroît... Attendons l'INSEE !...  A7

Pour le cas de Sainte-Gemmes-sur-Loire, vous avez des pistes pour expliquer cette Bérézina ?
Car enfin, objectivement, depuis cette dernière décennie :
- la zone industrielle où est située Floriloire s'est agrandie (même si elle est sur le territoire des Ponts-de-Cé, elle devrait entraîner une certaine dynamique) ;
- peut-être environ deux cents pavillons ont été construits au nord de Port-Thibault contre la D112 ;
- je ne vois pas de bouleversement spécial pour le centre ville ;
- CESAME, l'hôpital psychiatrique, n'a pas fermé et continue même à recruter, et donc n'a pas l'air moribond. Pour preuve, si on compare le nombre d'habitants 2013 (3521 hab) avec les doubles comptes (3804 hab), on peut considérer que la plupart de ce différentiel est issu des patients de l'hôpital, soit autour de 280.
Comment expliquer le départ de 127 habitants ?
Je n'y vois pas non plus de rapport avec la transformation de l'aire d'accueil des gens du voyage en terrains familiaux, il n'y avait que 8 emplacements disponibles qui sont donc devenus s'ajouter, de fait, à la population simple compte en quittant les doubles comptes...

Y a-t-il un lien avec une hausse des loyers ou du neuf ? Avec la fermeture d'une activité importante (mais à part CESAME, je n'en connais guère) ? Avec l'apparition d'une nouvelle nuisance ?... Ou Sainte-Gemmes souffre-t-elle de l'attractivité grandissante de ses voisines Bouchemaine, Les Ponts-de-Cé et Trélazé, voire Angers-Sud avec le tram ?...

Donc, si vous avez des pistes, je suis preneur...

Antonio630 a écrit:

En effet, Sainte-Gemmes-sur-Loire fait un peu figure d'ovni dans l'UU angevine, mais je pense que la raison est toute trouvée, c'est la faiblesse de la construction.

Mise à part 2011 où la commune a mises en chantiers 72 logements , la commune construit peu pour une commune aussi proche d'Angers (je suis remonté aussi loin pour voir pourquoi la population a baissé entre 2008 et 2013, -418 habitants sur la période).

2006: 13
2007: 24
2008: 20
2009: 3
2010: 16
2011: 72
2012: 6
2013: 4
2014: 2
2015: 1

Tu peux donc voir que construire si peu de logements n'est pas digne d'une commune limitrophe d'Angers. Les 72 logements de 2011 ne sont peut être pas encore pris en compte pour la population de 2013 donc il y aurait peut être une petite amélioration pour le prochain recensement. Mais vu le peu de nombre de logements construits les 4 années suivantes ça ne serait que très temporaire.

Mélangé à un solde naturel qui est négatif -0,1%/AN (environ -5 habitants/an) la commune ne peut pas gagner d'habitants.

Mais c'est surtout le solde migratoire qui est très négatif -1,3%/AN entre 2007 et 2012, ici c'est la décohabitation qui a donc joué son rôle à fond en 2012, il n'y avait plus que 2,37 personnes par ménage contre 2,64 en 2007.

Petite note d'espoir, Sainte-Gemmes a autorisé 85 logements cette année et un nouveau quartier de 240 logements doit voir le jour dés 2017.  A7

Là où tout est devenu plus clair, c'est grâce à une carte dénichée par le Renard :

Le Renard a écrit:

Boris_F a écrit:

Dommage, je n'ai pas de logiciel de cartographie pour représenter tout cela, ce serait très intéressant de voir où ça pousse, et où ça décroît... Attendons l'INSEE !...  A7

En voilà une, diffusée par Presse-Océan : https://www.google.com/fusiontables/emb … mp;hml=KML

Or, on y constate un certain nombre soit d'anomalies, soit de surprises par rapport à un attendu logique ou programmé :

Boris a écrit:

Ah cool ! Merci Renard !  B6

Cette carte représente en effet l'évolution annuelle moyenne de la population entre 2008 et 2013 en %.

Difficile d'en tirer une analyse très poussée sans la croiser avec d'autres indicateurs, cependant il y a des axes de force qui se dégagent - et Sainte-Gemmes est définitivement un OVNI en matière d'évolution négative.

Concernant Angers-centre et la première couronne, rien de négatif sauf Cantenay (ce qu'on peut comprendre, c'est "loin" même si une 2x2 voies a été aménagée depuis 2008, mais qui doit croiser l'A11 nord, ce qui ne doit pas être si fluide en heures de pointe. Et là, on est dans la rurbanité un peu étrange : les lotissements sans les avantages et les services de la première couronne (comme à Montreuil ou à Brain, par exemple).

On voit une nette déprise sur l'axe sud-ouest (Sainte-Gemmes, oui bon, mais aussi Savennières, Denée et Béhuard. Pourquoi ? Ces communes de franges habitées par des personnes aux revenus moyens à CSP+ sont encadrées soit par Bouchemaine - en pleine mutation, et qui représente bien la banlieue pavillonnaire bourgeoise avec de vastes parcelles, un bel environnement, un milieu de vie agréable pour des tarifs encore raisonnables, ce qui doit être corroboré par toutes les nouvelles extensions sud-ouest du quartier du Lac de Maine qui sont aujourd'hui en continuité de bâti avec Pruniers, mais à Bouchemaine, la densité est moindre, ce qui offre un ressenti avantageux. Et pour ceux qui recherchent une rurbanité plus axée sur le rural que sur l'urbain, Saint-Georges-sur-Loire offre un cadre de vie et des services bien plus intéressants que Savennières ou Denée. Quant à Behuard, les services sont très limités, l'île étant minuscule.

Beaulieu connaît une certaine déprise, mais on devine que c'est au profit de toutes ces communes situées entre Chemillé (qui devient un pôle structurant) et Angers Sud-Loire, comme Saint-Lambert-du-Lattay, Faye, Mozé ou Mûrs. Seule exception, Saint-Melaine et Vauchrétien, qui connaissent le même phénomène de déprise, alors que Soulaines suit la dynamique de Mûrs. Il y a là un nouveau phénomène, à mon sens, qui est le renforcement en forme de pôle relais de Brissac, qui rend à la D748, en 2x2 voies depuis longtemps, un nouveau rôle structurant. Et finalement, c'est logique, car lié à l'ouverture de l'A87 qui a été achevée (jusqu'aux Sables dans le 85) en 2008. La rocade est d'Angers, qui descend jusqu'à Mûrs avant de devenir une autoroute payante, est aujourd'hui en 2x3 voies et permet un franchissement de la Loire plus facile, ce qui peut expliquer une nouvelle dynamique de ce secteur, par ailleurs corroborée par la dynamique des secteurs Mûrs / Juigné / Saint-Jean-des-Mauvrets / Saint-Saturnin / Saint-Sulpice qui, un beau jour, deviendront très certainement partie intégrante de la première couronne d'Angers malgré le franchissement de la Loire.

La déprise, à l'est, des communes de La Daguenière, Blaison, Coutures et Saint-Rémy-la-Varenne semblent liée à ce phénomène de renforcement des pôles de Brissac, Trélazé et de ce couloir urbanisé de Mûrs à Saint-Sulpice. Il y a très certainement une polarisation plus forte vers des services véritablement rurbains, plutôt que seulement ruraux. Cela signifie que la seconde couronne sud d'Angers est en pleine structuration, et devient enfin lisible.

Plein est, on voit bien que la commune de Jarzé devient aussi un pôle structurant de 2ème couronne, alors que Marcé, sa voisine, où est implanté l'aéroport d'Angers, se dépeuple. Il doit y avoir un lien à étudier, car tout un couloir orienté nord-sud se dépeuple au profit de Jarzé, La Chapelle-Saint-Laud, Fontaine-Milon ou Gée, qui sont les communes du 49 qui connaissent les plus grandes augmentations de population du département. Déception : Beaufort-en-Vallée n'est pas encore un pôle structurant, mais attendons la création d'une commune nouvelle dans ce secteur pour faire le lien entre Angers-est et cette vallée de la Loire, transformant la D347 en axe structurant. Pour le moment, celle-ci est pratiquement urbanisée en continue sur une vingtaine de kilomètres au gré de villes ou de villages-rues. C'est un axe fort à prévoir. Mais visiblement, l'A11 et sa connexion avec l'A85, et l'aéroport, redistribuent les cartes d'une manière complexe.

La couronne ouest pose question. Le dynamisme de Saint-Clément-la-Place, Thorigné, Sceaux, Pruillé et du Lion d'Angers est, je pense, dû à la mise en 2x2 voies de la D775 et je pense que le pôle structurant de ce système est la Membrolle-sur-Longuenée pour les rurbains angevins, et le Lion d'Angers pour ceux qui auparavant se tournaient vers le nord-ouest du 49 et Château-Gontier (dans le 53 mais dans la Mayenne angevine, historiquement). Je pense qu'il s'agit là d'un véritable effet dynamique d'Angers au détriment du Segréen.

Pour finir, plein ouest, on voit bien qu'il y a une ligne de force (outre Ancenis, ce qui pose vraiment question) sur l'axe ligérien jusqu'à Nantes, et on constate donc que l'A11 et la Loire sont un axe structurant est-ouest lié à l'attractivité du pôle nantais.

En quittant la problématique de l'AU angevine, on constate un souci réel autour de Cholet et de son AU. Tiraillement entre Nantes et Angers ? Attractivité de plus en plus forte de la zone des Herbiers (85) ?

Un autre souci concerne le Saumurois et l'axe ligérien vers Tours, mais cela se répercute sur un couloir très dynamique au sud de la Loire entre Saint-Lambert-du-Lattay et Gennes, et au nord, comme nous l'avons dit, autour de Jarzé.

Si on dézoome un peu la carte, on se rend compte, ainsi, qu'il existe un véritable dynamisme dans un cercle qui se situe autour d'Angers, dans un rayon de 18 à 25 km du centre d'Angers, sauf sur l'axe ligérien est. Peut-être faut-il y voir d'une part une preuve de l'attraction nantaise pour l'ouest, et un rééquilibrage de la rurbanité angevine avec la recherche de l'équation idéale entre densité de services, cadre de vie et surface des parcelles, habitat individuel, loyers ou coûts du foncier encore raisonnables, mais aussi proximité en temps avec la ville-centre. Les récents aménagements de nombreuses 2x2 voies depuis 2008, avec la création de zones d'activités connectées (La Membrolle, Saint-Clément, Brain/Andard, etc.) sont certainement liés à ce phénomène.

Ce que je retiens, c'est donc que le territoire angevin, qui était déjà très lisible pour la première couronne, est en pleine structuration pour la deuxième grâce à des voies structurantes, et des pôles qui deviennent eux aussi structurants. Pour le moment, on voit émerger Le Lion d'Angers, La Membrolle, Saint-Clément-la-Place, Saint-Augustin/Montjean, Brissac, Saint-Lambert-du-Lattay/faye, Gennes, Jarzé. On devine une possibilité d'émergence pour Beaufort-en-Vallée et Tiercé. Déception pour Chemillé, Ancenis, Marcé (qui devrait être une commune duale avec Jarzé) et le saumurois et le choletais. Idem du côté de la Sarthe avec une véritable déprise autour de la Flèche et de Sablé, et de la Mayenne autour de Château-Gontier. J'ai l'impression que tous ces hinterlands souffrent beaucoup d'Angers et de Nantes, au sud du dynamisme de Nantes et de la Côte vendéenne, au nord-ouest de Rennes. Peut-être que les grands pôles urbains sont en train de consolider leurs franges de deuxièmes couronnes au détriment des espaces intermédiaires, ce qui tendra à renforcer les AU, et à affaiblir la "vraie" campagne non polarisée...

C'est en m'amusant à faire une petite carte que j'ai remarqué de vraies différence entre l'attendu, le réel et le communément admis par les habitants : certaines communes très recherchées sont en régression dans les faits, d'autres inconnues sont en plein boom démographique, et finalement, la deuxième couronne d'une aire urbaine de 400 000 habitants, depuis toujours assez illisible, pleine de contraintes morphologiques (franchissement de nombreuses rivières ou de la Loire, zone inondable, relief complexe au sud, zones de protection naturelle, etc.) commence à devenir lisible. Parfois grâce à des aménagements de voies 2x2 voies récentes, parfois sans raison apparente. Voici la carte.

Boris a écrit:

Tout ceci donne à peu près une carte comme celle-ci pour l'état de la structuration urbaine angevine première et deuxième couronne (cliquer sur la carte) :

http://www.editerer.com/pss/AUAngers2013_p.jpg

- En bleu : Angers centre
- En fond jaune : première couronne (UU)
- En jaune : pôles structurants avérés 1ère couronne (UU)
- En fond rouge : deuxième couronne (une partie de l'AU la plus dense)
- En rouge : nouveaux pôles structurants avérés entre 2008 et 2013 d'après leur dynamisme démographique
- Traits rouges : lignes de force
- En violet : pôles structurants prévus (SCOT ou autres documents AURA) ou pressentis, mais pour l'heure non avérés statistiquement.

En revanche, sur cette carte, on ne voit pas les lignes de force au-delà de la deuxième couronne sur l'axe ligérien Nantes-Angers, et la déprise sur l'axe ligérien Angers-Tours, Angers-Le Mans, Angers-Cholet  ni sur l'axe Angers-Château-Gontier-Laval. Conclusion : Angers fait parfaitement système avec Nantes, comme étant son hinterland vers l'est.

C'est ici que se pose la première question centrale de la discussion : la décohabitation est-elle endogène ou exogène ? En d'autres termes, vient-elle de la conformation d'une commune, ou d'un principe de vases communicants entre zones territoriales contiguës ou non au sein d'un même espace urbain fortement polarisé (ici, Angers ville-centre et UU) ?

Ce qui est intéressant dans cette carte, c'est que les centres objectivement (sur chiffres INSEE) polarisants (en rouge) ne sont pas les zones en violet qui étaient prévues ou pressenties - sur d'autres paramètres objectifs que l'INSEE). Il y a un écart entre réalité et représentations. D'où provient-il ?

Le Renard a écrit:

Ne pas oublier les causes endogènes, qui peuvent expliquer les contrastes au niveau local (plutôt qu'un effet de vases communicants ?) : typiquement, une commune rurale de quelques centaines d'habitants qui crée un lotissement va voir sa croissance démographique décoller de façon spectaculaire, mais sera contrainte ensuite de faire une pause pour développer (et financer !) les services demandés par ce nouvel afflux de population (services publics, assainissement, voirie, ouverture de classes...), et cela malgré une demande toujours soutenue. Les petites villes sont aussi soumis à ces cycles, même si c'est moins flagrant.

Pour une ville comme Ancenis : peut-être un centre-ville vieillissant (recul démographique et commerçant, peu de rénovations et de démolitions/reconstructions), et trop peu de programmes neufs pour pallier à la décohabitation ? Clisson est un peu dans le même cas, affichant une déprise alors que le vignoble est dynamique (soit à échelle réduite, le phénomène que connaissent de nombreuses villes-centres face à leur couronne urbaine émergente, finalement). A noter qu'Ancenis développe un projet de renouvellement urbain autour de sa gare, projet assez important et faisant une large place aux collectifs. C'est un changement notable puisque la commune s'était jusque là surtout étendue sous forme de lotissements pavillonnaires.

D'où la question qui intéresse ce thread : entre faits objectifs (et objectivés comme tels par les études INSEE que tout le monde peut se procurer, mais pas nécessairement analyser) et les comportements issus, notamment, du 'ressenti', de l''imaginaire territorial', qu'est-ce qui l'emporte dans le choix d'un foyer pour s'implanter sur tel ou tel territoire ?

Boris a écrit:

Quand je relis ton objection très claire et objective, je serais curieux de voir si et comment cela concerne les pôles qui semblent devenir structurants de la 2ème couronne d'Angers et qui peuvent dépasser un certain seuil critique, comme les 4000 à 5000 habitants. Ta logique est évidente pour les communes de 1000 à 2000 hab, mais ce qui me pose question, c'est les communes plus imposantes, qui ont franchi ce seuil critique démographique et donc budgétaire (comme Chemillé, Beaufort, etc., qui peuvent dépasser 4000 hab surtout en configuration de communes nouvelles, d'où d'ailleurs leur choix pour l'avenir proche...  A7 ).

Donc, question suivante : entre les raisons endogènes ou exogènes de décohabitation, crois-tu que la question soit liée à un seuil démographique critique des communes concernées pour devenir des pôles structurants, ou même que la création de communes nouvelles plus importantes puisse changer cette logique que tu as définie (je pense ici à Beaufort ou à Chemillé, mais peut-être aussi à d'autres dans l'Angers sud-loire où rien n'est officialisé) ? Et crois-tu que tout ceci puisse redistribuer les cartes de la structure globale de la deuxième couronne angevine par du 'ressenti' face à la programmation territoriale uniquement structurée sur des faits objectifs (genre Marcé/Jarzé ou La Meignanne/Saint-Clément-la-Place) ?

Car comme je l'ai écrit autre part, selon moi, la "métropolisation" est issue de beaucoup d'autres paramètres que les seuls objectifs comme les flux les connexion ou la démographie, et que les sciences humaines, qui dépassent parfois l'INSEE de manière complémentaire et  qui définissent le 'ressenti' des habitants, peuvent être un paramètre fort à prendre en compte, mais là, les études sur des territoires précis manquent vraiment.

Car enfin, quand tu choisis de partir d'un grand centre vers la deuxième couronne, ou au contraire de te rapprocher d'un centre en achetant dans cette zone, tu vas rarement faire une étude exhaustive sur les sites de l'INSEE ou de l'AURA. Ce sont bien d'autres paramètres qui entrent en compte. Certains croisent l'INSEE et autres données objectives (densité de services par habitant, temps de parcours, taxe foncière etc...), mais d'autres absolument pas.

Donc, "endogène", "exogène", c'est vraiment une question très complexe. Quelle peut-être la part du ressenti et du réel dans le choix des  flux entrants ou de la décohabitation ? Si on prend l'exemple de Saint-Lambert-du-Lattay vs Chemillé, ce serait une vraie question.

Bref, les seuls indicateurs (objectifs) de l'INSEE me semblent lacunaires pour expliquer la réalité du terrain Angevin que je peux, aussi, à partir d'une expérience 'enracinée', confronter avec le ressenti et avec la "psychologie' ou la "sociologie" du terrain, bref, les "représentations".

Donc, d'un point de vue objectif, ces émergences que j'ai notées sur ma petite carte sont aussi dues à des paramètres qui dépassent des paramètres "endogènes" ou de "vases communicants", mais je reste persuadé que les flux démographiques (enracinement, soldes positifs endogènes ou non, décohabitation, etc.) qui paraissent structurés par par des forces de polarité objectivables ne le sont pas toujours, et que le ressenti de l'ancien ou du nouvel habitant sont des paramètres pertinents, significatifs et à prendre en compte. Je m'appuie sur la zone angevine, que je connais bien, pour cela. Mais qu'en penses-tu ? Crois-tu que certaines méthodes actuelles permettent de dépasser, et donc de prévoir, ces états pour l'heure souvent strictement décrits par les indicateurs objectifs de l'INSEE qui ne tiennent pas compte du 'ressenti' ?... Quelle est la part de la psychologie dans l'attractivité réelle d'un territoire ?

Renard montre qu'il s'agit de tout un faisceau de paramètres, et que les comportements de différentes topologies sociologiques sont lissés par une lecture macro.

Le Renard a écrit:

A propos de la décohabitation, je pense qu'elle a surtout un effet sur les villes-champignons d'il-y-a 25 ans environ (soit une génération). Je pense à ces communes au tissu pavillonnaire vieillissant en périphérie des grandes villes, qui ont connu un contrecoup au début des années 2000 après une forte période d'expansion pendant les années 70-80. C'est sans-doute plus vrai dans les métropoles attractives, du fait du renchérissement des loyers et du foncier. Les enfants devenus adultes, ils quittent le foyer familial pour habiter "en ville" ou pour construire là où le terrain est abordable, en deuxième ou troisième couronne.


Quant à Saint-Lambert-du-Lattay vs Chemillé, les données de DataFrance nous donnent quelques éléments d'appréciation :

- la population : davantage de professions intermédiaires à Saint-Lambert (19% contre 12), un peu plus de chômeurs (7% contre 6) et de célibataires (36% contre 31) à Chemillé ;

- les services : Chemillé compte davantage d'équipements de santé (66 contre 11, dont un hôpital) ;

- le logement : à Saint-Lambert la taxe foncière est plus faible (sur le bâti, 16% contre 20), Chemillé compte plus d'appartements (15% contre 4%), plus de résidences occupées par des locataires (34% contre 24), elle présente une mobilité résidentielle plus élevée (16% ont emménagé il-y-a moins de deux ans contre 11% - c'est particulièrement vrai pour l'IRIS "centre-ville" de Chemillé : 20%), les habitants de Saint-Lambert sont plus motorisés (95% contre 91) ;

- économie et emploi : si on regarde le nombre d'établissements et l'effectif salarié par secteur, ils sont sont insignifiant à Saint-Lambert hormis dans le secteur agricole, alors que Chemillé présente une situation plus équilibrée.

Au vu de ces chiffres, Saint-Lambert me donne l'impression d'attirer des jeunes couples avec enfants, primo-accédants venus construire et travaillant sur Angers (Saint-Lambert fait partie de son aire urbaine); tandis que Chemillé présente un profil plus complexe, attirerait davantage de célibataires, de couples sans enfant et de retraités voulant se rapprocher d'une ville-centre et de ses services/commerces. La plus grande diversité de logements produit peut-être une plus forte mobilité résidentielle interne à Chemillé (typiquement le couple de retraités quittant leur pavillon après le départ des enfants pour emménager en centre-ville ?), puisque la mobilité résidentielle globale y est plus élevée malgré une croissance démographique proportionnellement plus faible qu'à Saint-Lambert. Chemillé est une ville constituée (petit pôle urbain selon l'INSEE), avec une économie présentielle. Saint-Lambert est une petite ville en formation, captée par la dynamique angevine.


Sur la question du ressenti, certes personne ne s'amuse à comparer les données INSEE avant de déménager, en revanche je pense qu'il existe un fort mimétisme entre personnes des mêmes groupes sociaux et que ce comportement sur-détermine leur choix (ce qui pour le coup est objectivable). Qu'il s'agisse du dynamisme économique, du coût du foncier, du temps de transport, de l'image (la réputation) de la commune, de l'environnement, de la qualité et du nombre de services et commerces, de la vie associative et culturelle, de la qualité des relations de voisinage, etc... tous ces arbitrages ne sont pas fait consciemment par chaque individu mais il sera influencé par ses lectures (presse, sites institutionnels), par un ami/collègue/voisin qui a fait le même choix, par ses pratiques culturelles ou sportives, par des souvenirs de vacances ou de week-end, des souvenirs d'enfance, son histoire familiale... A une échelle macro les singularités sont gommées au profit de portraits sociologiques.

Ainsi, ressenti ou réel, où se trouve la frontière pour définir l'attractivité territoriale ?


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#2
17-01-2016 21:29
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La réponse de Renard est donc très intéressante, et dépasse très largement la problématique locale de l'aire urbaine d'Angers et de sa deuxième couronne.

Je lui ai répondu ceci :

Boris a écrit:

Drôlement intéressant, merci Renard.  B6

Voilà qui répond à beaucoup d'aspects de mes questions. Je serais curieux de savoir dans quelles proportions et comment le macro, englobant des typologies sociologiques bien identifiées, gomme les singularités. En fait, ce que tu me dis-là ressemble fortement aux études que l'on peut faire en marketing, entre données objectives du produit ou du service, analyse de la segmentation des cibles et canaux de communication personnalisés par segment, par exemple pour mettre en place des relations client ultra personnalisées malgré la masse ou la dématérialisation des clients eux-mêmes. Et concernant ce 'ressenti' qui fera qu'un consommateur lambda deviendra un lead ou prospect, un client, puis un client fidélisé, puis un prescripteur, il y a donc ce chaînon manquant que tu nommes "réputation, influence, relais, souvenirs, expérience de proches) et qu'en marketing, on désigne justement comme de la "prescription". Le prescripteur, c'est celui vers lequel on communique pour qu'il prescrive un produit à des segments qui lui sont déjà fidèles et parfaitement identifiés (c'est la communication à double étage de Lazarsfeld et Katz) et dont on sait parfaitement qu'on l'écoutera, que son conseil sera pris en compte et sera même central dans l'acte de conversion (l'achat, pour être clair).

Or donc, si j'en crois ton analyse, ce schéma fonctionnerait parfaitement, aussi, dans le choix d'un territoire comme dans celui d'un produit. C'est vraiment très intéressant, car cela signifierait qu'un territoire qui saurait construire sa représentation aurait plus de chance d'être dynamique qu'un territoire objectivement plus attractif, mais moins prescripteur. C'était, en son temps, toute la success-story de "Montpellier la Surdouée". Certains territoires ont joui de cette image issue de représentations, comme Grenoble, Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Nice - même si, derrière, il y a des arguments objectifs solides - mais d'autres en ont bien profité, sous le nom d'héliotropisme par exemple (Nîmes, La Grande-Motte) alors que les points objectifs et quantifiables y étaient moindres.

Certains territoires se sont "forgé des réputations" sectorielles fortes : Avignon ou Cannes par la culture (festival), le Val de Loire (Tours, Angers) par sa douceur de vivre, la Rochelle par la musique (dynamisme, jeunesse), etc. Ceci se comprend pour des territoires qui communiquent sur la longue traîne, avec beaucoup de moyens, et qui savent créer une représentation sur des racines objectives : Grenoble et le high-tech (objectivable), Nice et le taux d'ensoleillement (objectivable), Toulouse et l'aérospatiale (objectivable), Bordeaux et la bourgeoisie liée au vin (objectivable), etc.

Mais pour les petits territoires comme Chemillé ou Saint-Lambert-du-Lattay, la prescription est plus complexe à analyser. Dans ce type de territoires, il y a quelques maîtres en la matière. Par exemple, que l'on soit d'accord ou non avec lui, De Villiers a fait du secteur des Herbiers une place hyper attractive en créant (du moins en incitant à créer), en 30 ans, l'une des zones rurales de France les plus densément occupées par des TPE/PME. Et son canal de communication pour le grand public, ça a été le Puy-du-Fou d'un côté, Alouette FM de l'autre. Mais lorsque l'on se rend sur place, on voit bien le gap qui existe entre la représentation territoriale et le ressenti, l'image et le vécu quotidien.

Est-ce donc à dire qu'aujourd'hui, à l'ère de la com et du marketing, l'attractivité des territoires a aussi un lien avec l'habileté de ses communicants à créer un imaginaire territorial, à créer un désir de ressenti spécifiquement lié à ce territoire ? Lorsqu'on vend un territoire, vend-on seulement un faisceau de services, ou de l'imaginaire ? Crée-t-on de l'achat foncier de cœur, ou de raison ? Et le processus est-il donc dans la recherche d'un parfait équilibre entre réel et ressenti, pour créer le plus possible de prescripteurs ?... Car finalement, l'habitant n'est-il pas les deux, celui qui ressent et qui s'approprie un lieu comme celui qui fait exister son territoire en tant que citoyen, que contribuable, etc.

La question n'est pas si absurde et mériterait d'être vraiment développée. C'est une stratégie fondamentale pour les territoires en déprise, ou un élément fort de redynamisation pour les territoires qui ont des soucis conjoncturels (d'économie, d'image). Et je pense que c'est un levier très fort pour accompagner le reclassement/la réinvention/la restructuration/la remise à niveau (etc.) pour les villes de banlieue dont certaines ont des images déplorables, qui cachent le littéral foisonnement d'initiatives publiques, privées ou individuelles. Dans l'autre sens, cela pourrait aussi aider à calmer le surclassement de certaines villes notamment du point de vue des tarifs du foncier (genre Boulogne-Billancourt, suivez mon regard...) où il existe un écart énorme entre les tarifs pratiqués et la réalité des biens. Ceci a donc également un lien profond avec les phénomènes de gentrification. Bref, ici, il y a un vrai enjeu...

Quelle part entre objectivité territoriale et imaginaire ? Qu'est-ce qui définit aujourd'hui, en 2016, l'habitant ? Et quels sont les leviers des collectivités pour redéfinir l'attractivité de leur territoire ? J'imagine bien que nous ne sommes pas dans le tout économique, dans le tout aménagement ou dans le tout communication, que c'est un peu de tout cela. Mais quelle est la part de l'imaginaire dans tous ces paramètres ? Bref, quelle part entre réalité et représentation pour l'habitant d'un territoire, et quelle part d'action publique pour infléchir non pas cette réalité objective (qu'on connaît tous ici), mais ce ressenti qui a trait aux représentations et à l'imaginaire ?

Puisque la France est devenue un pays très majoritairement urbain, il me semble que cette question de définition de l'"habitant" est donc devenue centrale, mais qu'on ne s'y attache pratiquement jamais sinon avec des définitions INSEE qui datent d'il y a 30 ans. Et pourtant...

Qu'en pensez-vous ?


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#3
18-01-2016 11:47
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Or donc, si j'en crois ton analyse, ce schéma fonctionnerait parfaitement, aussi, dans le choix d'un territoire comme dans celui d'un produit [...] cela signifierait qu'un territoire qui saurait construire sa représentation aurait plus de chance d'être dynamique qu'un territoire objectivement plus attractif, mais moins prescripteur. [...] Certains territoires ont joui de cette image issue de représentations, comme Grenoble, Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Nice.

Complètement d'accord avec ça. Aujourd'hui, la com, l'image, le fait de se vendre, ça joue dans 50% de la représentation d'une ville/métropole. Certaines d'entre elles y arrivent mieux que d'autres (Bordeaux, Nantes, Montpellier). Nantes a construit son story-telling sur Jules Verne et la créativité culturelle, Bordeaux sur son patrimoine unesco en centre-ville et sur les quais. Montpellier a réussi dans l'inconscient collectif à se isser dans le top 10 des métropoles française grâce à plusieurs points forts : grands équipements culturels et universitaire, architecture audacieuse, sport élite, grandes entreprises internationales (Intel, Dell), etc. Pour l'économie, c'est pareil avec l'aéronautique à Toulouse ou les nanotechnologies à Grenoble.

A l'inverse, d'autres villes comme Angers, Rennes ne sont pas représentées par les français, elles n'ont ni surnom (cité des ducs, belle endormie, la surdouée) ni vraie stratégie de rayonnement pour se vendre à l'extérieur. Et ça se ressent dans l'image qu'en ont les français : au mieux de l'indifférence (souvent le cas pour Angers pourtant très agréable mais peu connue), au pire du mépris dû à une méconnaissance (souvent le cas de Rennes catalogué à tord comme ville moche, bétonnée* avec des HLM et des marginaux partout)

*Rennes ne communique pas par exemple sur le fait que c'est une ville très verte, en plus d'avoir une ceinture verte. Elle est presque aussi verte qu'Angers et autant que Nantes. On voit le résultat, personne ne le sait. pire, du fait d'un centre-ville très dense et minéral (c'est bien connu, le centre constitue souvent la représentation que l'on se fait d'une ville), les gens pensent l'inverse...Elle communique en revanche sur sa politique de densification avec des logements sociaux et sur le fait d'accueillir toutes les populations. Ça part d'une bonne intention mais ça ne fait pas rêver et cette politique énerve les rennais qui ne veulent plus voir de belles battisses historiques remplacées par des immeubles quelconques...


Vouloir plus pour Rennes, une ville sans rayonnement & renfermée sur elle-même.

Dernière modification par Floch PC 11: 18-01-2016 12:20
#4
18-01-2016 18:14
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Floch PC 11 a écrit:

Complètement d'accord avec ça. Aujourd'hui, la com, l'image, le fait de se vendre, ça joue dans 50% de la représentation d'une ville/métropole. Certaines d'entre elles y arrivent mieux que d'autres (Bordeaux, Nantes, Montpellier). Nantes a construit son story-telling sur Jules Verne et la créativité culturelle, Bordeaux sur son patrimoine unesco en centre-ville et sur les quais. Montpellier a réussi dans l'inconscient collectif à se isser dans le top 10 des métropoles française grâce à plusieurs points forts : grands équipements culturels et universitaire, architecture audacieuse, sport élite, grandes entreprises internationales (Intel, Dell), etc. Pour l'économie, c'est pareil avec l'aéronautique à Toulouse ou les nanotechnologies à Grenoble.

A l'inverse, d'autres villes comme Angers, Rennes ne sont pas représentées par les français, elles n'ont ni surnom (cité des ducs, belle endormie, la surdouée) ni vraie stratégie de rayonnement pour se vendre à l'extérieur. Et ça se ressent dans l'image qu'en ont les français : au mieux de l'indifférence (souvent le cas pour Angers pourtant très agréable mais peu connue), au pire du mépris dû à une méconnaissance (souvent le cas de Rennes catalogué à tord comme ville moche, bétonnée* avec des HLM et des marginaux partout) [...]

Tes questions et les mots que tu emploies (que je me suis permis de mettre en gras) résument toute la problématique !

"Story telling, faire rêver, représentation ville/métropole, audace, élite, international, surnom, stratégie de rayonnement, se vendre."

Est-on en train d'assister non pas à une mutation urbaine (continue depuis toujours, accentuée à la Reconstruction par Pinay, la Charte d'Athènes, etc), mais à une mutation de l'imaginaire urbain qui, elle, est bien plus brutale et plus difficile à quantifier ou comprendre ?

Question : pourquoi toutes les villes ayant atteint un certain seuil à l'échelle uniquement régionale, voire départementale et ni nationale, ni internationale, on accolé le mot "métropole" au nom de leur communauté d'agglo ? Quelles en sont les connotations pour leur attractivité réelle ou supposée ? Pourquoi ces story tellings ne sont-ils pas habituels dans les villes de banlieue, là où le mode "grand ensemble" l'emporte, sur l'inconscient collectif, sur toute autre forme de représentation (le mot "banlieue" étant, à lui seul, devenu discriminatoire) ?

On peut avoir des réponses "macro" suivant ce qu'a très bien expliqué Le Renard sur les typologies sociologiques qui, en masse, gomment les singularités... des comportements !

Mais cela explique-t-il le gommage des singularités territoriales ?...

Quels sont les nouveaux leviers à inventer ou à réinventer pour créer de l'attractivité sur des zones urbaines en déprise, alors que certains indicateurs objectifs (INSEE, agences d'urbanisme, CCI, agences de développement...) donnent tort à ce ressenti de non-attractivité ?

Un exemple précis : le Central Park de Castro.

Pour la volonté première et le discours autour de cet aménagement, c'est ici : http://www.c-du.com/projets/central-park-la-courneuve

On a une description sur deux plans distincts :
- Le wording du ressenti qui s'adresse à l'imaginaire urbain : parc, extraordinaire, Grand Paris multipolaire, plus grand que Central Park à New York, avenir, attracteur formidable, échelle métropolitaine, central, théâtre, guinguette, génial, biodiversité, enthousiasmant, prestige, rayonnement mondial exceptionnel... - on dirait que c'est un peu 'survendu', et les rendus vont dans ce sens. Connotation : trop beau pour être vrai, trop new-yorkais pour être parisien.
- Le wording de l'objectif qui s'adresse... aux décideurs : 5 M de m², 415 ha, nouvelle centralité, tous les terrains sont maîtrisés, accessibilité existante, principaux transports en commun existants, peu d'aménagements à prévoir (donc coûts contenus), 300 €/m², recette publique de 2 Ma €, 50 000 à 80 000 équivalents-logements et donc 100 000 à 160 000 équivalents-emplois... - tous ces arguments semblent recevables s'ils sont objectivables et non tronqués par une idée sous-jacente de profit, de rentabilité ou de vision du monde. Or, après vérification rapide, oui, ce sont des arguments objectivables (ou communément admis dans cet univers de décision).

La réaction au projet : ici --> http://www.lemonde.fr/planete/article/2 … _3244.html

Le monde, 5/07/2015 a écrit:

Au parc Georges-Valbon, Oriane et David, dionysiens trentenaires, s’y rendent tous les week-ends pour s’y détendre. Cette balade dominicale, leur « seule sortie de la semaine souvent », est une échappée dont ils ne se lassent pas, bien qu’il leur faille traverser la RN301 pour rejoindre le site depuis leur quartier de Saint-Denis. Une fois sur place, « il n’y a plus aucune voiture. On est complètement au vert. Il y a du relief. On croise des hérons, des bernaches, des grèbes », raconte Oriane. Qu’ils viennent d’une des six communes bordant le parc (Saint-Denis, La Courneuve, Stains, Garges-lès-Gonesse, Le Bourget, Dugny), du reste du département, voire de Paris et des Hauts-de-Seine, pour marcher, courir, pique-niquer en famille ou laisser leurs enfants se défouler sur les aires de jeux, dans les bosquets ou les herbes, tous savourent le cadre si vert, si calme, loin de l’effervescence urbaine, du parc de La Courneuve.
Cette quiétude ne laisse pas entrevoir la colère qui monte depuis quelques mois contre le projet de transformation du parc. Des affichettes « non au bétonnage de notre jardin à tous, le poumon vert du 93 » ont été punaisées sur les panneaux du parc. Plus de 10 000 signatures ont été réunies par une pétition exigeant le retrait de cet ambitieux projet.
D’abord accueilli avec curiosité et intérêt, si ce n’est l’enthousiasme, ce projet est peu à peu devenu l’objet de polémiques, surtout depuis que le gouvernement l’a inscrit, en avril, sur une liste de possibles Opérations d’intérêt national (OIN), dans le cadre du plan « logement » du Grand Paris. Cette procédure, qui conduirait à une reprise en main des prérogatives des communes par l’Etat, a exacerbé l’opposition des élus.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2 … 57337v4.99

On sait pourtant que le projet de Castro, si on poussait l'étude d'une manière neutre et en s'appuyant sur du réel vraiment objectivable, sur des études neutres, des "audits", peut :
- désenclaver l'une des zones les plus défavorisées du 93
- injecter de la recette fiscale dans le département le plus pauvre de France (ou dans la zone nord au ressenti le plus pourri de la Métropole parisienne)
- Rendre une attractivité économique majeure à des cités pour l'heure parfaitement données en exemple comme le ratage absolu d'un urbanisme des années 60-70-80 (notamment les 4000 / Balzac à la Courneuve)
- Rééquilibrer l'axe métropolitain vers le nord en profitant de la mutation tertiaire de Saint-Denis (zones Pleyel / Stade de France / Île Saint-Denis puis, aujourd'hui, Aubervilliers sud avec le lien avec le XIXe Nord vers Curial) et donc, par rebond, rééquilibrer le foncier trop haut et inaccessible vers l'ouest du territoire métropolitain.

Ce qui est intéressant à constater, ce sont les réactions qui ont suivi ce projet, d'abord très bien accueilli comme une bonne surprise (un grand projet sur une zone si négativement connotée), puis très vite décrié sur des arguments uniquement fondés sur de l'imaginaire urbain ou du ressenti, malgré le fait que les plumes qui ont relayé ces arguments soient estampillées CNRS Sciences humaines (socio) :

Libé, 23/06/2015 a écrit:

«Central Park» à La Courneuve, le mépris des classes populaires
Par Etienne Penissat, Sociologue au CNRS — 23 juin 2015 à 18:56

Sous prétexte de plus de mixité sociale, 24 000 logements et commerces sont prévus à l’intérieur de ce parc, poumon vert de la Seine-Saint-Denis. Ce qui manque aux classes populaires du département, ce ne sont pas des ménages aisés qui vivraient à côté d’eux sans forcément se mélanger, mais plus de services publics.
Voir http://www.liberation.fr/societe/2015/0 … es_1335585

... Et pourtant, l'architecte Roland Castro n'est pas connu comme un homme d'extrême-droite favorisant les très riches en piétinant les très pauvres... La droite ligne idéologique dans laquelle il a toujours tenté de s'inscrire, ce sont les rééquilibrages territoriaux. C'était même le premier à vouloir installer des ministères dans le 93... Quant aux dimensions "anti-écologiques" du projet, deux arguments objectifs :
- le parc de la Courneuve, en l'état, est très peu fréquenté et son écosystème, s'il est préservé, peu en profitent ;
- une solution a été retenue pour agrandir la part de zone préservée par rapport à son aire actuelle une fois les aménagements constitués, mais cela demande une projection à 30 ans - et une confiance réelle envers les engagements pris, là où sans doute le bât blesse (encore des représentations).

Voici donc un résumé de la contre-argumentation qui a enterré le projet.

Libé... a écrit:

Mais au-delà de sa dimension anti-écologique, le «projet Castro» fait écho aux «politiques de peuplement» promues par Manuel Valls. La mixité par petites touches ayant échoué selon le gouvernement, il faut tenter de grosses greffes. Le terrain est fertile, il serait possible d’y attirer de «nouvelles populations» aisées, venues des sièges sociaux de la Plaine-Saint-Denis, du futur complexe d’affaires et de loisirs Europa City dans le triangle de Gonesse, du premier aéroport d’affaires d’Europe (Le Bourget) ou carrément, comme le préconise Roland Castro, «donner aux Parisiens des raisons de franchir le périphérique» pour «attirer dans ce lieu des gens qui auraient les moyens d’y habiter, mais qui n’auraient pas l’idée d’y venir»

On voit bien que les enjeux métropolitains se situent dans l'imaginaire urbain avant tout, et donc dans la communication ensuite, avant de s'appuyer sur les morphologies territoriales, économiques ou sociologiques, ces notions étant totalement passées sous silence.

Le Monde (comme une réponse directe à Libé) a écrit:

A la veille d’une mobilisation citoyenne, dimanche 5 juin, Manuel Valls a pris ouvertement ses distances avec le projet de « Central Park » à la Courneuve (Seine-Saint-Denis), conçu et présenté en octobre 2014 par l’architecte Roland Castro. « Ce projet n’est pas celui de l’Etat », affirme-t-il dans une lettre adressée le 29 juin au président PS du conseil départemental, Stéphane Troussel.

Dans ce cas d'école très emblématique voire caricatural, on est bien là dans l'univers des représentations, de l'imaginaire urbain, et certainement pas dans l'objectivité du projet.

Cet échec est-il dû uniquement à une mauvaise communication ?

Ce serait trop simple. Et encore, on ne parle pas ici des sous-tendus idéologiques qui, je pense, ont allègrement tordu l'argumentation vers une relecture 'ressentie' du projet au détriment de ce qu'il est objectivement.

Cet échec est issu, me semble-t-il, de l'imaginaire urbain très fort et très négatif autour de cette zone de la métropole, qui en a fait un endroit non attractif ad vitam, (zone de non droit, de chômage endémique, de trafics, de grands ensembles perdus à jamais), premier prérequis mythique, dans lequel on aurait le culot d'injecter des classes moyennes ou supérieures qui profiteraient, seules, d'un poumon vert exceptionnel, cloisonnant encore davantage le territoire au profit des riches, au détriment des pauvres qui n'auraient plus du tout accès aux hérons cendrés ni aux bernaches canadiennes, second prérequis mythique.

Rien n'est démontré dans tout cela. Au contraire, à la Courneuve, il y a un foisonnement énorme d'initiatives en tout genre...

--> http://lacourneuve.blog.lemonde.fr/

On constate bien qu'on se situe ici dans de la mythologie et non dans de l'objectivité puisque le projet de Castro est un très bon exemple de reconstruction de la ville sur elle-même (sur une zone naturelle sensible, certes, ce qui impose des contraintes qui ont pour autant été intégrées dès l'origine du projet), de réinjection de mixité fonctionnelle dont La Courneuve manque cruellement, et dans la construction d'un nouveau pôle de centralité qui pour le moment n'est, dans ce secteur, uniquement que tertiaire et qu'il ne concerne donc pas les habitants. Pire : qui les en exclut, au moins directement (après c'est une question de péréquation et de redistribution de la manne engendrée, c'est donc politique).

Si ce type de projet est combattu d'office, cela signifie que l'imaginaire urbain est immuablement mis au premier plan, voire qu'il pourrait être source d'inertie insurpassable (ce qui est faux, on sait tous que la culture et que les archétypes évoluent sans cesse) et, surtout, ce qui semble assez récent, qu'il prend le pas sur l'objectivité des composantes d'un territoire. Ce qui semble non pas seulement favoriser, mais plus, entériner l'idée de territoires à deux vitesses, ceux à potentiel qui seraient attractifs, ceux sans potentiels qui seraient à ignorer, voire à dégager de l'équation.

La méfiance territoriale issue de la méfiance envers le politique ?... L'imaginaire avant le réel ?...

Encore une fois, le cas du Central Park est extrême, mais il reflète bien le paradoxe objectivité / ressenti territoriaux contre lequel buttent de très nombreux territoires dans le pays.

Comment dépasser ce paradoxe ? Existe-t-il des exemples réussis ou des tentatives prometteuses où l'écart imaginaire / objectivité a été équilibré, ce qui a rendu une zone attractive de nouveau (allez, un exemple : Valenciennes ?)
Comment peut-on lier les deux, objectivité et imaginaire, pour limiter la décohabitation d'une part, et la gentrification d'autre part ? Pour rendre attractifs des territoires qui le sont vraiment, et pour déclasser des territoires qui ne le sont pas vraiment mais qui sont très demandés, bref : pour rééquilibrer la carte territoriale, autant à une échelle micro que macro ?...


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#5
27-01-2016 17:54
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Un exemple qui est en cours depuis 11 ans, 11 années pendant lesquelles une concertation très poussée a été employée pour faire évoluer les mentalités, les préjugés. Le quartier du Blosne à Rennes (plus connu sous le nom de ZUP sud).
Le Blosne c'est un quartier vieillissant des années 70 qui perd des habitants, l'archétype de la ZUP de ces années, tissu urbain décousu, vastes espaces laissés à l'utilisation de l'automobile.

Depuis la première étude de 2005, 6 versions du plan de réaménagement ont été présentées par l'Urbaniste Antoine Grumbach, et d'innombrables réunions de concertation.
En plus des réunions de concertation, des visites de quartiers rénovés en France et en Europe ont été organisées pour des délégations d'habitants et élus. Les écoliers ont aussi été mis à contribution et donc indirectement les parents, etc...

Aujourd'hui le projet rentre tranquillement en phase opérationnelle, le quartier va accueillir vers 2020 un "grand équipement"'(le conservatoire de musique de la ville de Rennes) pour favoriser une mixité des flux, et redorer l'image du quartier.

Ici clairement, si cette concertation a été plus intense que pour d'autres lieux, c'est pour casser dans la durée l'image négative du quartier ressentie par les habitants eux-même. La concertation a ouvert des perspectives futures "réjouissantes" pour ce quartier au moyen des visites. Les habitants se sentent plus impliqués car plus sollicités et consultés (les enfants qui montrent leur travail d'école aux parents).
L'idée générale qui ressort de cette concertation prolongée serait :
- changer l'image du quartier de l'intérieur, dans les yeux des habitants,
- impliquer les habitants dans l'avenir du quartier, imaginer un avenir en rompant avec les stéréotypes ancrés, en visitant un ailleurs
- insérer un équipement comme machine à brasser les "classes sociales", dans l'objectif de diffuser cette nouvelle image vers les habitants qui n'y venaient jamais avant.

Autre point positif, le quartier abritant pourtant de nombreuses "tours" pourrait malgré tout en voir émerger de nouvelles, car mieux "comprises" par les habitants, comprises pour ce qu'elles renvoient de "moderne"... F10

 

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